L'organisation chronologique de cet ouvrage en trois parties (Moyen-Âge, Renaissance, Âge classique) découle d'une thèse dont on a voulu explorer quelques aspects bien précis - thèse dont la pertinence et la valeur se mesurent à la richesse et à la cohérence des travaux rassemblés ici. On peut l'énoncer ainsi : si la mesure des mouvements célestes tend à se confondre, à partir du XVIIe siècle, avec une théorie générale du mouvement des corps dans l'espace, cette assomption de l'espace constitué à la fois comme objet de la science astronomique et comme son moyen, recouvre une approche fondamentalement différente de l'astronomie comme science du mouvement céleste dans le temps, un temps dont l'unitotalité constitue l'être du monde (d'où l'équivalence sémantique de mundus et de saeculum). Cette astronomie, pré-moderne, accaparée par la tâche d'établir une concordance générale des temps (moyennant l'établissement d'un calendrier universellement valable urbi et orbi), n'envisageait pas qu'il pût y avoir la moindre divergence entre l'histoire humaine et celle de la nature.
Le divorce consommé entre science, culture et humanisme, caractéristique de notre époque moderne, pourrait bien trouver dans cette mutation essentielle du rapport de l'astronomie à l'histoire et au temps un principe d'explication unitaire, dont ce volume montre toute la fécondité.
Comme le De Revolutionibus de Nicolas Copernic (1543), l'Astonomia Nova de Johannes Kepler (1609) est un livre sans fioritures, écrit pour les seuls mathématiciens. En plus d'une technicité déjà assez rébarbative, l'ouvrage n'épargne au lecteur aucun détail d'une recherche émaillée de revers de fortune et d'hypothèses sans lendemain. Mais ceux qui ont eu le courage de le lire ont pu être les témoins d'une victoire inouïe, et d'une mutation radicale de la science astronomique devenue « physique céleste ». Tous les mouvements célestes sont désormais démontrés par leur cause physique : une vertu motrice émanée du soleil, coeur et vrai centre du monde. L'Astronomia Nova assure donc le triomphe de la théorie copernicienne, contre Aristote, Ptolémée, Tycho Brahé et d'autres. Elle va même plus loin : en renonçant au principe du mouvement circulaire uniforme la première des deux lois découvertes dans cet ouvrage définit la trajectoire elliptique des planètes , elle ouvre un horizon nouveau à ce qu'on appellera bientôt la « mécanique céleste ».
Toutes les contributions réunies dans ce volume concourent à jeter un éclairage nouveau sur une oeuvre qui a aussi contribué à redéfinir les critères de la scientificité et l'objet même du savoir à l'époque moderne : en ruinant la théorie aristotélicienne des moteurs célestes, l'Astronomia nova a porté un coup fatal à la définition traditionnelle de la métaphysique, en sa dimension thé(i)ologique, comme science des substances immobiles et séparées. C'est dire qu'en dépit d'un propos à la fois très technique et circonscrit, l'oeuvre de l'astronome impérial a ébranlé les bases sur lesquelles reposait tout l'édifice du savoir au seuil de l'époque moderne. Au-delà de son public savant et mathématicien, l'oeuvre intéresse donc ou devrait intéresser tous ceux qui veulent savoir ce que c'est que savoir.Édouard Mehl, ancien élève de l'École Normale Supérieure (Fontenay-Saint-Cloud), est maître conférences à l'Université de Strasbourg.
Cette édition d'une partie de la thèse de Gérard Simon soutenue en 1976 est consacrée à la nouvelle conceptualisation des phénomènes lumineux par Kepler. L'auteur en évalue les conséquences pour l'histoire des sciences et pour l'histoire de la philosophie à l'époque moderne.