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Franco Basaglia
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Quand il prend la tête de l'hôpital psychiatrique de Gorizia, aux débuts des années 1960, Franco Basaglia constate que l'institution, lieu d'exclusion social, réduit la "folie" à des paramètres purement médico-biologiques, et tend à chosifier radicalement le patient: de sujet, il devient objet, de "personne à comprendre", il devient "problème à gérer".
Exproprié du sens de sa souffrance comme de sa parole, le patient, réduit au statut de "danger pour lui-même et la société", n'est plus soigné, mais simplement parqué. Franco Basaglia, en un geste inédit et révolutionnaire, décide alors de rompre avec la structure asilaire. Son asile psychiatrique n'est plus un espace fermé, mais ouvert. Les patients peuvent librement en sortir, les proches librement les visiter.
Des assemblées générales, quotidiennes et non obligatoires, réunissent psychiatres, personnels soignants et patients, et permettent de fixer démocratiquement les règles de la vie communautaire.
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Franco Basaglia (1924-1980), psychiatre, a été l'une des figures majeures de la psychiatrie dite " alternative ", non seulement en Italie, où sa mise en cause de la condition des malades mentaux fut ratifiée par la Loi 180 décidant la fermeture des hôpitaux psychiatriques, mais aussi dans le monde, où il suscita une interrogation sur les " traitements " généralement " infligés " aux " fous ". Ce dernier ouvrage, paru avant sa mort, se présente à la fois comme un bilan qui permet de comprendre le sens général de sa démarche et un programme de transformation de la psychiatrie. En 1979. Franco Basaglia (et l'expérience psychiatrique italienne) constitue une référence, mondialement reconnue, pour toute une génération politiquement et intellectuellement sensibilisée aux processus d'aliénation de l'individu - et ce bien au-delà du champ de la psychiatrie - qui cherche des alternatives aux " pseudo " solutions des institutions dites " totalitaires ", dont elle dénonce les effets pervers et destructeurs. Dans un souci d'articuler sa position théorico-politique avec les contenus concrets de la pratique, Franco Basaglia situe ici la Loi 180 comme le moment décisif, certes, mais un moment seulement, d'un processus plus large qui vise à mettre en question et à transformer toute institution " instituante ", quel que soit son objet (prison, éducation...). Il est notamment amené à préciser que le problème fondamental n'est pas tant la fermeture des hôpitaux que la médicalisation de la psychiatrie. Ainsi, cet ouvrage, historiquement situé, s'avère paradoxalement d'une brûlante actualité car les questions qui s'y trouvent posées et traitées interrogent les orientations et les choix retenus par la psychiatrie française, telle la pratique de secteur, mais aussi la situation préoccupante qu'elle traverse aujourd'hui. En aucun cas, Franco Basaglia, fidèle à son mode d'être, ne s'institue donneur de leçons ; au contraire, il invite ses lecteurs à mettre en cause tout processus aliénant qui méprise l'homme en son humanité, en menant une réflexion exigeante dans un souci permanent et un profond respect de l'autre.