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ACTES SUD
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Paru en 1992, Pipelines, d'Etgar Keret, signait l'entrée fracassante, sur la scène littéraire israélienne, d'un écrivain qui s'imposait d'emblée comme un inventeur de formes capables de traduire, à l'intention de générations nouvelles, un monde à tous égards entré en mutation et qu'ébranlaient, en Israël comme ailleurs, de violentes et multiples convulsions. Si les textes qui composent Pipelines portent l'empreinte d'un surréalisme métaphysique qui rappelle Kafka ou Gombrowicz, et si y transparaissent les liens que Keret entretient avec la culture de l'Europe centrale, la vigueur et la maîtrise qui les caractérisent en font des créations puissamment originales. Composées comme en apnée, ces vignettes avec personnages, traçant des lignes de fuite aussi déviantes qu'insolites, sont en effet autant de fragments prélevés sur le réel dans un geste créateur d'une audace formelle qui métamorphose sur-le-champ le monde en objet d'inattendue méditation. En usant de vertigineux changements de focale, l'écriture d'Etgar Keret opère à chaque instant un déplacement nécessaire, jubilatoire et libérateur, où se dévoile le scandaleux visage d'une sagesse aussi inédite qu'authentique.
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minimalistes, fantastiques, provocateurs, ces quarante-huit " textes-clips " d'etgar keret sont autant de plongées dans un univers littéraire inédit.
ecrits en état d'urgence, le souffle coupé, ils se jouent de la vraisemblance, font exploser les représentations attendues, brouillent les pistes, et leur brièveté redoutable ne les rend que plus aptes à embrasser l'inquiétante absurdité d'un monde à la dérive. l'écrivain israélien le plus insolent et le plus salutaire de sa génération a inventé en littérature une écriture fort singulière : celle de la violence instantanée, quotidienne qu'accompagne toujours son antidote - une poignée de valeurs sans lesquelles notre planète finira par tourner sans nous.
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Etgar Keret continue de réinventer la nouvelle en lui tordant le cou. Trente-huit histoires inracontables par un autre que lui, fidèles à son approche quasi-cubiste de la narration, mais qui marquent chez l'auteur l'accession à une maturité nouvelle. Un passage de cap salué dans son pays par une unanimité critique et un succès public sans précédent.
Dans la première nouvelle du nouveau livre d'Etgar Keret quelqu'un frappe à la porte, et surgit un homme qui, sous la menace d'un revolver, enjoint l'auteur de lui raconter une histoire. Dans la dernière, une réalisatrice de la télévision publique allemande fort inspirée lui demande d'écrire pour la caméra, tout en insistant pour qu'il ait l'air naturel, qu'il ne fasse surtout pas "semblant". C'est à la fois drôle et terrifiant, et en ce sens, c'est typiquement Keret.
Pourtant, l'enfant terrible des lettres israéliennes ne limite pas son exploration à la difficile voire dangereuse condition de l'écrivain. Ce qui le turlupine, c'est plutôt la place de l'homme dans un monde écrasant et implosif, au coeur duquel il a une nette tendance (l'homme) à faire preuve d'un certain chic pour s'enfoncer dans les situations les plus inextricables. Dans Au pays des mensonges, la nouvelle qui donne son titre au recueil, un homme est transporté dans un monde parallèle où il rencontre en chair et en os tous les mensonges qu'il a un jour inventés pour se tirer d'un mauvais pas - ou simplement par habitude. Jusqu'à ce qu'il fasse la connaissance des mensonges d'autres menteurs. Dans Univers parallèles, un autre homme, coincé dans ce monde-ci, rêve à d'autres réalités où il ne se viderait pas de son sang, où la mort qu'il se donne ne serait qu'un profond et agréable endormissement. Ailleurs encore (Surprise party), un certain personnage récalcitrant fait preuve d'une "malveillante lucidité" : comme si voir - et reconnaître - la réalité en face n'augurait jamais rien de bon.
Cette question du réel et de sa perception, Keret la renouvelle en permanence. Invité récemment au festival Words without borders à New York, il confiait : "Je crois qu'il y a une vérité. Je crois qu'il est très difficile d'articuler cette vérité. C'est dans cette direction que j'essaie d'aller, mais je ne prétends pas que je vais l'atteindre." Les histoires de Keret ne se racontent pas. Leurs chutes sont imprévisibles - spectaculaires ou pas. Il bouscule le genre, où la banalité de notre monde moderne n'est toujours qu'une façade, sous-tendue d'un système en gigognes qui empile les dimensions inconnues, inédites. Un peu comme Picasso, quand il interroge le visage, le corps, l'objet dans l'espace et qu'il les distord pour nous en révéler une autre lecture possible. Mais ce qui caractérise aussi la moindre de ses fantaisies littéraires, au-delà d'une gravité chronique et d'une mélancolie pudique, c'est le sourire que sans faillir elles accrochent, flottant, aux lèvres du lecteur - et dans d'infinies variétés : inquiet, tendre, amusé, sarcastique, triomphal, complice, coupable, penaud, séduit. Car la singulière fabrique de métaphysique portative qu'alimente Etgar Keret à coups d'histoires faussement "petites" demeure aussi, toujours, une irrésistible expérience du plaisir.
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La colo de Kneller, c'est cet endroit néo-dantesque où arrivent tous les suicidés - en majorité des jeunes.
En y cherchant son Eurydice, le narrateur trouve avant tout une inquiétante image de notre belle planète Terre. Ils sont jeunes pour la plupart, ils ont tous mis fin à leurs jours - par désespoir ou par inadvertance, à cause d'un chagrin d'amour ou d'une overdose, chez eux ou pendant leur service militaire - et les voici rassemblés en un lieu néo-dantesque qui ressemble presque trait pour trait au monde auquel ils avaient décidé de tirer pour de bon leur révérence.
C'est ainsi que, dans cet au-delà étrangement familier, s'est même reconstituée une famille entière, chacun de ses membres ayant successivement eu recours à la solution radicale. Hayim, le narrateur, est à la recherche d'Erga, dont il était amoureux de son vivant. Tel Orphée en quête d'Eurydice, il parcourt ces enfers d'un nouveau genre pour retrouver la jeune fille, croisant en chemin toutes sortes de suicidés, jeunes âmes en peine errant en ce purgatoire où elles ne veulent rien purger et dont certaines voudraient quand même revenir, ayant parfois quitté ce monde sans vocation particulière.
Ce bref et singulier roman où l'humour le dispute à la mélancolie se lit d'un trait, dans la plus grande jubilation, dans la plus profonde inquiétude.
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Tout enfant, dès lors qu'il devient adulte, est-il condamné à se transformer en «un homme sans tête», à l'instar des personnages qui peuplent ce recueil et habitent un monde où dire «je» est apparemment de plus en plus difficile, voire impossible ? Jeunes hommes et jeunes femmes semblent en tout cas saisis d'un étrange vertige quand ils se découvrent voués à prendre leur place parmi les vivants sur l'inconstante scène du monde...
Fidèle à son esthétique minimaliste et percutante, Etgar Keret fait surgir les multiples visages que revêt l'angoisse existentielle chez des individus en quête de leur langage et de leur jugement qui ne découvrent, de l'autre côté du miroir, que la menace d'une absurdité aussi effrayante qu'essentielle.
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Ils sont jeunes pour la plupart, ils ont tous mis fin à leurs jours. Et les voici rassemblés en un lieu néo-dantesque qui ressemble presque trait pour trait au monde auquel ils avaient décidé de tirer leur révérence. C'est ainsi que, dans cet au-delà étrangement familier, s'est même reconstituée une famille entière, chacun de ses membres ayant successivement eu recours à la solution radicale...
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Un père, trop occupé par son travail, abandonne son fils pendant une visite au zoo. Comme si de rien n'était, le garçon s'achète un goûter et se fait maquiller en félin pour s'amuser. Mais lorsqu'il s'assoupit dans une cage vide, son imagination prend le relai... À bord d'un vaisseau volant, il est recueilli par Mathusalem, un "pirate" acquis à la cause des animaux malheureux dans les zoos. Et face au garçon grimé, il pense avoir affaire à un "enfant-chat à poils longs". Celui-ci joue le jeu et livre les secrets de bien-être de son espèce. Il se réveille dans sa chambre et déclare à ses parents inquiets qu'il n'est plus un petit garçon désormais mais un enfant-chat à poils longs !