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Szpilmann Harry
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Les rudérales sont des plantes qui poussent en toute liberté sur les terrains en friche, sur les bords des chemins ou dans la proximité de l'habitat humain. Et telle apparaît la parole poétique de Harry Szpilmann, singulière autant que remarquable par la lucidité dont elle fait preuve et la liberté d'expression qu'elle s'autorise. Le monde des Rudérales se construit en réponse à une attente toujours fragile et indécidable, à l'étonnement face à ce qui se montre, la rencontre du réel, sa morsure. C'est toute la présence de l'expérience sensible qui se trouve mobilisée, cependant que cette profusion du regard se double d'une réflexion sur le livre en train de se faire et les possibilités de l'écriture poétique, sa puissance et sa précarité. Pour autant, aussi attentive soit-elle aux ressorts de la parole et à leur soubassement de silence, la poésie d'Harry Szpilmann n'a rien d'un simple jeu formel. Elle se maintient coûte que coûte sur le fil d'une interrogation inquiète, pointant les désastres approchés par l'image, par l'imaginaire, afin de ramener à soi la matière improbable qui insuffle au poème sa chair et son tracé.
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Le titre de ce dernier livre du poète Harry Szpilmann peut avoir de quoi étonner le lecteur. Pourtant le terme Fulgor nous est familier sous bien d'autres désignations. S'il signifie éclat ou même splendeur, selon son étymologie latine, il ne laisse pas de doute sur ce que le mot figure lorsqu'il est associé à la signification d'éclat fulgurant, celui de l'éclair. Ce livre composé de textes poétiques courts atteint cette fulgurance de la parole attachée de près à la recherche de l'extrême concentration nécessaire à son expression. Il témoigne comme nul autre d'un travail qui s'opère sur l'usage le plus précis de la langue, lequel devient un véritable travail sur soi-même puisque c'est toute l'expérience de la vie qui s'y trouve approchée, interrogé en quelque sorte. Dans les tous premiers textes du livre, on peut lire ce fragment, dont on peut dire qu'il synthétise ce ton unique que le lecteur est appelé à ressaisir et à s'imprégner tout au long de cette suite poétique : Tout ce que jusqu'alors tu t'imagines avoir conquis : mirages et pâtures de néant. La foudre appelle, mais la flamme est devant. Ainsi l'ensemble de cette suite s'affirme avec force comme un tout, rivé à une économie maximale du déroulé de la parole en s'approchant de la prose sans ne jamais y céder, sans ne jamais s'y enfermer. De ce fait, cette parole à très haute densité poétique ne quitte plus le terrain de la pensée en un tissage entre prose et poésie qui s'impose à chaque moment de son expression. Alors que cette dernière se voit traversée de doutes permanents. Chaque séquence paraît toujours confrontée à l'indétermination de ses relevés, si ce n'est du fait que la vie n'offre pas de but donné d'avance, seulement des chemins à parcourir puisqu'elle est déjà à la poursuite de chemins qui ne peuvent se tracer qu'à chaque avancée. Cette voie poétique ne se décline pas au singulier mais bien à chacun de ses instants au pluriel : ... rien ne s'inscrit sur ta route que l'oppressante opacité de cette blessure sans fond. Plus qu'à simplement lire, ce livre, parce qu'il ralenti la lecture est un livre à méditer, car la langue atteint une profondeur exceptionnelle appelée à interroger le lecteur, tout lecteur : Toi que vivre écartèle et çà et là éblouit, de quelle blessure, de quelle brûlure ton souffle tire-t-il sa légitimité ?
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S'il fallait trouver une correspondance à l'écriture déjà bien maîtrisée de Harry Szpilmann, ce serait sans équivoque aucune au voisinage des Fernand Verhesen et Michel Lambiotte que se situerait ce poète. Il y a une proximité évidente entre ces poètes et cela jusque dans la manière même d'organiser un recueil : alternance de poèmes en prose et de vers libres. Des poèmes où une part d'insondable (et parfois même de l'hermétisme) est présente, des poèmes où est abordée la question théorique de la poésie, où un texte participe aussi d'une mise en espace, des poèmes qui résistent parfois à une première lecture, comme il en est aussi de la poésie d'un Paul Celan. Harry Szpilmann pratique la poésie comme l'entendait Fernand Verhesen dans ses merveilleuses Propositions : « un poème qui devient ce qu'il est à condition que la participation du lecteur soit effective ».
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Génèses et magmas Tome 2 ; à la façon de la phalène
Harry Szpilmann
- Cormier
- 25 Février 2020
- 9782875980212
Dans la foulée de son livre précédent intitulé Genèses et magmas I, Harry Szpilmann développe dans ce second volume, en reprenant et prolongeant le titre du premier, sa réflexion, cette fois, sous la forme de fragments. Il propose à ses lecteurs une véritable poétique où l'expérience existentielle est relayée par celle d'une pensée qui vient soutenir et éclairer le processus de création, afin de motiver et de fonder sa poétique, en ouvrant, et en élargissant les domaines explorés dans ses suites poétiques proprement dites. A ce titre, le lyrisme sans pathos de Harry Szpilmann comporte une dimension critique qu'il paraît impossible de dissocier de sa démarche poétique. Cette dimension critique, nous le savons plus que jamais, est présente dans les diverses démarches poétiques chez les meilleurs poètes de la modernité. Elle parvient à établir des liens multiples, féconds, réciproques, voire même indissociables, entre la création poétique et la pensée qui l'habite. Et ce registre singulier trouve une forme exemplaire dans toute l'oeuvre de ce poète si actuel. Certes il s'agit d'une autre manière d'interroger le monde et la vie en interrogeant le poème lui-même, et tout ce qui nourrit le poème par la même occasion. Et en interrogeant le poème, c'est tout le réel qui se trouve pris dans ses filets : « Le réel étant matière intensive inachevée, écrit-il, la Parole qui s'en soucie et s'y attache, nécessairement se verra remisée en l'Ouvert - intangible séjour où les puissances intensives se recoupent et s'enchevêtrent, illimitées, se mêlent et se confondent et se fondent, et où le Dire se déployant ne le pourra qu'en affleurements, qu'en suggestions, ou en balbutiement ». Ce qui fait de la poésie, pour l'auteur de ces fragments, « notre plus sûre et notre plus exigeante alliée... ».
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"D'une matière à peine visible,le texte nomade oriente ses ssauts très loin du littoral de l'homme; ."
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Par delà l'évocation du désert réel, Harry Szpilmann nous parle d'une traversée d'un désert intérieur qu'il nous livre par poèmes et aphorismes interposés.
«La subjuguante fascination de l'homme pour le désert n'émane-t-elle pas d'une sorte de passion passive et sans objet, fruit d'un désastre consumant tout et n'épargnant rien de son incendie glacé?» Question qu'on peut se poser à bon droit, en effet, tant le désert ne se prête guère qu'à être quitté, lorsqu'on aime la vie, ses couleurs et ses parfums.
Et, dans la dernière suite, qui aborde explicitement l'écriture :
«Écrire se révèle quelquefois être une cruelle façon d'aborder, tout en vertiges et halètements, sa propre vulnérabilité. Au risque de ne jamais s'en relever.» «Ces quelques signes que la blancheur de la page recueille dans la concrétude de l'encre, jamais ne préserveront l'écrivant, tandis que la spirale de l'écriture l'y précipite, de l'insondable de sa nuit.» Il n'y a rien à ajouter.
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Poète que l'on peut situer dans le voisinage d' André du Bouchet et, en Belgique, d'un Fernand Verhesen ou Michel Lambiotte qui fut l'un de ses maîtres à penser.
Il est par ailleurs professeur de sémiotique dans une école de cinéma.. -
La singularité de l'oeuvre poétique de Harry Szpilmann tient à ceci : elle s'accompagne à chaque instant de ses avancées d'une réflexion sur la poésie qui anime ses textes en profondeur. Et cette approche exprime une volonté irréductible de vouloir percer les opacités du monde à la fois sous la forme et par la langue poétique au sens stricte de terme, et par l'utilisation dissimulée, ici, mise au jour, là, de l'aphorisme, c'est-à-dire une volonté de mettre en exergue quelque certitudes infiniment questionnées dans leurs fondements, mais saisie sous une forme brève, incisive, non moins qu'impérieuse. Il y a chez lui quelque chose d'une urgence, ou mieux, d'une rage d'écrire qui n'incarne pas moins une rage de vivre. Chaque poème, jamais fermé sur lui-même, témoigne d'une expérience, ce qui ne lui interdit en aucune manière, bien au contraire, de dialoguer avec elle-même. Genèse et magmas, nous avertit l'auteur, « est traversé de part en part par une même problématique, à savoir la question du poétique. » Et il ajoute : « Ne prétendant nullement y apporter de réponse univoque et moins encore définitive, notre office, essentiellement, aura consisté à demeurer au plus proche de l'ouverture suscitée par la question, en habiter la source, et l'avoir absorbée dans la multiplicité des voix qui devraient naître du sortilège. » Se tenant à proximité des choses et de la vie, l'auteur accorde une écoute impérieuse à l'infini variété des inattendus, des événements, tout ce qui obligent à réorienter la vie, sa vie ; et à la permanence du désir, cette limpidité de la soif qui accompagne « la promesse du poème à venir », nous dit-il. Cette poésie est une véritable féérie où les significations de ce qui se tient à la marge et qui revient au coeur de ce que nous sommes afin de donner pleine existence à nos interrogations.
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"Ce mascaret de l'aire qui nous allaite, à chaque passage du souffle, à chaque empreinte ou scarification, on peut l'entendre qui se meurt - et dans le souffle sentir ce feu qui lui survit." Alternance de poèmes en proses et vers libres, dans la proximité d'un André du Bouchet.
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Chaque mot, chaque pierre, chaque étoilement vient au poème pour y désaltérer mon sang.
Écarts ou les esquives du désir est son cinquième titre au Taillis Pré.
Poésie soyeuse, sauvage ; poésie tantôt nébuleuse, tantôt océane, toujours magnétique.
Inépuisable poésie szpilmanienne, à couper le souffle tout en nous élargissant la respiration.
Charline Lambert -
Recommencer à la place même où la parole, l'ouïe plénière, est prise et débordée de divergences, d'ambiguïtés, des aléas du sens ou d'insensé. Recommencer comme on commence à ramener la voix très près des peaux porteuses, des corps en friche, ou de l'oubli du manuscrit inénarrable. Recommencer, ou commencer à tailler dans le vent la frise d'un chant gorgé de terre et de lumière.