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Patrick Chamoiseau
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Une enfance créole : Antan d'enfance ; Chemin-d'école ; à bout d'enfance
Patrick Chamoiseau
- Folio
- Folio
- 7 Mars 2024
- 9782073062161
«Afin de garder ses nouveaux secrets, il tranchait des liens subtils avec le monde, il se rendait opaque à Man Ninotte, il n'était plus ouvert-confiant sur la présence des autres, il jouait des paupières sur l'innocence traîtresse de ses yeux et apprit à creuser une distance entre son élan de coeur et le jet pur de sa parole. » Sous le signe de la poésie et de l'humour, Patrick Chamoiseau raconte ses jeunes années en Martinique. À travers le regard du petit garçon qui déambule dans Fort-de-France se révèle la société créole, chatoyante, complexe, aux origines multiples. Se dessine aussi le portrait d'une fratrie menée par la merveilleuse Man Ninotte, femme forte et inoubliable, qui guida l'auteur sur le chemin de l'écriture.
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«Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel, et des yeux immmobiles. Je n'avais jamais perçu autant d'autorité profonde irradier de quelqu'un... Elle mélangeait le créole et le français, le mot vulgaire, le mot précieux, le mot oublié, le mot nouveau...» Et c'est ainsi que Marie-Sophie Laborieux raconte à l'auteur plus de cent cinquante ans d'histoire, d'épopée de la Martinique, depuis les sombres plantations esclavagistes jusqu'au drame contemporain de la conquête des villes. D'abord, les amours d'Esternome, le «nègre-chien» affranchi, avec la volage Ninon qui périt grillée dans l'explosion de la Montagne Pelée, puis avec Idoménée l'aveugle aux larmes de lumière, qui sera la mère de Marie-Sophie. Dans les temps modernes, Marie-So erre d'un maître à l'autre, au gré de mille et un «djobs» qui l'initient à l'implacable univers urbain. Ses amours sont sans lendemain. Devenue l'âme du quartier Texaco, elle mène la révolte contre les mulâtres de la ville, contre les békés qui veulent s'approprier les terres, contre les programmes de développement qui font le temps-béton. Patrick Chamoiseau a sans doute écrit, avec Texaco, le grand livre de l'espérance et de l'amertume du peuple antillais, depuis l'horreur des chaînes jusqu'au mensonge de la politique de développement moderne. Il brosse les scènes de la vie quotidienne, les moments historiques, les fables créoles, les poèmes incantatoires, les rêves, les récits satiriques. Monde en ébullition où la souffrance et la joie semblent naître au même instant.
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« Une traversée intime ».
Le Monde.
XVIIe siècle. Aux Antilles. C'est la nuit sur une plantation où se déroule une veillée mortuaire. Un vieux-nègre esclave entre dans le cercle des flambeaux. Dès ses premiers mots, il se métamorphose en « maître-de-la-Parole ».
Comment ce vieil homme a-t-il pu s'ériger en père fondateur de la littérature des Amériques ? Quels sont les secrets de cet improbable résistant à l'esclavage et à la colonisation ?
Partant de l'extraordinaire émergence du conteur créole, Patrick Chamoiseau interroge son propre travail d'écrivain, sa mémoire intime et les mystères de la création.
Patrick Chamoiseau, né en 1953, a élargi la portée de la littérature antillaise à un niveau mondial. Prix Goncourt pour Texaco, il est l'auteur d'une oeuvre narrative et théorique majeure où se mêlent imaginaire foisonnant et conscience politique. Sa voix est aujourd'hui l'une des plus influentes de la Caraïbe. La Matière de l'absence, Frères migrants, J'ai toujours aimé la nuit sont disponibles chez Points. Son dernier roman, Le vent du Nord dans les fougères glacées, vient de paraître aux Éditions du Seuil. -
La poésie n'est au service de rien, rien n'est à son service. Elle ne donne pas d'ordre et elle n'en reçoit pas. Elle ne résiste pas, elle existe -- c'est ainsi qu'elle s'oppose, ou mieux : qu'elle s'appose et signale tout ce qui est contraire à la dignité, à la décence. A tout ce qui est contraire aux beautés relationnelles du vivant. Quand un inacceptable surgissait quelque part, Edouard Glissant m'appelait pour me dire : " On ne peut pas laisser passer cela ! " Il appuyait sur le " on ne peut pas ".
C'était pour moi toujours étrange. Nous ne disposions d'aucun pouvoir. Nous n'étions reliés à aucune puissance. Nous n'avions que la ferveur de nos indignations. C'est pourtant sur cette fragilité, pour le moins tremblante, qu'il fondait son droit et son devoir d'intervention. Il se réclamait de cette instance où se tiennent les poètes et les beaux êtres humains. Je ne suis pas poète, mais, face à la situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j'ai imaginé qu'Edouard Glissant m'avait appelé, comme m'ont appelé quelques amies très vigilantes.
Cette déclaration ne saurait agir sur la barbarie des frontières et sur les crimes qui s'y commettent. Elle ne sert qu'à esquisser en nous la voie d'un autre imaginaire du monde. Ce n'est pas grand-chose. C'est juste une lueur destinée aux hygiènes de l'esprit. Peut-être, une de ces lucioles pour la moindre desquelles Pier Paolo Pasolini aurait donné sa vie. Patrick CHAMOISEAU
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Écrire en pays dominé c'est l'histoire d'une vie, la trajectoire d'une conscience, l'intime saga d'une écriture qui doit trouver sa voix entre langues dominantes et langues dominées, entre les paysages soumis d'une terre natale et les horizons ouverts du monde, entre toutes les ombres et toutes les lumières. Écrivain, Marqueur de Paroles, et finalement Guerrier, Patrick Chamoiseau interroge les exigences contemporaines des littératures désormais confrontées aux nouvelles formes de domination et à la présence du Total-monde dans nos imaginaires.
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Avec ses Contes des sages créoles, Patrick Chamoiseau nous convie à un voyage haut en couleurs en terres martiniquaises. Au fil d'une écriture musicale et imagée, le conteur donne vie à des personnages dont les histoires nous embarquent au coeur de la culture créole, en même temps qu'elles rappellent combien ces textes de la "survie" ne prennent sens que par rapport au contexte auquel ils se réfèrent : la période colonialiste inhérente à l'histoire des Antilles. En cela, le rôle du conteur est essentiel.
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Le vent du nord dans les fougères glacées : le roman du dernier conteur
Patrick Chamoiseau
- Seuil
- Cadre Rouge
- 7 Octobre 2022
- 9782021470413
« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité... Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit ».
Le dernier maître de la Parole a gagné les hauteurs de Sainte-Marie, dans le nord de la Martinique. Depuis, il demeure inaccessible et silencieux. Malgré son grand âge, Boulianno n'a initié aucun successeur à son savoir exceptionnel, lequel risque de se perdre à jamais.
Avant que son retrait ne soit définitif, des gardiens de la tradition orale se lancent en convoi sur ses traces improbables dans les mornes pour qu'il désigne un héritier et lui offre en legs le secret de sa poésie.
Entre tradition et modernité, entre rire et mémoire, entre passé et futur, entre la vie et la mort, ils se retrouvent plongés sans le vouloir dans les complexités insondables du monde de la Parole que symbolise le vent du nord. -
«Du temps de l'esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, goûteur de solitude. C'était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou. On le disait rugueux telle une terre du Sud ou comme l'écorce d'un arbre qui a passé mille ans. Pourtant, la Parole laisse entendre qu'il s'enflamma soudain d'un bel boucan de vie. Ainsi m'est parvenue l'histoire de cet esclave vieil homme, de son Maître-béké et du molosse qu'on lança à ses trousses. Une histoire à grands sillons d'histoires variantes, en chants de langue créole, en jeux de langue française et de parlures rêvées. Seules de proliférantes mémoires pourraient en suivre les emmêlements. Ici, soucieux de ma parole, je ne saurais aller qu'en un rythme léger flottant sur leurs musiques...» Patrick Chamoiseau.
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« Nous fîmes cercle autour d'elle. Nous fîmes vie autour d'elle. Nous fîmes amour, tristesse, détresse. Nous fîmes refus, protestation, résignation, disparition. Nous fîmes courage et lâcheté. Nous fîmes tout ce que l'on fait quand on ne sait pas quoi faire... » Man Ninotte, la mère invincible, a quitté le monde des vivants. L'écrivain aborde l'abîme de la perte dans l'aberration et la culpabilité. Pour conjurer cette absence fondamentale, fixer la mémoire, il dialogue avec sa soeur et convoque l'histoire des Antilles, remontant jusqu'aux origines de l'humanité. Le réconfort est à trouver dans la tribu que constituent soudain la famille et les proches. Car au-delà de la mort, la vie est là, la vie est en eux, la vie les aveugle.
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Robinson Crusoé vient de passer vingt ans de solitude dans son île déserte. Il a dû reconstruire son équilibre. C'est avec fierté - celle d'avoir soumis l'île à sa domination - qu'il entame ce matin-là une promenade rituelle sur la plage où il avait mystérieusement échoué il y a tant d'années.
C'est alors qu'il découvre l'inconcevable : dans le sable, une empreinte. Celle d'un homme.
Passé l'affolement, puis la posture agressive et guerrière, le solitaire s'élance à la recherche de cet Autre qui lui apporte ce dont il avait oublié l'existence : l'idée même de l'humain. Commence alors une étrange aventure qui le précipite en présence de lui-même et d'une île inconnue jusqu'alors.
Celui qui avait réussi à survivre sans civilisation, sans culture, sans autrui, doit maintenat affronter ce qu'il n'aurait pu imaginer ailleurs qu'ici : la relation à l'impensable.
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Patrick Chamoiseau nous donne ici ses souvenirs d'enfance. Enfance prise dans l'En-ville de Fort-de-France, dans le giron de la merveilleuse Man Ninotte qui ne cesse d'organiser la vie familiale avec un art de vivre et de survivre dont le cocasse et la poésie nous charment.
Sous le regard du négrillon se révèle la société créole chatoyante, complexe, aux origines multiples, symbolisée par une ville qui lui ressemble. Il y vivra ses premières expériences : les jeux, la rue, les marchés, le cinéma et aussi la négritude, l'injustice sociale, le racisme.
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À la nuit tombée, les papillons tourbillonnent autour des lampadaires, s'en exaltent, s'y brûlent le plus souvent... Parmi eux, un jeune aux ailes fringantes s'élance comme tous les autres, tournoie dans les halos de clarté, et fonce dans les éblouissements. Seulement, plutôt que de heurter cette féerie brûlante, il opère chaque fois un prompt demi-tour. Il survit, mais sent bien qu'une expérience fondamentale lui échappe:il ne connaît pas la lumière. Il s'en ouvre à un vieux papillon aux ailes intactes. Ce dernier semble d'abord éluder ses questions, avant de l'entraîner dans un voyage inattendu à travers la ville, au coeur de la nuit d'abord, puis au lever du jour vers le soleil... Et si la véritable lumière ne se trouvait pas là où on l'attend?
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Fort-de-France, pendant le carnaval. Devant son public médusé, le conteur Solibo Magnifique meurt, foudroyé par une égorgette de la parole. Autostrangulation ? Ou meurtre ? Toute l'assistance est soupçonnée, notamment Bateau Français, dit Congo, fabricant de râpes à manioc, et qui aurait empoisonné Solibo avec un fruit confit. Bouaffesse et Évariste Pilon mènent l'enquête, allant jusqu'à garder à vue Patrick Chamoiseau lui-même. Quant à Congo, suspect numéro un, il sera laminé. Ce que, d'interrogatoire en interrogatoire, les deux policiers vont pourtant révéler, c'est l'univers caduque, au seuil de l'oubli, des Maîtres de la parole, des grands conteurs qui avaient, tel Solibo, le goût du mot, du discours sans virgule.
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Une enfance créole Tome 1 ; antan d'enfance
Patrick Chamoiseau
- Folio
- Folio
- 21 Juin 1996
- 9782070400010
Nouvelle traversée. Le Maître comme capitaine «voguant immatériel sur les cimes du savoir universel», grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée. «O vertige mi ! Tête perdue !» Le négrillon aura «des temps de blonde enfance, rouge aux joues et yeux bleus».Retour à la langue-manman quand il fallait lâcher l'émotion, balancer un senti, s'exprimer longtemps.Retour au pays natal et à la parole de Gros-Lombric, un petit bougre, noir bleuté, maître-force en magie créole qui, jour après jour, ramène des confins de l'En-ville des contes de zombis, des Chouval-trois-pattes, les bels passages de l'oiseau-glanglan, les vertus des poules-frisées, les coups-de-cervelles de Ti-Jean-Lorizon. Gros-Lombric, le double, écolier marron de l'École coloniale.De la confrontation de ces deux trajectoires, le négrillon tirera la substance de son écriture.
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Baudelaire jazz : méditations poétiques et musicales avec Raphaël Imbert
Patrick Chamoiseau
- Seuil
- 26 Mai 2022
- 9782021510805
« Monsieur Baudelaire, vous dont les croyances n'avaient plus de Dieu, plus de modèles, vous dont la vie invoquait religieusement le rythme, l'Amour, l'Idéal, l'Art en ses immanences, oui, vous dont le désir sacré ne s'offrait qu'aux grâces toujours bizarres de la Beauté... vous avez fait jazz ! ».
Invité en 2021, par le musée d'Orsay, à rendre un hommage à Baudelaire, Patrick Chamoiseau s'est entouré du grand musicien Raphaël Imbert et d'invités provenant de divers horizons. Cette méditation poétique et musicale, véritable chaos-opéra, ramène le poète de la modernité occidentale dans l'univers des plantations esclavagistes, de la polyrythmie africaine et de l'improvisation... un enfer d'où ont surgi (malgré tout) des danses, des chants, des tambours, le règne du Conteur créole, maître-de-la-Parole, et l'énigme indéchiffrable du jazz.
Patrick Chamoiseau, prix Goncourt 1992, est aujourd'hui une des voix les plus influentes de la Caraïbe et un des écrivains majeurs du monde contemporain.
Retrouvez à l'intérieur de ce livre le QR code de l'album numérique Baudelaire Jazz de Raphaël Imbert. -
Un Malfini, grand rapace assuré de sa magnificence, découvre un jour l'existence des colibris. Sidéré par la découverte de cette petite créature, le terrible prédateur va se retrouver en dérive dans l'incompréhension, le mépris, la haine, le doute, et puis enfin l'admiration souffrante. Tandis que l'infime colibri affronte seul une menace écologique colossale, le grand rapace, qui l'observe puis l'accompagne dans son combat démesuré, connaît alors, à son corps défendant, une exaltation extraordinaire de chacun de ses sens : ils se mettent à l'habiter comme autant de consciences... Dans ce qui relève à la fois de la chronique ethnologique, de la méditation de philosophe, de la fable ou du roman initiatique nourri des merveilles maintenant autorisées par la littérature, c'est une poétique du vivant, pleine de tendresse, d'amour, d'humour, qui s'empare de la conscience écologique...
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Chronique des sept misères / paroles de djobeurs
Patrick Chamoiseau
- Folio
- Folio
- 25 Août 1988
- 9782070380626
Les trois marchés de Fort-de-France sont pour les djobeurs les champs de l'existence, une manière de destin à l'intérieur de laquelle ils battent leur misère. Riches de leur seule brouette, mais aussi de leur verve et de leur tendresse, ils transportent les paniers de légumes, et les marchandes les payent selon leur coeur. Parmi eux, le meilleur : Pierre Philomène Soleil, dit Pipi, amoureux sans retour de la belle métisse Anastase. Pour s'arracher à sa passion et à l'agonie des marchés, il part à la conquête du trésor d'Afoukal, puis crée un jardin luxuriant, qui sera détruit par de savants technocrates. Il meurt comme il aura vécu, dans la misère. Aux autres djobeurs de dire et de redire les souvenirs de leur vie, mi-pleurant mi-riant sur leur monde condamné, comme Pierre Philomène et ses rêves, à la disparition.
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Un dimanche de pluie, une petite fille se réfugie sous une voûte de pierre, dans le jardin du foyer qui l'a recueillie. Terrassée par une souffrance indépassable, elle reste prostrée dans l'ombre et ne veut plus en sortir. On sollicite alors Patrick Chamoiseau, écrivain, Marqueur de Paroles, et surtout éducateur en matière de justice. Mais tandis qu'il vient au secours de l'enfant, il devine ce qu'elle ignore : cette voûte de pierre n'est autre que le plus effrayant des vestiges. C'est un cachot dont les parois balisent une ténébreuse mémoire, qui dérive loin dans les impensables de l'Histoire, dans l'intransmissible de l'esclavage, ce crime sans châtiment.
Désemparé, l'éducateur lui raconte d'abord ce qui lui vient à l'esprit (sous les auspices de Faulkner, Saint-John Perse et Glissant). S'ensuit une histoire de chair et de sang, une tremblante évocation qui se déplace dans le réel et l'imaginaire, dans le présent et les temps anciens de l'Habitation où vivait L'Oubliée, l'esclave rebelle... Car c'est l'oeuvre du Marqueur de Paroles de capter les signes et les traces, les langues et les cultures, de considérer les présences qui nous habitent, ce qui s'est abîmé ou s'est effacé, et qui pourtant nous fonde et nous initie...
Qui sait ce que le cachot le plus effrayant peut refléter, ou libérer, de l'éclat du monde?
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Entre eux, la gueule terrifiante d'un canon de pistolet. La scène pourrait être banale si ce n'était pas le serial killer qui pointait son arme sur le flic. Pour la première fois de sa longue et monotone carrière, Éloi Éphraïm Évariste Pilon est confronté à un tueur, un vrai, un monstre au pistolet d'argent qui lui raconte dix années de crimes sadiques et impunis. Le policier sortira-t-il vivant de ce face-à-face avec l'archange de la mort ?
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Jadis, au-delà de l'aurore et du crépuscule, les bois symbolisaient la demeure de la divinité, et ainsi de la Martinique. Mais les dieux sont partis laissant derrière eux, dans l'obscurité des siècles, des esprits qui enflamment toujours les racines des forêts, tandis que le temps poursuit sa route.Balthazar Bodule-Jules était né, disait-il, il y a de cela quinze milliards d'années - et néanmoins, en toutes époques, en toutes terres dominées et sous toutes oppressions. Alors que, désenchanté, il décide de mourir, il se souvient tout à coup des sept cent vingt-sept femmes qu'il avait tant aimées... Ces créatures mémorielles le ramènent au long cours de sa vie sur les rives de la Terre, parmi le fracas de ses guerres auprès du Che en Bolivie, de Hô Chi Minh au Vietnam, de Lumumba au Congo, de Frantz Fanon en Algérie...Dans ce vrac de mémoire, le vieux rebelle découvre la dimension initiatique de son enfance soumise à la grandiose autorité d'une femme des bois, Man L'Oubliée, seule capable de s'opposer aux damnations de la diablesse. Il prend la mesure des enseignements d'une ardente communiste que l'on croit être un homme ; puis il élucide enfin l'étrange douceur de celle qui lui paraissait la plus fragile de toutes : la céleste Sarah-Anaïs-Alicia...Le narrateur (Marqueur de paroles et en final Guerrier) s'identifie insensiblement à ce rebelle qui l'emplit d'une connaissance littéraire des temps anciens et des temps à venir. Car, au terme d'une vie dont il ne pensait retenir que l'échec, l'agonisant accède à une autre conscience : cet amour-grand qui relie les contraires...
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Nouvelle traversée. Le Maître comme capitaine «voguant immatériel sur les cimes du savoir universel», grand pourfendeur de sabir créole, négateur des fastes de la culture dominée. «O vertige mi ! Tête perdue !» Le négrillon aura «des temps de blonde enfance, rouge aux joues et yeux bleus». Retour à la langue-manman quand il fallait lâcher l'émotion, balancer un senti, s'exprimer longtemps. Retour au pays natal et à la parole de Gros-Lombric, un petit bougre, noir bleuté, maître-force en magie créole qui, jour après jour, ramène des confins de l'En-ville des contes de zombis, des Chouval-trois-pattes, les bels passages de l'oiseau-glanglan, les vertus des poules-frisées, les coups-de-cervelles de Ti-Jean-Lorizon. Gros-Lombric, le double, écolier marron de l'École coloniale. De la confrontation de ces deux trajectoires, le négrillon tirera la substance de son écriture.
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Césaire, Perse, Glissant ; les liaisons magnétiques
Patrick Chamoiseau
- Philippe Rey
- 31 Octobre 2013
- 9782848763644
Aimé Césaire. Saint-John Perse. Édouard Glissant. Trois des plus grands poètes de tous les siècles. Pourtant, il nous est difficile d'envisager une entité pareille.
Dans l'ordinaire perception, on les distingue, on les oppose, on les distingue en les opposant. Le contexte historique et politique accuse cette perception d'antagonismes définitifs. L'homme de l'Afrique et de la Négritude. L'homme de l'universel conquérant, orgueilleux et hautain. L'homme des chaos imprévisibles du Tout-Monde. Derrière ces classifications, on sent bien que persiste notre impossibilité à envisager l'unité-diversité, les solidarités conflictuelles, les ruptures qui rassemblent, les écarts convergents.
Dès lors, il nous faut tenter de deviner leur inévitable relation, ces " liaisons magnétiques " qui les rassemble sans les confondre, et qui nourrissent, et leurs mouvements particuliers et leurs musiques secrètes.
La liaison magnétique est rétive aux rapprochements généralisants. Elle est tremblante, légère, subtile, réversible, diffractée et infime. Elle va de notes en contre-notes, de sentiments en longues rêveries. Sa fécondité provient de l'intensité des imprévisibles qu'elle suscite, des déplacements, combinaisons et dispositions nouvelles qu'elle suggère. Césaire. Perse. Glissant.
La magnétique puissance de ces solitaires ne les rend-elle pas finalement solidaires ?
Patrick Chamoiseau Patrick Chamoiseau nous livre ci sa perception très libre de trois des plus grands poètes du vingtième siècle. Une année de lectures et de relectures, au fil des saisons antillaises, des vents, des chaleurs, de la pluie. De notes en contre-notes, au contact de ces forces poétiques, s'ouvre le mouvement océanique d'une conscience qui envisage son pays, dessine les contours de son Lieu, éprouve les événements contemporains, se questionne et questionne sans cesse les mutations imprévisibles et les beautés du monde.
Écrivain majeur de la littérature française contemporaine, prix Goncourt 1992 pour Texaco, Patrick Chamoiseau est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont Chronique des sept misères (1986), Les neuf consciences du Malfini (2009) ou encore Le papillon et la lumière (Philippe Rey, 2011). -
Sur les photos d'Anne Chopin, photographe désormais incontournable en Martinique, Patrick Chamoiseau dresse un état des lieux du patrimoine naturel de l'île, mais revisite également la Martinique depuis le ciel, qu'elle soit naturelle, touristique, urbanisée et même industrielle. Un cri d'amour autant qu'un cri d'alerte pour prendre conscience de l'incroyable richesse de l'île, mais également de sa fragilité.
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«Un jour, bien des années avant l'épreuve du mabouya, le négrillon s'aperçut que les êtres-humains n'étaient pas seuls au monde : il existait aussi les petites-filles. Intrigué mais pas abasourdi comme il aurait dû l'être, il ne put deviner combien ces créatures bouleverseraient le fil encore instable de sa pauvre petite vie...» Dès lors, où situer ces petites-filles que le négrillon zieute par les persiennes de son école... ces créatures étranges qui «ressemblent à des êtres-humains, sauf qu'elles portent des nattes, des papillottes, et des noeuds papillons assortis aux robes-à-fleurs et à dentelles...» ? Sale temps pour le négrillon qui, à bout de souffle, entre Éros et Thanatos, doit aussi résoudre son Oedipe et explorer les différents usages d'un certain... ti-bout de son anatomie ! Et c'est la quête irrésistible d'une Irréelle, «une chabine aux cheveux mi-rouges mi-jaunes, et aux pupilles indéfinissables», qui referme cette geste subversive de l'enfance et de cette mémoire-sable que le grand «Marqueur de parole» célébrait dans Éloge de la créolité...