Olivier Penot Lacassagne
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Antonin Artaud, l'incandescent perpétuel
Olivier Penot-Lacassagne
- Cnrs
- Litterature Et Linguistique
- 10 Novembre 2022
- 9782271144355
Lectures mimétiques, militantes, vociférantes, académiques, exotiques ou déviantes (occultes, magiques, ésotériques, ethnopoétiques, marxistes, révolutionnaires...)?: pendant près de sept décennies, témoins, disciples, critiques puis exégètes d'Antonin Artaud ont multiplié les gloses sur son oeuvre.
Rendre compte de cette diversité est sans doute une tâche déraisonnable. Dire d'Artaud qu'il défie les essais d'interprétation est un aimable euphémisme. Hors norme, la force explosive de ses écrits inquiète la notion même de commentaire qui, les approchant, avoue sa futilité.
Pourtant, au fil du temps les propos les plus variés se sont succédé, construisant peu à peu ce que l'on appelle ici le roman critique d'Artaud le Mômo. C'est aux récits qui le construisent, au crédit qu'ils revendiquent, à la valeur qu'on leur accorde, que nous nous attachons, faisant place non seulement aux mises en mots reconnues et validées, mais aussi à celles qui ont été évincées, dénigrées, refusées. Les exclus rejoignent en ces pages les inclus.
Outre donc ses contemporains (Adamov, Bataille, Blanchot, Barrault ou Vilar), ce sont entre autres les brechtiens Dort et Barthes, les dramaturges Arrabal, Ionesco, Vauthier et Vinaver, le lettriste Isou, l'ultra-lettriste Dufrêne, le poète sonore Heidsieck, les situationnistes Debord et Vaneigem, le telquelien Sollers, les poètes Prigent et Verheggen, les philosophes Deleuze et Guattari, Foucault et Derrida, ou encore le pataphysicien Baudrillard préférant Jarry au Mômo, qui forment la matière de ce roman. On le verra, depuis soixante-dix ans, Artaud est tout à la fois l'objet de détournements simplistes, de captations audacieuses, d'expérimentations théoriques brillantes, de proses attentives, d'allégeances verbeuses... -
Débarrasser la Beat Generation des clichés qui l'encombrent et font parfois oublier la vigueur du réveil qu'elle initia... Ce livre bouscule le bon ordre des discours convenus. Il fait entendre, aux côtés de la Sainte Trinité Ginsberg-Kerouac-Burroughs, des voix trop souvent minorées : voix de femmes (Diane di Prima, Ruth Weiss, Joanne Kyger, Hettie Jones, Anne Waldman...) ou d'hommes (Philip Lamantia, Michael McClure, Brion Gysin, Claude Pélieu, LeRoi Jones, Gary Snyder...) qui, artistes, poétesses et poètes, ont été relégués au second plan, par habitude, par indifférence, par incompréhension.
Que nous disent, aujourd'hui encore, ces femmes et ces hommes qui surent prendre leur responsabilité, dénonçant l'intolérance d'une Amérique blanche, malmenant l'ordre établi, inventant de nouvelles manières de vivre ? Sur quelles scènes (poétique, politique, musicale) et par quels acteurs (avant-gardes, free press, icônes rock - Bob Dylan, Jim Morrison, Genesis P. Orridge, Patti Smith) leur exigence a-t-elle été relayée ?
Les combats que les Beats menèrent, dénonçant la servitude consumériste, brisant le « politiquement correct », restent à l'ordre du jour. Ils ont incarné une résistance dont nous mesurons l'actualité : ouverture au monde quand les nations se replient sur elles-mêmes, défense de la parole poétique contre les langages idéologiques et mercantiles, respect de la nature dans un siècle écocide, refonte de l'exigence politique, invention de vies parallèles à l'âge de la gestion du capital humain...
L'actualité des écrivains beat doit être réaffirmée avec force. L'alternative qu'ils ont défendue dénonçait les impasses d'une modernité prométhéenne déchaînée. Désormais notre présent.
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Marseille, le Mexique précolombien et l'Irlande gaëlique, le Théâtre Alfred-Jarry et le Théâtre de la Cruauté, l'asile de Rodez, la conférence du Vieux-Colombier, l'émission censurée Pour en finir avec le jugement de dieu, l'exposition Van Gogh à l'Orangerie : ces lieux et ces événements jalonnent l'existence d'Antonin Artaud et marquent le déploiement d'une oeuvre essentielle.
Sa disparition, le 3 mars 1948, donne le signal d'un « emportement » autour de sa mémoire. Peu de créations, au cours du dernier demi-siècle, auront été l'objet d'autant d'appropriations critiques, littéraires ou théâtrales. Aux faits et aux écrits se sont souvent substituées des histoires frappantes, parfois délirantes, formant un récit édifiant dont nous sommes loin d'avoir mesuré les effets sur notre lecture d'Artaud.
Loin des fabulations et des conversions, cet essai suit la trajectoire d'une vie et le tracé d'une oeuvre qui, dans « une terrible lutte contre le langage », a cherché « un impossible écrit ».
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Sa célébrité à l'étranger, considérable, masque mal l'obstination française à l'ignorer, à la dénigrer ou à la récuser sans la lire vraiment. Il est vrai que des controverses, des polémiques, des malentendus ont brouillé sa réception. Surprenant, rétif à toute assignation disciplinaire, difficile donc à classer, à l'interstice entre philosophie et sociologie, Baudrillard déroute autant qu'il séduit. Sa liberté de pensée ébranle nos savoirs et nos croyances.
L'objet de ce livre est donc moins de constituer une somme d'hommages posthumes que de questionner une oeuvre qui, au-delà des célébrations ponctuelles, connaît un accueil à la fois fasciné et circonspect. Entretiens, études, lettres, essais l'affrontent et s'y confrontent, tantôt avec gratitude et reconnaissance, tantôt avec réticence ou résistance, parfois avec hostilité.
Les textes rassemblés émanent d'universitaires, d'intellectuels, d'écrivains qui interrogent sans complaisance une oeuvre essentielle qui n'a eu de cesse d'interpeller le présent.
La diversité des auteurs sollicités (Sophie Calle, Michel Deguy, Philippe Dagen, Bernard Edelman, Nathalie Heinich, Michel Maffesoli, Philippe Petit, Anna Sauvagnargues, Bernard Stiegler, Jean-Baptiste Thoret.) était essentielle. Les analyses et les propos tenus par les uns et les autres dialoguent librement avec cette pensée exigeante, féconde, souvent déroutante. Toujours en mouvement, Baudrillard voulait « promouvoir un commerce clandestin des idées, de toutes les idées irrecevables, des idées imprenables ». Ce livre répond à cette exigence radicale.
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(in)actualité du surréalisme (1940-2020)
Olivier Penot-Lacassagne, Collectif
- Les presses du reel
- 11 Octobre 2022
- 9782378962661
Une réévaluation du surréalisme depuis 1940 : un travail d'envergure et inédit couvrant sept décennies - vaste période peu étudiée et au cours de laquelle le mouvement a été souvent déconsidéré, parfois récusé -, interrogeant les discours, les récits et les débats dont les engagements poétiques, politiques et artistiques du mouvement ont été l'objet, au-delà de l'entre-deux-guerres glorieux du surréalisme dit « historique », dans le contexte des profondes mutations sociales et culturelles du monde de la seconde moitié du XXe siècle.
Le surréalisme a longtemps été amputé d'une partie de son histoire. Les littéraires, les historiens de l'art ont négligé les vingt-cinq années allant de la Libération à l'autodissolution du mouvement, en octobre 1969, et n'ont guère regardé au-delà. On peut s'en étonner tant les années jetées au rebut témoignent d'une ardente vigilance poétique, politique et artistique. Le surréalisme se confronte alors aux flux et reflux d'une Histoire excédant les frontières nationales pour devenir mondiale (décolonisation, tiers-mondisme, antistalinisme, révolution cubaine, anti-impérialisme américain, consumérisme, idéologie des Trente Glorieuses, révoltes populaires).
Couvrant sept décennies, ce livre restitue l'âpreté des débats et le courage des engagements auquel le surréalisme a été mêlé ; il examine les interpellations dont il a été la cible, les récits dont il a été l'objet : par les existentialistes, les surréalistes dissidents, les communistes, les lettristes, les situationnistes, les telqueliens... jusqu'aux diatribes d'un Jean Clair pamphlétaire qui en imagine rétrospectivement la barbarie, en un temps - les années 2000 - où des expositions à Londres, New York ou Paris, célèbrent un mouvement patrimonialisé et où les universités nord-américaines parlent de « surréalisme total » dans un monde globalisé. -
Engagements et déchirements ; les intellectuels et la guerre d'Algérie
Catherine Brun, Olivier Penot-Lacassagne
- Gallimard
- 14 Juin 2012
- 9782070138043
Algérienne (5 juillet 1962) du 15 juin au 15 octobre 2012 à l?Abbaye d?Ardenne. Au-delà des tabous et des silences, au-delà des partis pris, il est temps, grâce à des documents inédits, d?écrire une autre histoire de la guerre d?Algérie. Cette autre guerre, c?est celle des intellectuels.
On oublie le plus souvent les débats, les causes et les combats qui les agitèrent alors, comme si tous avaient été, d?emblée et unanimement, anticolonialistes, comme si "le sens de l?histoire" s?était imposé, à moins que l?on ne cautionne l?opposition manichéenne et réductrice d?une gauche indépendantiste et d?une droite pro-Algérie française. Seul le manifeste des 121 (si tardif) reste dans les mémoires.
Et pourtant, dès 1954, les esprits se mobilisent. Très vite, les dénonciations sont argumentées et les débats s?enflamment.
Groupes, solidarités, réseaux, le paysage intellectuel français se reconstitue et recommence à croire en son pouvoir d?action.
Textes visionnaires de Camus, de Mounier, de Ricoeur?détermination des protagonistes - de Sartre à Domenach, Vidal-Naquet ou Paulhan, de Fanon à Jeanson, de Petitjean à Rodenbach?engagement des revues, combats des éditeurs? Dans cette guerre des idées, le choix des mots fut crucial.
Pour compléter cette approche originale de la guerre d?Algérie, un cycle de conférences et de rencontres sera programmé en juin 2012, avec de grandes figures d?intellectuels. 350 documents extraits des collections de l?IMEC, mais aussi de fonds privés, vont permettre enfin une autre approche de l?histoire de ces engagements.
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Poésie & performance
Olivier Penot-Lacassagne, Gaëlle Théval
- Cecile defaut
- 9 Février 2018
- 9782350183923
Ce livre, dont les attendus sont à la fois historiques, théoriques et critiques, propose une approche diachronique de la performance poétique : de sa préhistoire vers ses mouvements précurseurs (futurisme, dadaïsme, lettrisme) ; de ses figures tutélaires (Hausmann, Artaud, Dufrêne, Heidsieck, Chopin, Filliou) aux « modernes » et aux contemporains (Julien Blaine, Christian Prigent, Denis Roche, Michèle Métail, Charles Pennequin, Christophe Tarkos, parmi d'autres). Il permet aux lecteurs de comprendre, saisis dans leur époque, la radicalité du questionnement engagé et des processus expérimentés. Quel(s) usage(s) de l'espace, du temps, du corps, de la voix, des technologies la poésie performée, dans sa polyphonie, a-t-elle inventé ? Et dans quels buts ? À quoi, dans ses différentes formes, s'est-elle confrontée ? Qu'a-t-elle voulu briser ? De quoi cherchait-elle à s'affranchir ? Et que lui a-t-on opposé ? L'actuel mixage des pratiques et des techniques, conduisant la poésie hors d'elle-mê