"C'est l'histoire qui compte. Ce n'est pas la peine de me dire que ce n'est pas une histoire, ou que ce n'est pas la même histoire. Je sais que tu as tenu toutes tes promesses, tu m'aimes, nous dormons jusqu'à midi et nous passons le reste de la journée à manger, la nourriture est superbe, je ne dis pas le contraire. Mais je me fais du souci pour l'avenir. Dans l'histoire un jour le bateau disparaît derrière l'horizon, il disparaît simplement, et on ne dit pas ce qui arrive ensuite.
Je veux dire, sur l'île. Ce sont les animaux dont j'ai peur, ils ne faisaient pas partie du plan, ils pourraient à nouveau se transformer en hommes. Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en inquiète-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire, tu pars, et l'histoire est sans pitié".
Laisse-moi te dire... Le titre de cette anthologie personnelle de Margaret Atwood paraît d'abord se donner dans un murmure : celui que l'on adresse "à l'indicatif présent" au "compagnon de route" ;
Celui de l'intimité amoureuse, du foyer, de la cabane ou de l'igloo, motifs récurrents d'une poésie qui croit au possible bonheur des petites communautés humaines.
Mais ce murmure ne saurait faire oublier la mise en garde qui vient sourdre dans les recueils que la romancière livre, dix années durant, de The Circle Game (1964) à We Are Happy (1974). Catastrophes provoquées par l'homme, fonte des glaces, oppression des petits par les puissants, destruction des espaces naturels... Les poèmes d'Atwood ne sont pas seulement visionnaires.
En chantant la beauté du monde, ils font acte de résistance.
Dans ce recueil, publié au Canada en 1970, Margaret Atwood évoque la vie d'une pionnière venue d'Angleterre au XIXème siècle. Susanna Moodie n'est pas un personnage fictif, mais une figure historique qui a fait l'expérience de la pauvreté et de la solitude, avant d'imposer sa personnalité et ses oeuvres romanesques. La première partie du Journal de Susanna Moodie relate l'arrivée au Québec de cette étrangère sans ressources. La seconde nous fait entrer dans la vie onirique du personnage, évoquant les frayeurs que suscite la vie sauvage. Dans la troisième, l'auteur accompagne Susanna jusqu'à la lisière du temps puisqu'elle traverse la mort et se réincarne sur la terre qu'elle avait autrefois détestée. Une méditation poétique sur la vie, la part du rêve et la condition de vie des émigrants.