Dans cet ouvrage, issu de deux conférences données en 1908, Landauer livre sa conception d'un socialisme non-autoritaire et non-centralisé qui se construirait contre le capitalisme et non pas dans sa continuité : le socialisme est l'affirmation d'une volonté et d'un idéal, pas de "conditions objectives enfin réunies".
Texte d'une grande éloquence, c'est une critique frontale de l'orthodoxie marxiste, dominante en Allemagne à cette époque, qui anticipe les attaques qui ébranleront les certitudes du mouvement socialiste dans la seconde moitié du XXème siècle. Un texte historique incontournable de la pensée socialiste anti-autoritaire, pour la première fois traduit en français.
Qu'en est-il de La Révolution selon Gustav Landauer ? A la période médiévale de stabilité, où l'esprit de communion chrétien et l'art s'enracinaient dans la vie du peuple, a succédé à partir de la Renaissance une époque de convulsions autant destructrices que réparatrices.
La culture s'étiole entre les mains de figures singulières, séparées de la communauté, et l'art végète dans le musée. C'est le temps des révolutions. Il se prolonge jusqu'à nous, dans l'attente du nouvel esprit d'unité, l'esprit de la Révolution, qui animera le peuple de l'avenir, encore à naître. En regard de ces raccourcis parfois périlleux, Louis Janover s'efforce dans la postface d'éclairer La Révolution à la lumière des révolutions de ce dernier siècle et de donner ainsi sens et contenu à une histoire connue.
Né en 1871, dans une famille juive, Gustav Landauer devient très tôt l'inspirateur de la minorité révolutionnaire de la social-démocratie allemande. Chassé des universités prussiennes en raison de ses convictions, exclu du parti socialiste, il se rapproche de l'anarchisme pour demeurer socialiste. Désormais, il apparaît comme la principale figure intellectuelle du mouvement libertaire allemand.
Ses essais et ses articles, philosophiques et politiques, tentent de définir les conditions de possibilité du socialisme libertaire, en renouant avec certains aspects de la critique romantique de la modernité. À ses yeux, l'État Bismarckien est la conclusion de la misère allemande initiée au XVIe siècle par l'union de Luther et des princes. Le luthéranisme étouffe les virtualités émancipatrices de la culture allemande, la social-démocratie est l'appendice de l'État prussien, et le marxisme la malédiction du mouvement ouvrier.
En novembre 1918, il rejoint Munich et devient brièvement commissaire à l'instruction publique et à la culture de la république des conseils de Bavière. Le 1er mai 1919, la république des conseils est réduite par l'armée et les corps-francs. Le même jour, Landauer est arrêté et sauvagement assassiné.
Gustav Landauer (1870-1919) est la mauvaise conscience anarchiste de l'Allemagne wilhelmienne ; à son rejet de la société bourgeoise et de l'État prussien, il joint une réflexion subtile sur le théâtre et la littérature. La première guerre mondiale venue, il associera à son refus du militarisme et du nationalisme une mise en relief de l'humanisme propre au premier romantisme : Goethe et Hölderlin.
En 1914, alors que les partis socialistes se rallient à l'union sacrée, les hommes d'esprit, quand ils n'exaltent pas la guerre, s'isolent des masses dans leurs créations. Pour Landauer, la mission du poète se confond au contraire avec la lutte aux côtés des opprimés, en vue de fonder une communauté nouvelle, qui conjuguera la paix, la beauté et l'unité.
Utopie et révolution, c'est sous ce double patronage que le poète et le peuple peuvent se soutenir mutuellement, afin que le poète du peuple laisse place au peuple poète.