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Sabine Wespieser
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Nestor rend les armes
Clara Dupont-Monod
- Sabine Wespieser
- Litterature Etrangere
- 25 Août 2011
- 9782848051000
NESTOR REND LES ARMES. Avec ce court roman en forme d'allégorie, Clara Dupont-Monod confirme l'inscription de son travail littéraire dans la veine des portraits d'exclus et de marginaux.
Nestor est comme exilé dans son propre corps. Il est obèse. Le monde extérieur lui est hostile, les moindres gestes du quotidien sont pour lui une souffrance : depuis longtemps déjà, Nestor ne parvient plus à nouer ses lacets, descendre un escalier est une épreuve et parcourir les cent mètres qui le séparent du supermarché une expédition. Enfermé dans sa solitude, son existence apparaît comme une succession d'instants et de mouvements détachés les uns des autres : " Il se laissait glisser, conscient qu'à n'avoir aucune raison de vivre, on n'en a pas non plus pour mourir. Il flottait. Parfois il se disait que les émotions ne pouvaient plus atteindre son coeur à cause des barrages de graisse à franchir. Alors, pensait-il, il valait mieux ne pas maigrir. Il serait terrassé par une rafale d'émotions enfouies dans ses plis. Il était une boîte fermée. " De cet être désigné au regard des autres comme un monstre, Clara Dupont-Monod tente de saisir le mystère. Celui dont le seul horizon est la photo d'un phare du bout du monde accrochée dans sa cuisine devient sous nos yeux un personnage, riche de l'histoire de son exil : argentin, arrivé en France pendant la dictature, il y retrouve une jeune femme qu'il épouse et avec qui la vie est douce. Jusqu'au drame qui inexorablement les éloigne l'un de l'autre au point qu'il finira enfermé dans la rassurante forteresse de sa propre chair.
Au fil des pages, et comme à l'insu du lecteur, l'obèse réduit à sa particularité physique prend la dimension d'un être humain ordinaire. Contraint de trier les papiers de sa femme, il se retrouve confronté, à travers lettres et journaux intimes, à la vérité qu'il fuyait. Une brèche s'entrouvre alors dans le système de défense de celui à qui seule la nourriture apporte du réconfort - ses repas sont orchestrés comme des campagnes militaires et ingurgités dans sa cuisine, devenue son refuge.
À force de patience et de tendresse, une jeune femme, médecin, parviendra peut-être à conjuguer sa propre solitude à celle de ce patient peu ordinaire. La langue poétique et précise de Clara Dupont-Monod agit comme un charme puissant pour suggérer l'indéfinissable attachement, tissé de leur besoin de chaleur et de leur détresse, qui naît entre ces deux-là...
L'écrivain se garde bien de conclure : trois issues s'offrent au lecteur, comme s'il était impossible qu'une si belle histoire finisse mal.
Clara Dupont-Monod est née en 1973. Diplômée en ancien français, elle a commencé très tôt une carrière de journaliste. Après avoir dirigé les pages culture de Marianne, elle est aujourd'hui responsable de la culture pour La Matinale de Canal + et intervient régulièrement dans l'émission Jeux d'épreuves (France Culture). Dès son premier livre, Eova Luciole, paru en 1998 chez Grasset, elle a mis en scène des figures de la marge. Son dernier roman paru, La Passion selon Juette (Grasset, 2007), portrait d'une femme qui au XIIe siècle entra en rébellion contre l'ordre établi, a remporté le prix Laurent Bonelli et a été finaliste du prix Goncourt. Elle est mère de deux enfants et vit à Paris.