« La montagne est devenue mon véritable topos : je m'y sens à l'aise et parfaitement libre, ce qui est paradoxal, car c'est par nature un monde de contraintes. Je m'y sens chez moi et, qui plus est, en sécurité, ce qui constitue un autre paradoxe ».
Depuis un séjour à Chamonix, à vingt ans, où il a ressenti « l'aspiration par le mouvement vertical des cimes » chère à Gaston Bachelard, Étienne Klein nourrit une passion profonde pour la montagne. De la Corse à l'Annapurna, en passant par le Hoggar et les Alpes, il a pratiqué randonnée, alpinisme et, depuis quelques années, s'adonne au trail. Espace de beauté et de liberté, la montagne est pour lui un révélateur des êtres, de l'amitié et de la solidarité.
Les questions jaillissent alors chez l'homme de sciences : quelles sont les ressources du corps, quels sont ses liens avec l'esprit ? Gravir les parois est une manière d'étudier une notion physique, mais aussi métaphysique : le vide.
«Ettore Majorana m'est "tombé dessus" lorsque je commençais mes études de physique. Ce théoricien fulgurant a surgi dans l'Italie des années vingt, au moment où la physique venait d'accomplir sa révolution quantique et de découvrir l'atome. En 1937, il publia même un article prophétique dans lequel il envisage l'existence de particules d'un genre nouveau, qui pourraient résoudre la grande énigme de la matière noire.
Ce jeune homme maigre, aux yeux sombres et incandescents, était considéré comme un génie de la trempe de Galilée. Mais de tels dons ont leur contrepoids : Majorana ne savait pas vivre parmi les hommes, et c'est la pente pessimiste et tourmentée de son âme qui finit par l'emporter. À l'âge de trente et un ans, il décida de disparaître et le fit savoir. Une nuit de mars 1938, il embarqua sur un navire qui effectuait la liaison Naples-Palerme et se volatilisa.» Étienne Klein est parti sur les traces de cette comète, à Catane, Rome, Naples et Palerme. Il a rencontré des membres de la famille Majorana, fouillé les archives, analysé l'oeuvre, avec le secret espoir que ce scientifique romanesque cesserait enfin de se dérober.
Dans la veine des «Tactiques de Chronos» (2004), essai consacré au temps, l'auteur interrogera la notion de vide sous toutes ses formes : philosophiques, scientifiques, culturelles, symboliques, langagières, et même sportives (avec l'alpinisme). En nous racontant l'histoire du vide, c'est presque toute l'histoire de la physique qu'il nous relatera. Car le statut que la physique accorde au vide est toujours corrélé à celui qu'elle accorde à la matière.
En 2000, Étienne Klein nous proposait un petit recueil associant nouvelles et essais, incursion dans un domaine nouveau pour lui. Depuis, il nous a émerveillés avec plusieurs essais scientifiques et philosophiques qui l'ont fait connaître, notamment du grand public littéraire. Son écriture s'est affinée mais son humour est resté. Avec ce nouveau bagage, il a repris ses nouvelles - abandonnant les essais qui ne lui paraissaient plus nécessaires et l'encombraient - et nous en propose une version aboutie.
Dans la première nouvelle, Paul se trouve en but avec ses propres atomes qui ne pensent pas comme lui ! Tenté par les idées de droite, son corps est composé d'atomes résolument gauchistes : comment concilier le tout et ses parties ? Dans la seconde, Paulus, disciple de Giordano Bruno, se trouve emprisonné et pense qu'il doit pouvoir s'évader en traversant simplement les murs, puisque tout est fait d'atomes séparés les uns des autres par du vide, y compris lui-même et la paroi de sa prison.
Chaque nouvelle, il y en a sept, met en scène un personnage dont le prénom est toujours une variation de Paul. Celui-ci défend, avec intransigeance et opiniâtreté, l'une des thèses que l'histoire des sciences a vu fleurir. Les différents Paul ont en commun de vivre dans leur chair les conséquences des idées auxquelles ils croient. En somme, leur corps finit par prendre au sérieux ce qu'ils pensent. L'histoire bascule alors dans la fiction : leurs idées se transforment en un piège dans lequel leur corps vient tomber. C'est la revanche du réel !
Chacune de ces petites histoires vient illustrer l'incomplétude de la thèse défendue par le héros, qui paie souvent chèrement son zèle dogmatique. Ce n'est pas que sa thèse soit tout à fait fausse. Elle n'est simplement pas assez vraie pour rendre compte de façon exhaustive du monde tel qu'il est vraiment. Le monde n'est-il pas toujours plus vaste que l'idée que nous nous en faisons ?
Au temps de Socrate, Saul soutient, comme Thalès, que tout est fait d'eau.
Au XVIIe siècle, Paulus Elpino défend la thèse atomiste jugée hérétique par l'Eglise. A la fin du XXe siècle, Paul Lepoint se persuade qu'il a découvert l'équation capable de rendre compte de tous les phénomènes qui ont lieu dans l'univers. Les différents " Paul " des sept nouvelles de ce recueil ont en commun de vivre charnellement les conséquences de leurs idées. Leur corps finit par prendre au sérieux ce qu'ils pensent et l'histoire bascule dans le fantastique : les croyances du héros se transforment en un piège dans lequel il vient tomber, payant parfois de sa propre vie son zèle dogmatique.
Ce n'est pas que sa thèse soit tout à fait fausse. Elle n'est simplement pas assez vraie pour rendre compte de façon exhaustive du monde tel qu'il est vraiment. Et le réel prend sa revanche ! Associés aux nouvelles, des essais rappellent quelques épisodes cruciaux de l'histoire des sciences, ou bien évoquent certains problèmes philosophiques posés par la science moderne à propos de la matière, du temps, du réel et de sa représentation...
Par habitude, par nécessité ou en raison de la faiblesse de notre intelligence dépassée par le tsunami des savoirs et des informations, nos façons ordinaires de nourrir la vie des idées consistent à la découper en secteurs, à la compartimenter en disciplines, à l'atomiser en petites spécialités étiquetées bien comme il faut.Il s'agira ici de suivre le chemin inverse, de briser les enclos, s'encanailler, provoquer des courts-circuits au petit bonheur la chance et, si possible, des étincelles. D'associer des éléments trop souvent séparés dans les analyses : physique et philosophie, pensée et action, réalité et imagination, hasard et destin, infini mathématique et engagement existentiel, intelligence analytique et courage physique, Einstein et Rolling Stones, image et mirage, langage et impesanteur, raison et déraison... Mettons le nez dehors, inventons une chimie nouvelle, bâtissons des molécules littéraires à partir d'atomes disciplinaires !É. K.
Peut-on marcher sur l'eau ? L'homme « produit-il » vraiment de l'énergie ? Est-il possible d'expliquer l'origine de l'Univers ?
À travers 23 textes joliment ciselés, Étienne Klein combat avec humour et rigueur le relativisme ambiant et nous invite à voir le monde autrement. Qu'ils traitent de science, de politique, du langage ou encore de progrès, ces billets montrent en filigrane que non, décidément, tout n'est pas relatif. À la façon des théories d'Einstein, notre quotidien est lui aussi sous-tendu par des invariants et des absolus qu'il importe d'identifier.
Quand un physicien et un jazzman se rencontrent, que font-ils ? Des anagrammes. Un jeu savant et loufoque qui consiste à mélanger les lettres d'un mot pour en former un autre. C'est ainsi que les tripes ne sont pas sans esprit, les morues sans moeurs, le pirate sans patrie, le sportif sans profits et l'étreinte sans éternité. Cette opération malicieuse peut même révéler le sens caché des noms et des expressions. Avec Klein et Perry-Salkow, la madeleine de Proust devient un don réel au temps idéal, le Canard enchaîné brandit la canne de l'anarchie et, dans la courbure de l'espace-temps, ils voient le superbe spectacle de l'amour. Cela n'est qu'un début... Car nos auteurs aiment déchiffrer les énigmes. Quelle loi discrète ont-ils découverte dans la chute des corps ? Quelle sentence prémonitoire dans Marie-Antoinette d'Autriche ? Quelle vérité profonde dans Albert Einstein ? Quelle coquetterie surprise chez la marquise de Pompadour ? Ils font surgir les réponses tapies dans le secret des mots et les accompagnent de saynètes ou de portraits.
N 2020 sera commémoré le 10e anniversaire de la mort de Jean Ferrat. L'occasion de démontrer combien les textes qu'il a écrits et/ou interprétés (notamment d'Aragon) sont singulièrement modernes. La foi et les convictions de Jean Ferrat, les combats d'idées qu'il a menés, résonnent avec force dans l'actualité.
Capitalisme, libéralisme, socialisme, démocratie, dictature, mais aussi entreprise, travail, syndicalisme, mais aussi environnement, Europe, mondialisation, mais aussi paix, solidarité, fraternité, humanité, amour... (et bien d'autres sujets) : ce livre confronte le lecteur à « une » formidable lecture du monde, car la poésie et les engagements personnels de Jean Ferrat inspirent la manière dont nous devons regarder le monde, celle aussi dont nous pouvons le rêver et le construire.