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Verticales
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«Un ouvrier algérien, M. Mohamed Diab, 40 ans, a été tué d'une rafale de pistolet-mitrailleur le 29 novembre 1972, au cours d'une bagarre avec des gardiens de la paix, dans le commissariat de la caserne de Noailles, à Versailles (Yvelines).» Agence de presse Libération Bulletin n°61 - décembre 1972 Fin novembre 1972, nous habitons en famille à Versailles ; j'ai quatre ans et demi. Jusqu'à l'automne 2022, je n'avais jamais entendu parler de cette affaire. Interroger ce silence, c'est mettre à jour «mon racisme» et son histoire.
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Sous ce titre énigmatique, Philippe Artières se met en scène dès les premières pages, recevant un dossier cartonné intitulé « Vies sauvages » qui semble avoir été constitué par Michel Foucault. Cette collection inédite contient des liasses de documents sur des individus s'étant retirés du monde au XIXe et au XXe siècle. On assiste au dépouillement progressif du dossier dont la plupart des pièces sont reproduites intégralement. Parmi ces photocopies et notes manuscrites du philosophe, trois sous-chemises recèlent une matière plus abondante : des articles de presse et un rapport de l'Académie royale de médecine de 1865 relatifs à Laurent, alias le « Sauvage du Var » qui fit alors l'objet d'un engouement médiatique et scientifique ;
Les notes, manifestes et témoignages (partiellement traduits de l'anglais) à propos d'un mathématicien américain, alias TJK, parti se réfugier dans les forêts du Montana au début des années 1970 ; enfin, le portrait d'un ermite en soutane de la fin du XIXe siècle qui, isolé dans les monts du Forez, y fut assassiné par Ravachol.
Que recherchait Foucault en rassemblant ces trois figures d'époques et de motivations si différentes ? Pour celui qui pratique depuis longtemps la fouille des sources foucaldiennes, ces cas d'étude sont à la fois familiers et surprenants. Ils vont faire ressurgir dans la mémoire de l'auteur un homme des bois ayant marqué sa jeunesse : Jean. Au cours de ses études universitaires, Philippe Artières a en effet consacré à ce marginal vosgien un récit fragmentaire qui, s'il ne fait pas partie du corpus d'origine, s'y intègre tout naturellement.
A ce stade de la lecture, on commence à s'interroger sur le degré de réalité de ce dossier posthume. Michel Foucault en est-il le compilateur initial ou est-ce plutôt un « rêve d'histoire » qu'on doit à Artières ?
Enquête documentaire, récit introspectif et jeu de pistes fictionnel, Le dossier sauvage se lit comme un roman d'aventures au pays des archives.
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Rêves d'histoire ; pour une histoire de l'ordinaire
Philippe Artières
- Verticales
- Phase Deux Verticales
- 9 Octobre 2014
- 9782070146642
Philippe Artières, historien passionné d'art contemporain et de littérature fragmentaire, laisse dans cet ouvrage libre cours à ses désirs secrets de chercheur, dans une approche de l'Histoire joyeusement savante, personnelle et insolite. Réunissant de courts textes très divers, Rêves d'histoire propose une anthologie de rêveries ou, plus exactement, de " désirs d'histoire " encore non explorées. On y trouvera donc des idées brutes, des pistes incongrues, des domaines de recherche à arpenter, parfois nées à la lecture d'une source ou d'une archive qui révèle son imaginaire potentiel, ces îlots encore vierges qu'aucune carte n'avait encore répertorié.
Mais l'historien n'est pas romancier à proprement parler, plutôt collecteur de détails, explorateur du plus simple ordinaire. Et s'il ne prétend pas plus emprunter la posture du demiurge que renoncer à l'honnêteté intellectuelle du chercheur, il se fait ici résolument homme de récits. Ou comment raconter l'histoire de la ceinture, des ordonnances médicales, de la tombe de Pétain (le " salaud de Yeu "), des routes, de la banderole, etc.
Brièvement développées, agrémentées d'allusions autobiographiques et organisées en trois parties (Objets/Lieux/Traces), ces échappées ouvrent autant de champs de recherche dont on se plaît à imaginer la fécondité, parfois vertigineuse - mais souvent à l'état d'ébauche, elles sont inscrites dans la frustration de l'inachèvement. Un exemple parmi d'autres : autour d'une réflexion sur la cloison, procédant par digressions successives, l'auteur propose une histoire croisée du confessionnal, du parloir et de l'hygiaphone - de quoi faire apparaître toute une géographie de la parole dans nos sociétés, ce qui ne nous étonnera pas chez ce foucaldien de la deuxième génération.
Au terme de ce recueil, Philippe Artières revient dans une postface-manifeste inédite sur toutes ses tentations d'écriture et interroge " cet hybride objet qu'est le récit historique ".