Rentrée littéraire Seghers 2021.
1866, dans une colonie pénitentiaire pour mineurs, sur l'île du Levant, en face de Hyères, une révolte se termine par la mort de 13 enfants lors d'un incendie. 130 ans plus tard, à l'époque de Kurt Cobain et des Pixies, à quelques encablures de là, une bande d'adolescents qui peinent à trouver leur place dans le monde se préparent à un destin tragique. Comment, à l'adolescence, se rebeller contre son sort sans s'autodétruire ?
« Je me présente, je suis la flamme d'un incendie, je suis née pour carboniser, achever, étouffer le jour, éclairer la nuit, manger des oiseaux, piquer la vedette au soleil, brûler jusqu'au ciel. Et beaucoup d'autres choses encore. Alors si vous aimez les histoires qui se terminent bien, vous soufflez sur la mauvaise chandelle.
Tout a commencé en 1866, le 3 octobre pour être exact. J'ai été déposée par la foudre sur une île pour effectuer mon baptême du feu. Ma surprise fut immense quand j'ai découvert que j'étais tombée dans un pénitencier pour enfants. Ça se faisait beaucoup à l'époque, suffisait d'être pupille de la nation, vagabond, délinquant, ou être vraiment, vraiment mal né, pour y atterrir. Alors forcément quand j'ai débarqué, j'ai su qu'eux et moi allions faire de grande chose.
Là, tout de suite, les noms, Condurcer, Le troué, Boule de neige, ou encore Sabine ne vous disent rien, mais approchez, tendez l'oreille et vous les entendrez parce que dans l'arbre généalogique du monde ils sont vos enfants ancêtres. Ils sont à la fois ce que vous avez été et ce que vous êtes : des prisonniers de l'enfance et des révoltés. » Post-Scriptum : Vous saviez que vous les humains possédiez une cabane intérieure où je peux mettre le feu et vous enflammer ? Vous savez que dalle, mais vous allez bientôt le savoir.
Extrait du Courrier Marseillais, décembre 1866.
On lira avec un pénible et douloureux intérêt les détails sur le déplorable drame du pénitencier de l'île du levant, dont les jeunes acteurs se sont montrés aussi audacieux et aussi profondément pervertis que peuvent être des hommes endurcis dans le crime. Rien n'a manqué à un complot qui épouvante l'imagination, l'assassinat, l'incendie, une atroce vengeance exercée sur ceux qui n'avaient pas voulu s'associer à un plan médité depuis deux mois. La précocité des passions brutales, tout est venu donner, surtout à cause de l'âge des insurgés, la plus sinistre physionomie qui se soit passé sur l'île du levant.
« Il vaut mieux brûler franchement que s'éteindre à petit feu » (paroles de My My, Hey Hey, de Neil Young, citées dans la lettre de suicide de Kurt Cobain retrouvée sur les lieux de sa mort, le 4 avril 1994.).
Pour raconter la révolte des enfants du bagne de l'île du Levant Héloïse Guay de Bellissen est allée fouiller les archives de Draguignan. Et elle a écrit un roman historique à sa manière. En donnant une voix aux jeunes colons, victimes et bourreaux. Et en faisant parler le feu qui les a consumés. Elle a même écrit un roman doublement historique. Car elle a voulu raconter en parallèle, à travers l'histoire de sa bande, le sort de sa génération. Quelques garçons et quelques filles qui ont grandi à La Seyne-sur-mer, juste en face de l'île du Levant, durant les années 90, au temps de Nirvana et des Pixies, et qui, ont connu, eux aussi, un destin tragique, parce qu'ils n'acceptaient pas le rôle formaté qu'on leur avait assigné...
Dans les deux cas, des enfants, qui n'ont rien à perdre parce qu'ils n'ont rien dès le départ, essaient par leurs propres moyens de choisir leur destinée, alors qu'on voudrait en faire des adultes intégrés et malléables.
Comment trouver sa place dans le monde ? Les personnages de ce livre la trouveront par la force. Une force puissante et radicale qu'ils tirent de leur adolescence même, parce qu'elle est pure et nouvelle. Mais qui se retournera contre eux...
Il y a les contes de fées qu'on raconte aux enfants. Et ceux qu'on tait scrupuleusement. Les non-dits. Les silences qui fracassent les familles. Ceux qui n'empêchent pas les loups d'exister...
C'est au détour d'une conversation banale, avec son père, qu'Héloïse apprend le drame qu'on lui a toujours caché. Le meurtre de sa cousine, Sophie, par un tueur sadique, « Le Monstre d'Annemasse ». Une cousine de 9 ans alors, dont elle a totalement occulté le souvenir. Se plongeant bientôt dans les archives du tribunal, Héloïse reprend le conte du début, son histoire, leur histoire - droit dans le ventre du loup...
« Aujourd'hui, c'est le dernier des quatre copains de Montignac encore en vie. Le dernier inventeur, Simon. Quand je quitte son appartement, sur le palier, il me dit «la grotte elle est là» en me désignant son crâne, «elle est dans ma tête». Dans l'ascenseur, je prends conscience que je viens de rencontrer une autre grotte. La grotte intérieure d'un petit garçon de quatre-vingt-onze piges qui vient de se rouvrir. Je ne sais toujours pas pourquoi Lascaux m'a emmenée vers une autre cavité, mais au fond c'est cette découverte-là que j'attendais. La vie de Simon Coencas sur une paroi, que j'allais calquer comme l'avaient fait avant moi les préhistoriens avec les dessins de Lascaux. » Le Dernier Inventeur est une oeuvre unique, plongée dans l'Histoire et dans l'âme d'un homme, enquête sur le mystère de l'art préhistorique, réflexion poétique sur l'enfance, la beauté et le mal.
Même enfance paumée, même middle-class, même double de papier... À l'aube des années 1980, Mark Chapman et John Hinckley donnent la grand-messe pour leur Mère Nation, l'un en tuant John Lennon, l'autre en tirant sur Ronald Reagan... Au sommet de leur liturgie démente, outre une obsession morbide pour les Beatles ou Jodie Foster, c'est le héros de L'Attrape-Coeurs, Holden Caulfield, qui tient le crachoir. Oraison déglinguée, perfusée à la fiction, c'est le Choeur noir de l'Amérique qui dévore ses enfants. En souriant.
D'ordinaire, les amis imaginaires s'éteignent naturellement, peu à peu négligés par ceux qui les ont inventés. Pas Boddah. Pendant les vingt-sept années de sa courte vie, Kurt Cobain n'a jamais cessé de s'adresser à lui.
Du coup de foudre entre l'icône grunge et Courtney Love à leur mariage à Honolulu au milieu des touristes, des tournées triomphales aux soirs de doute, Boddah a tout vu et tout entendu. Dès lors, qui mieux que lui pouvait retracer le parcours de cette météorite trash que fut le chanteur de Nirvana, entre musique, héroïne et passion ?
Mêlant scènes réelles et imaginaires, conversations authentiques et inventées, Le Roman de Boddah s'offre un narrateur omniscient, témoin, confident, bonne et mauvaise conscience, Jiminy Cricket au milieu des guitares cassées.
Cet ouvrage a reçu le prix Méditerranée des Lycéens.