Celui qui a poignardé Salman Rushdie le 12 août 2022 à New York n'était pas né en 1989, lorsque l'ayatollah Khomeiny lançait une fatwa condamnant à mort l'auteur des Versets sataniques. Que s'est-il passé d'irrévocable avec ce roman pour que trente-trois ans plus tard, l'acharnement continue ? Pourquoi un écrivain est-il devenu le bouc émissaire de la confrontation identitaire entre L'islam et l'Occident ? La réplique ici est de donner à lire une oeuvre qui va plus loin que le blasphème.
Comment penser le désir sacrificiel qui s'est emparé de tant de jeunes au nom de l'islam ? Cet essai propose une interprétation dont le centre de gravité est ce que j'appelle le surmusulman. Il s'agit d'une figure produite par un siècle d'islamisme. Je l'ai décelée dans ses discours, mais aussi à partir de mon expérience clinique.
La psychanalyse permet, en effet, d'explorer les forces individuelles et collectives de l'anticivilisation. C'est ce que requiert ce qu'on appelle aujourd'hui « radicalisation » comme un symptôme social et psychique.
La désignation de surmusulman a ici la valeur d'un diagnostic sur le danger auquel sont exposés les musulmans et leur civilisation. Cependant, un autre devenir est possible. C'est la raison pour laquelle cet essai se termine par un chapitre sur le dépassement du surmusulman.
Si la religion est omniprésente dans la réflexion de Freud, l'islam en est absent. On mesure à ce constat la richesse de la perspective ouverte ici : mettre au jour les refoulements constitutifs de la religion islamique.Partant de la crise contemporaine de l'islam et de son symptôme le plus visible qu'est l'islamisme, ce livre entreprend d'explorer les origines de l'islam. Pour interpréter cette «césure du sujet de la tradition» qui prend la forme d'un désespoir de masse, Fethi Benslama relit les textes fondateurs, gardés par un long règne d'interdit de penser.L'altérité féminine y apparaît comme la nervure centrale du refoulement propre à l'islam. Face à un dérèglement profond de la relation entre le réel et les formes symboliques que trahissent les extrémismes, l'analyse conduit alors vers des questions demeurées impensées, telle l'affirmation coranique selon laquelle Dieu n'est pas le père.
Il y a quelques mois encore, le dégagement du paradigme identitaire paraissait un voeu pieux, une élucubration d'intellectuel désespéré, pris en tenaille entre des gouvernements tyranniques et des mouvements islamistes porteurs du ferment totalitaire. Pourtant, l'élan révolutionnaire qui a surgi en Tunisie et se propage dans l'ensemble du monde arabe semble répondre à cet appel à l'insoumission, lancé en 2005.
Car les analyses et les propositions de cet appel se retrouvent dans les aspirations nouvelles qui ébranlent l'idéologie dominante. On peut aborder cette Déclaration comme un commentaire avancé de ce qui a rendu nécessaire les insurrections d'aujourd'hui.
" c'est en terre d'islam, aujourd'hui, que l'on observe le plus massivement la perpétuation d'un droit et d'une culture sexistes.
Le fondamentalisme, on le sait, fait largement fond de cette autorité immédiate de l'homme, vaguement ébranlée par le siècle mais sans cesse ressaisie. d'alger à kaboul, en passant par les banlieues françaises, il n'est plus possible d'ignorer l'enjeu politique du rapport entre les sexes. nous n'ignorons pas que les troubles de l'identité masculine ne sont pas l'exclusive du monde musulman. la crise en "occident" vient compliquer celle que connaît la tradition musulmane.
Plus exactement, l'une n'est pas dissociable de l'autre. c'est là l'une des modalités de la mondialisation, en tant qu'elle recouvre l'imbrication des cultures et des économies. les travaux qui se sont multipliés depuis une vingtaine d'années ont pourtant oublié l'analyse de "la protestation virile" de l'homme, de ses déterminants psychiques et sociaux. c'est cette tâche que nous avons voulu amorcer dans cet ouvrage, première tentative de déconstruction de l'assise virile dans l'islam.
" fethi benslama et nadia tazi.