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Poésie
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Antonio Porchia, passionné de langage, fit souvent un va-et-vient entre les voix de l'abandon, de la solitude, et celles de la communication et de l'édition définitive. Cette hésitation fit que l'édition dernière ne fut jamais réellement la dernière, mais impliquait une démarche de Tantale, propre à l'auteur, reconnaissant le parfait inachèvement, et vice-versa. Voix "définitives" par décision éditoriale, et voix abandonnées - jamais totalement - par l'auteur. Les premières présentaient-elles une formulation meilleure, mieux aboutie, tandis que les autres n'auraient été que tentatives avortées ? Embarqué dans l'aventure infinie du langage, Porchia ne put jamais en décider. Aussi assistons-nous à l'accomplissement de la tâche, obsessionnelle, fondamentale, qui consista pour Porchia à reprendre et corriger sans cesse les Voix que ne recueillit pas la dernière édition. La recherche se révèle parfois dans le simple choix d'une virgule ou d'un point qui tour à tour apparaissent ou disparaissent, dans l'élimination de points de suspension révélant, selon Porchia, la nuance affective ou le sentiment d'impuissance devant la parole qui exprime, en fait, si peu de chose.
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" Les pensées de ce volume vont beaucoup plus loin que le texte écrit ; elles ne sont pas un aboutissement mais un commencement. Elles ne cherchent pas à produire un effet. Nous pouvons présumer que l'auteur les a écrites pour lui-même sans savoir qu'il traçait pour les autres l'image d'un homme solitaire, lucide et conscient du singulier mystère de chaque instant. " Jorge Luis Borges " Je crois que Porchia est sur la ligne fondamentale où se rejoignent la pensée et l'image, la poésie et la philosophie, dont la séparation artificielle constitue peut-être un de nos plus grands lests. " Roberto Juarroz Les Voix d'Antonio Porchia, dont nous publions ici une sélection, sont une oeuvre doublement unique : unique en ses genre, composition et histoire, mais aussi l'unique livre de leur auteur, qui fut diffusé " en secret " (à une époque qui ne disposait pas des facilités de communication actuelles) - et vénéré - avant même d'avoir été publié ! Nombreux sont les lecteurs, dans le monde entier, qui thésaurisent cette livraison comme un très grand privilège, un de ces cadeaux qui n'arrivent qu'une seule fois dans la vie. Avec ces Voix, le geste " rare " - dans tous les sens du terme - d'élaboration poétique, traduit en acte de donner, de partager, peut très bien être entendu dans toutes ses acceptions, y compris initiatique.
"Mon livre, Voix, est quasiment une biographie. Qui est quasiment à tout le monde." disait Antonio Porchia, qui ajoutait humblement : "Je suis si peu en moi. " - peut-être parce qu'il était toujours en quelqu'un : seul ce qui est secret de cette façon peut dévoiler les autres secrets et - c'est là la clé - les unir entre eux : "La poésie unit, relie ; quand nous sommes, nous sommes des unions." Roger Caillois, qui a découvert l'oeuvre de Porchia dans l'Argentine des années 1940, qui l'a traduite et publiée en France, raconte : " J'ai trouvé l'oeuvre de Porchia à Buenos Aires [.]. Tout à coup, j'ai vu un livre très humble, et je ne sais quelle force fit que je m'arrêtai et commençai à l'examiner. Je ne voulais pas y croire, et je ne pus m'arrêter avant d'avoir fini de le lire. Après, j'ai essayé se savoir qui en était l'auteur; personne ne le connaissait, mais je l'ai rencontré. Et j'ai dit à Porchia : "J'échangerais contre ces lignes tout ce que j'ai écrit". "
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Voici réunies, pour la première fois en édition française intégrale, les Voix d'Antonio Porchia, cette oeuvre exceptionnelle d'un "écrivain secret", au parcours éditorial atypique, dont Roger Caillois, son premier traducteur, a dit, lorsqu'il l'a découverte en Argentine dans les années 1940 : J'échangerais contre ces lignes tout ce que j'ai écrit.
Ni aphorismes ni hallucinations ou visions mystiques, ces phrases donnent à entendre l'échange incessant qu'entretient avec lui-même un être "en disponibilité de penser" - "un homme solitaire, lucide et conscient du singulier mystère de chaque instant", comme le décrivait Borges.
Et Roberto Juarroz : "Je crois que Porchia est sur la ligne fondamentale où se rejoignent la pensée et l'image, la poésie et la philosophie, dont la séparation artificielle constitue peut-être un de nos plus grands lests."