"Un accord splendide entre les formes, les couleurs, les gestes au quotidien, la nature", c'est ainsi qu'Harry Gruyaert formule sa vision du Maroc. Les 80 images rassemblées dans cet ouvrage expriment une intimité de plus de 30 ans entre le photographe et le Maroc. Membre de Magnum photo et originaire de Flandres, Harry Gruyaert est sans conteste l'un des meilleurs coloristes de sa génération. Son livre-manifeste, Rivages, publié aux éditions Textuel en 2003 a connu plusieurs éditions et demeure l'une des références les plus reconnues du catalogue. À savoir : 2014 sera l'année du Maroc en France.
" Il m'est ainsi devenu possible d'envisager de travailler sur la Belgique, car je n'y vivais plus. Il est difficile de travailler sur l'endroit où l'on habite. On était en 1973 et je n'y travaillais qu'en noir et blanc. Tout me paraissait gris. Je suivais parfois le calen- drier des innombrables fêtes locales, carnavals, processions et autres, très particuliers en Belgique et sujets à de spectaculaires débordements alcoolisés.
J'ai mis environ deux ans à y voir la couleur qui m'intéressait. Ce fut une révélation. Par ailleurs, j'ai commencé à voyager en photographiant au Maroc, en Inde, toujours en couleur. Mais il y avait la Belgique, avec ce rapport de refus et d'attirance en même temps.
À New York, en 1976, j'ai vu l'exposition « William Eggleston's Guide » au MoMA, avec de superbes tirages « dye transfert », qui donnaient une grande sensualité à la couleur. La découverte de la photographie couleur américaine a été essentielle : j'ai ressenti une profonde affinité avec cette mouvance, qui m'a encouragé à continuer à photographier la Belgique en couleur.
Mes influences proviennent surtout du cinéma et de la peinture. Pour moi la photographie n'existe que lorsqu'elle a pris corps dans un tirage, qui doit être l'expression juste de ce que je recherche. Je passe, comme beaucoup, plus de temps à sélectionner mes images et à travailler mes tirages qu'à photographier.
En 2000, j'ai publié aux Éditions Delpire mon premier livre sur la Belgique : Made in Belgium, avec des poèmes originaux d'Hugo Claus. La Belgique est probablement le pays européen qui s'est le plus vite américanisé après la Deuxième Guerre mondiale, d'où la puissance de cette banalité, confrontée au surréalisme et à la force des traditions conservées malgré tout, alors que j'y travaillais avant le tournant du siècle. Aujourd'hui, c'est beaucoup moins flagrant, l'uniformisation gagne, avec une autre culture de la banalité, moins ancrée dans les traditions. Beau, laid, banalité du beau, beauté de la laideur.
Ces contradictions sont aussi les miennes." Harry Gruyaert