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« Juliette Veux-tu partir ? Ce n'est pas encore le jour.
C'était le rossignol, non l'alouette, Qui perçait le tympan craintif de ton oreille.
Il chante chaque nuit sous ce grenadier.
Crois-moi, mon bien-aimé, c'était le rossignol.
Roméo C'est l'alouette, hélas, messagère du jour, Et non le rossignol. Vois, mon aimée, Quelles lueurs là-bas, ourlent envieusement Les nuages à l'est et les séparent.
Les flambeaux de la nuit se sont consumés et l'aube joyeuse Touche du bout du pied le sommet brumeux des collines.
Je dois partir et vivre, ou rester et mourir. » (Acte III, scène V).
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On connaît l'histoire d'Hamlet, ce jeune homme sommé par le fantôme de son père de le venger, lui qui a été assassiné par son propre frère, lequel a ensuite épousé sa veuve...
Shakespeare n'a pas inventé cette histoire d'une famille où se concentre la tragédie. Mais à la différence de ses sources médiévales qui se souciaient surtout de l'action, il a mis en jeu toutes les dimensions de réflexion, de sentiment, de sensation dans le processus qui mène à la catastrophe et à la mort de tous. A cette terrible histoire, il a donné toute son humanité. Car si Hamlet est la pièce des pièces pour le théâtre occidental, c'est sans doute d'abord pour sa portée philosophique : chaque siècle, chaque génération se sont réappropriés la question d'"être ou ne pas être" de l'existence et de sa vanité, formulée par Shakespeare.
C'est sans doute aussi pour le destin singulier du personnage principal, dont la jeunesse promet tant au monde et qui voit ses ailes coupées au moment de l'envol. Et c'est sans doute, enfin, pour le reflet que les personnages, tout prince, roi et reine qu'ils sont, offrent à chacun de l'entremêlement des relations de pouvoir, d'amour et de haine, de l'artifice social et de la vérité des sentiments...
Pour tout cela, donc, mais également, surtout, par la manière dont tout cela fait théâtre. Un homme jeune, seul contre tous, force ainsi la communauté à s'interroger radicalement sur elle-même, au moment unique de la représentation. Aujourd'hui comme hier, nous sommes tous Hamlet. D'où la nécessité de traduire à nouveau la pièce, ici pour David Bobee dont l'univers inventif et hybride rencontre pour la première fois une pièce du répertoire...
Si elle est le produit d'un moment particulier d'ébullition historique, la Renaissance anglaise, il importe de retrouver le langage qui peut porter sur la scène actuelle la question de la liberté, dans un monde d'illusions gangrené par l'intérêt. Comme pour la première fois.
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le roi lear est souvent tenue pour la plus noire des grandes tragédies légendaires de shakespeare, à cause de la catastrophe finale, infiniment désespérée.
c'est aussi l'une des plus humaines. le roi lear décide de partager son royaume entre ses trois filles. les deux premières, pour plaire à leur père et recevoir le meilleur lot, récitent un joli compliment. cordélia, la plus jeune, refuse le concours d'hypocrisie. le vieux roi, d'autant plus déçu qu'il la préférait, la renie. par ce geste, il se renie lui-même. commence alors une terrible tribulation où, pour retrouver son être, il perdra son rang, sa raison, sa vie.
lear est une histoire d'identité : de théâtre et d'humanité. les personnages, dans l'abandon de leur rôle social, devront survivre en éprouvant le dénuement, la violence de la nature et des hommes, aux confins de la conscience et de l'existence. sur le plateau nu de la scène élisabéthaine, cette pièce est une oeuvre expérimentale, diverse de registres, nourrie de multiples références. si on a pu évoquer une " passion " d'avant le christ, en réalité le monde de lear, drôle et terrifiant, n'est ni païen ni chrétien.
c'est le théâtre : la condition humaine, mise en dérision par la lucidité du fou. jean-françois sivadier porte à la scène cet " opéra anthropologique, ce coup de poing gigantesque à l'inconscien t". pascal collin propose ici une traduction nouvelle pour les acteurs d'aujourd'hui et de demain : "une matière dont ils puissent être les créateurs" à partir du plateau, pour un théâtre qui renaît chaque soir de la rencontre entre la scène et la salle.
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À la suite d'invraisemblables intrigues où s'accumulent désirs, haines et ambitions se trouvent exilés dans le bois d'Ardennes un duc déchu et sa suite, des seigneurs, des jeunes dames, un chevalier errant, un philosophe amer, un bouffon de cour, mêlés à des bergers, une bergère, une chevrière et un villageois. Placés ainsi sous l'empire de la Nature (la leur propre, comme celle qui les environne), ils vont jouer au jeu éternel des assemblages amoureux, faisant fi des genres et des convenances, comme dans la scène où Rosalinde travestie en homme, et tout en calomniant les femmes, force son amant Orlando à lui faire la cour. Comédie de méprises et de déguisements, "Comme il vous plaira" est une célébration du théâtre et de ses artifices, de la chair et de ses plaisirs. "Le monde entier est un théâtre", dit le personnage de Jacques : Shakespeare offre ainsi aux spectateurs et aux acteurs une variation joyeuse sur les jeux de l'amour, reflétant le théâtre de nos désirs. La traduction que Pascal Collin a établie pour la création de Cendre Chassanne restitue toute l'ambiguïté, la charge érotique et la liberté des situations et du langage, pour réaffirmer que, en 1599 comme aujourd'hui, "la chair n'est pas triste".
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" Il faut peupler le monde ! ". Le cri de Bénédict, célibataire endurci pris au piège de l'amour, énonce aussi la loi du genre comique : croître, multiplier, fonder le nouvel ordre d'une société vieillissante. Mais l'itinéraire est périlleux qui va de la rencontre au mariage. D'ordinaire, ce sont les vieillards qui résistent, contrariant la ferveur et la hâte du jeune sang qui bouillonne. Pas ici. Dans Beaucoup de bruit pour rien, c'est la jeunesse qui se rebiffe : peur du qu'en dira-t-on, de la rumeur, de la tromperie. Peur de l'amour, aussi. Alors on fait la guerre à l'Autre. Au lieu de le courtiser avec sonnets et billets doux, on l'assassine d'un bon mot. Les flèches du bel esprit contre celles de Cupidon. Guerre contre guerre. Pour que le monde tourne et se peuple, les pères en sont réduits à arranger les mariages, quitte à échafauder des fictions amoureuses auxquelles se laisseront prendre les réfractaires du sentiment. Montrer, dans le miroir déformant d'une chimère, la virago en amoureuse ; transformer, par la magie d'une perspective sciemment déformée, le célibataire endurci en chevalier servant, suffira-t-il à faire tomber les réticences des partenaires qu'on leur destine ? Avec Beaucoup de bruit pour rien, l'amour se fait théâtre. Pour notre grand, notre immense plaisir.
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Le duc de vienne, parti en voyage, a confié la régence au plus digne, le seigneur angelo.
Ce magistrat honnête tombe le masque et va se comporter en abominable tyran, exhumant une loi absurde tombée en désuétude : le seigneur claudio est condamné à mort pour avoir forniqué avec sa fiancée hors des liens du mariage. devenu amoureux de la novice isabella, soeur de claudio, il lui promet de gracier son frère si elle lui cède son corps. harcelée par claudio, elle y consent, mais le " retour " du duc, caché à la cour sous des habits de moine, confondra le régent.
Comme le remarque justement anny crunelle-vanrigh dans son analyse, le duc, autant que shakespeare, " invente " angelo. il le pousse sous les projecteurs, ouvre pour lui une scène sur la scène, et devient spectateur de l'expérience. (. ) il épie la rencontre entre claudio et isabella. (. ) son intervention consiste à réécrire en comédie la tragédie qui s'annonçait. (. ) on bouscule le jeu des forces tragiques en inventant de nouveaux personnages.
Mariana surgit du capuchon du moine, tel un " corpus ex machina " pour défaire le noeud de l'intrigue. cette autre histoire remplace et annule la première. (. ) effacement magique et magie du jeu. dans le théâtre du moine, comme dans tout théâtre, tout est feint, la souffrance et la mort. claudio est mort mais toujours vivant, isabella déflorée mais encore vierge, mariana délaissée mais épousée. (. ) c'est la victoire du jeu.
Alors, de quoi donc parle mesure pour mesure ? : morale, politique, religion ? non, d'abord de théâtre. et donc aussi, par conséquent, de morale et de politique. cette pièce, qui fascine tant les metteurs en scène (lugné-p?, brook, zadek, braunschweig, nichet) par sa noirceur festive, est considérée comme la plus sombre des comédies de shakespeare. avec la nouvelle traduction de jean-michel déprats qui fait apparaître enfin toute la finesse des jeux de langages et des mots d'esprit, elle devient aussi, sans aucun doute, une des plus brillantes.
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Noble Orsino, Vous me donnez des noms que je refuse, Je n'ai rien d'un voleur ou d'un pirate Même si, je l'avoue, je l'ai prouvé, Je fus votre ennemi. Si je suis là, C'est attiré par un pouvoir magique :
Cet ingrat, ce garçon à vos côtés, De la bouche écumante des tempêtes Je l'ai sauvé ; il n'avait plus d'espoir ;
En lui rendant la vie, c'est mon amour Que je lui ai offert, sans restriction, En me vouant à lui.
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