L'homéopathie trône dans les vitrines des pharmacies et côtoie dans nos foyers les vrais médicaments, des publicités en vantent les bienfaits, des politiciens, des sportifs, des célébrités la défendent avec ardeur. Des médecins la célèbrent. Présente depuis plus de deux cents ans, utilisée par des millions de gens, elle semble aller de soi. Mais la connaissez-vous vraiment?? Comment a-t-elle été inventée?? Sur quels principes théoriques repose-t-elle?? Comment les célèbres granules sont-ils fabriqués?? Comment mesure-t-on leur efficacité?? Que dit la science de ses effets revendiqués?? Comment les homéopathes répondent-ils aux critiques?? Comment les médias traitent-ils le sujet?? Que disent les autorités de santé de cette pratique aux relents idéologiques des plus détestables qui pourtant se veut une panacée parée de toutes les vertus?? Ne pas savoir répondre à ces questions, c'est ne rien savoir sur l'homéopathie. Thomas C. Durand explore dans ce livre les arcanes nébuleux d'une industrie prospère et d'un mode de pensée inquiétant.
Le physicien et philosophe Mario Bunge a attendu 2015 et sa 96e année pour rédiger ses mémoires. C'est dire si la fresque qu'il nous propose ici est riche en idées, en événements (emprisonnement, exil, échecs et succès, honneurs et adversité), en prises de position, en troubles de l'Histoire, en jaillissements de savoirs, en ferments pour un matérialisme du XXIe?siècle. L'" entre deux mondes " que le titre évoque se comprend de multiples façons.
Bien sûr, d'abord par la position singulière de Mario Bunge, aussi scientifique que philosophe, véritablement à l'interface de ces deux mondes savants. Savoirs scientifiques et culture humaniste sont liés et Bunge voyage d'un monde à l'autre, sans se soucier d'une dichotomie courante qui contribue à un inutile conflit des savoirs. C'est aussi un entre-deux-mondes géographique et social : une première vie en Amérique du Sud, puis le départ définitif pour l'Amérique du Nord.
Une telle autobiographie se doit de revenir sur les aspérités de la vie comme sur ses bonheurs, tout comme elle doit tracer les trajectoires des rencontres avec des centaines d'éminents savants, amis ou adversaires. Avec une franchise inhabituelle dans ces milieux feutrés, au détour des pages fusent les concepts, les théories, les leçons pour les temps présents, les appels à la raison, les mises en garde contre les obscurantismes et les vaines promesses.
Encore des entre-deux-mondes... L'auteur nous convie à l'exposé d'une vie de travaux incessants dans presque tous les grands domaines savants, permettant ainsi aux lecteurs francophones d'aborder les rives d'un vaste continent de connaissances, alors qu'il existe très peu de livres de Bunge en français, moins encore de biographie... Et si l'on adhère à ses idées, à sa démarche, à sa méthode, à son humour parfois cinglant, c'est avec un plaisir rare que l'on peut se sentir appartenir à une sorte de confrérie, celle des amoureux de la pensée rationaliste et humaniste, et de son partage.
Voulez-vous savoir la vraie signification du «?S?» sur le torse de Superman?? Comprendre la véritable origine de Spiderman?? Avoir une idée plus précise de la différence entre les X-Men et les Avengers?? De la psychanalyse de Hulk à la recherche de la super-héroïne au féminin, en passant par la comparaison des mouvements de Spiderman et Daredevil au sommet des buildings de Manhattan, ce livre aborde de manière à la fois ludique et sérieuse la mythologie contemporaine des super-héros. Parce qu'ils sont désormais devenus d'incontournables icônes culturelles, autant au cinéma que dans les comic books et nos objets quotidiens, Superman, Batman, Spiderman, Wolverine et tant d'autres suscitent des questionnements inédits. Qui sont les super-héros?? Que nous dit l'imaginaire des super-héros sur nous-mêmes?? Comment fonctionne cet univers multiforme et coloré??
Dans Le Coeur et la Machine, Emmanuel Pasquier utilise les outils de la philosophie, de l'anthropologie et de la psychanalyse pour proposer une lecture originale de l'univers des super-héros, lesquels ne sont pas des personnages isolés, mais prennent sens dans un système de différenciation qui permet de comprendre la logique de leur production. Inscrits dans un univers sériel où, aventures après aventures, se joue la répétition compulsive de l'origine et de la mise à mort, ils ne cessent d'être mis en danger et de perdre leur identité. La «?machine?», c'est la machine de production en série de personnages et d'aventures. Mais c'est aussi la surpuissance qui habite le corps des super-héros et risque à chaque instant de s'emballer et de les déborder jusqu'à la destruction et au non-sens. Le «?coeur?», c'est ce qui ramène la machine à la mesure. C'est ce qui permet de redonner sens à la narration éclatée, pour que le «?super-?» du super-héros ne l'empêche pas de rester un héros.
Voir une tache rouge, éprouver une douleur soudaine à l'épaule, sentir l'odeur du café, entendre le son d'une trompette?: voilà des exemples typiques de ce qu'on appelle des «expériences conscientes». Ces expériences conscientes intéressent les philosophes de l'esprit depuis longtemps, notamment car elles semblent poser un problème fondamental à la conception matérialiste du monde. Il semble en effet extrêmement difficile de comprendre comment une expérience consciente - un vécu subjectif, qualitatif, éprouvé en première personne - peut provenir du fonctionnement du cerveau - un système certes complexe, mais purement matériel. Les expériences conscientes semblent tout simplement distinctes des processus purement matériels, et mettent donc en péril le matérialisme. Face à cette difficulté, de nombreux philosophes matérialistes optent pour une stratégie épistémique?: ils affirment qu'il n'existe rien d'autre que de la matière et que, si le matérialisme concernant l'esprit nous semble faux, nos intuitions antimatérialistes peuvent être elles-mêmes entièrement expliquées dans un cadre purement matérialiste.
Cet ouvrage poursuit un triple projet. Premièrement, il entreprend d'exposer le problème de l'expérience consciente pour le matérialisme, tel qu'il se pose dans la philosophie contemporaine depuis une quarantaine d'années. Deuxièmement, il présente et critique diverses tentatives philosophiques récentes pour défendre le matérialisme en poursuivant la stratégie épistémique. Troisièmement, il avance une théorie originale visant à l'explication de nos intuitions antimatérialistes dans un cadre matérialiste, poursuivant ainsi la stratégie épistémique de défense du matérialisme.
La conclusion de cet ouvrage est radicale?: la manière la plus satisfaisante de défendre le matérialisme, et d'expliquer nos intuitions antimatérialistes dans un cadre matérialiste, conduit à l'illusionnisme concernant la conscience. Dans cette conception, les expériences conscientes, en un certain sens, n'existent pas, mais semblent simplement exister. Nous n'avons jamais d'expériences visuelles de taches rouges, ou d'expériences de douleur soudaine à l'épaule, même s'il nous semble parfois les avoir. La conscience n'est qu'une illusion introspective. Cette illusion de conscience, ainsi que le fait crucial que cette dernière soit si difficile à nous représenter comme telle (de sorte qu'à proprement parler l'idée que la conscience soit illusoire nous frappe inévitablement comme incohérente et «absurde»), sont expliqués dans un cadre purement matérialiste.
Cet ouvrage présente un panorama des diverses manières d'expérimenter dans des disciplines appartenant aussi bien aux sciences de la nature (physique, chimie, biologie, etc.) qu'aux sciences sociales et humaines (psychologie, économie, sociologie, etc.) ou au statut mixte ou incertain comme la médecine, les sciences de gestion et l'archéologie. Comblant un vide important, les contributions réunies ici permettent de penser la spécificité de l'expérimentation dans la diversité des pratiques scientifiques portant sur des objets de natures très différentes. L'expression «méthode scientifique» n'acquiert en effet un sens opérationnel précis qu'en fonction de la nature des objets soumis à l'investigation. De quelles manières et à quel titre l'expérimentation fournit-elle des preuves ou des éléments de preuve sur des objets spécifiques et aussi différents qu'une étoile, une cellule, un organe du corps humain ou une émeute sociale? Les réponses à des questions de ce genre permettent, croyons-nous, d'identifier le socle commun de l'expérimentation dans les différentes sciences tout en soulignant les limites d'une conception simpliste, mais encore courante, selon laquelle il n'y aurait qu'une façon de faire preuve, quelles que soient les particularités de l'objet sous enquête.
Dans ce dictionnaire hors normes, conçu dans une perspective humaniste et scientifique, ontologie, épistémologie, méthodologie sont les domaines privilégiés par Mario Bunge. Si des entrées proposent un jubilatoire tir aux pigeons conceptuel(s) - loin de l'austérité érigée en canon du savoir -, d'autres exposent certaines des idées les plus constantes et fructueuses que l'auteur a développées durant des décennies, au point qu'il n'est pas exagéré de voir cet ouvrage comme un pan majeur de l'édifice bungéen, à savoir le matérialisme émergentiste qu'il a systématisé dans les huit volumes de son Treatise on Basic Philosophy (1974-1989). Ce dictionnaire, souvent insolent et subversif, n'est donc pas un banal exercice standardisé de compilation de définitions usuelles et consensuelles? mais un exercice de référence plutôt que de déférence. La pléthorique philosophie que Bunge désigne par le terme d'«?industrie de la philosophie?» est ici bousculée avec un allant qui nous fait sortir de la torpeur du conformisme de ce magasin de porcelaine, où les concepts déposés sur des étagères sont délicatement époussetés depuis des lustres par des coupeurs de cheveux philosophiques en quatre. Alors quand un éléphant - dont on sait qu'il est doué d'une intelligence et d'une mémoire peu communes - pénètre ce cocon, les bris de mots sont à redouter si l'on est à la recherche d'un énième manuel de bachotage, au contraire à espérer si l'on demande à la philosophie d'autres fruits que ceux de la ratiocination stérile ou du psittacisme de concours. Dès lors, lectrices, lecteurs, ce dictionnaire roboratif est pour vous. Comment mieux résumer en si peu de place la perspective de Bunge ici, sinon en reprenant une partie de sa définition de la passion?: «?Le complément de la raison. Ce qui alimente la raison ou ce qui la fait vaciller. Il n'y a pas de grande entreprise sans la passion et rien de bien ne se fait avec la passion seule.?»
Cavanna, pilier de Hara-Kiri et de Charlie Hebdo, bien connu pour ses romans qui nous ont ému et fait rire, ses pastiches, ses chroniques, etc., où se mêlaient sa truculence, son art du verbe, ses engouements et ses colères. Cavanna avait en horreur les injustices, chérissait la langue française par laquelle, lui le Rital, était devenu un écrivain réputé. Moins connu, son immense intérêt pour les sciences en général, la biologie en particulier?: l'écologie et la paléontologie - pas l'étude de ce pâle Léon mais bel et bien celle des êtres vivants disparus au cours des âges géologiques. C'est la rencontre puis la fréquentation au long cours avec le paléontologue et évolutionniste Pascal Tassy qui nous sont narrées ici. Ce livre est le témoignage de ce dernier, lecteur adolescent de Hara-Kiri, puis l'ami et le guide du Cavanna féru de sciences et humaniste absolu. Le dernier tiers de ce livre est constitué d'un inédit, un dialogue Cavanna-Tassy sur l'évolution, prélude à un ouvrage que les féroces mâchoires du temps empêchèrent de voir le jour...
Ils ne sont pas victimes d'un rapport de forces politiques ou social qui leur lierait les mains, mais ils sont d'abord prisonniers de leurs propres croyances, autant d'entraves à l'extinction réelle des inégalités économiques.
Ces croyances forment une idéologie, propre à tous ceux tenaillés par un malaise à l'égard des souffrances d'autrui dues aux inégalités économiques. Elle est nommée ici l'idéologie hollandaise pour montrer que depuis le célèbre texte de Marx jusqu'à ce président falot, nous sommes tous renvoyés à notre propre impuissance, quelles que soient nos appartenances. Nous sommes tous des hollandais, malgré nous ou non, jusqu'à ce que nous parvenions à réduire effectivement les inégalités.
La première de ces croyances consiste à penser qu'une certitude dans l'action est indispensable pour réussir à changer les choses. La seconde tient dans la croyance qu'un « marché » existerait en dehors du langage. La troisième réside dans l'idée que l'égoïsme et l'altruisme seraient des choses réelles. La quatrième est qu'il y aurait quelque vertu incontournable dans l'inégalité économique. La dernière repose sur la thèse que le changement pour vaincre les inégalités sera nécessairement douloureux.
Toutes ces chimères mentales, diversement intériorisées par les individus désireux d'en finir avec les inégalités économiques, nous empêchent d'accéder à un art de la transformation éthique du monde. Ce livre a pour but de décomposer ces croyances et d'en extraire une approche nouvelle pour agir contre la persistance des inégalités.
Une étude combinant l'épistémologie, la didactique des sciences et certaines démarches pratiques d'enseignement dans les classes du primaire et du secondaire. Après avoir souligné l'intérêt de la philosophie des sciences pour la transmission du savoir scientifique, l'auteur explore les moyens et les méthodes permettant de renouveler les approches pédagogiques classiques en la matière.
Depuis la lecture que Leo Strauss a proposée en 1953 (Droit naturel et histoire), nombre d'études consacrées à Hobbes ont mis entre parenthèses l'idée qu'il serait matérialiste d'un point de vue ontologique : tout ce qu'on peut dire, selon cette lecture, c'est que chaque objet se représente, pour Hobbes, sous la forme d'un corps, et la pensée hobbesienne de la nature, de l'homme, de la politique, de la religion et de l'histoire ne requerrait aucune présupposition ontologique.
En dépit des inconvénients d'une telle lecture, elle semble avoir résisté aux diverses corrections et critiques dont elle a depuis fait l'objet. Pourquoi éprouve-t-on le besoin de lire Hobbes sans le matérialisme ? Ou, inversement pourquoi persiste-t-on aussi à vouloir parler de matérialisme de Hobbes alors que le concept est absent de l'oeuvre ? Il fallait donc revenir sur cette question et ce qu'elle engage dans la compréhension de Hobbes (les diverses parties de sa pensée et son unité).
Plus largement, interroger le matérialisme de Hobbes implique d'interroger le sens du matérialisme lui-même. Il ne s'agit donc pas seulement de demander si Hobbes recèle ce que nous attendons d'un matérialisme, mais aussi de voir en quoi la lecture de Hobbes conduit à problématiser ce concept. Pour toutes ces raisons, il valait la peine de revenir sur les rapports entre Hobbes et le matérialisme.
«?Qu'est-ce que la science... pour vous???».
Telle est la question posée ici à des scientifiques, des philosophes, des historiens des sciences, des médiateurs et amateurs de sciences.
Simple question certes, mais pas une question simple... Où est la vraie difficulté?? Définir la science ou accepter de se confier, loin du surplomb procuré par les piédestaux académiques?? C'est pourquoi les 50 auteurs de ce tome 1 apportent des réponses variées, contrastées, éclectiques, que l'on peut décrire selon un gradient allant des textes les plus intimes et personnels à ceux qui observent scrupuleusement les codes de la prose universitaire. C'est qu'il n'est pas aisé de se dévoiler quand on aborde cette question essentielle, laquelle permet de délimiter un domaine majeur de la connaissance, aussi vaste et varié soit-il.
Les réponses sont brèves - quelques pages - afin de condenser ce que les auteurs pensent parfois depuis des décennies. La concision demandée est presque à voir comme une contrainte oulipienne. Ainsi, les lecteurs peuvent lire une quintessence de points de vue, un instantané de pensée, la part sensible, parfois, des membres de cet informel aréopage.
Face à la diversité et à la complexification des modes de formalisation, une épistémologie des méthodes scientifiques doit confronter directement ses analyses à une pluralité d'études de cas comparatives. C'est l'objectif de cet ouvrage.
Aussi, dans une première partie, propose-t-il d'abord une classification large et raisonnée des différentes fonctions de connaissance des théories, des modèles et des simulations (de fait, cette partie constitue un panorama d'épistémologie générale particulièrement poussé). C'est ensuite à la lumière de cette classification que les deux parties centrales analysent et distinguent les assises conceptuelles et épistémologiques des principaux types de formalisation en géographie avant et après l'ordinateur (théories des localisations, modèles gravitaires, loi rang-taille). En employant toujours la même méthode analytique et comparative, la dernière partie se concentre sur l'explication épistémologique des trois révolutions computationnelles récentes?: l'analyse des données, la présentation des données et enfin l'analyse par simulation computationnelle.
Au travers de cette enquête approfondie, la géographie apparaît non seulement comme une discipline carrefour, ayant pour cela donné des exemples de presque tous les types de modèles scientifiques, mais aussi comme une science innovante en termes épistémologiques. Car ce qui a d'abord été pour elle un frein à la formalisation -- sa sensibilité au caractère multifactoriel comme à la dimension irréductiblement spatiale des phénomènes sociaux - et qui l'obligea longtemps à inféoder ses théories et modèles à des disciplines plus aisément formalisables comme la géomorphologie, l'économie, la sociologie, la démographie, ou bien encore la thermodynamique et la théorie des systèmes, devient aujourd'hui un atout dès lors que, parmi les sciences humaines et sociales, elle peut développer une épistémologie non seulement pluraliste mais aussi combinatoire et intégrative.
Comment nous est venue la notion de l'univers infini?? Quelle place ce concept et le combat qu'il déclencha tiennent-ils dans la formation de notre modernité, dans l'avènement du mouvement des Lumières, entendu comme la dissolution des obscurantismes religieux?? Ces questions conduisent à Giordano Bruno, le philosophe voyageur qui refusa d'abjurer et défendit, jusqu'au bûcher, à Rome en 1600, l'idée d'un ciel peuplé d'innombrables soleils entourés de planètes, brisant dans une même démarche pugnace les sphères de Ptolémée, les carcans dogmatiques des religions et la morgue des pédanteries régnantes. Ce citoyen du monde mit en question tout ce qui paraissait acquis et combattit les superstitions, les affabulations chrétiennes, les bigots, les pouvoirs de droit divin et leurs sbires en s'attirant les foudres inquisitoriales de trois cultes.
Cet essai rend hommage à celui qui, avant Galilée, fut l'un des premiers «?cosmologues?» modernes. Il retrace sa vie errante et mouvementée à travers l'Europe pour la défense de ses pensées complexes et considérables. Il rend évidente l'influence de celles-ci durant le XVIIe?siècle, dans les recherches de Kepler, Galilée, Newton, mais aussi dans les débats philosophiques avec Descartes, Pascal, Spinoza et les libertins érudits qui annoncent les Lumières. Son oeuvre ne concerne pas seulement la matière, le ciel et ses infinis, elle interroge l'existence humaine, l'expression poétique, la religion, la philosophie, le langage, l'esprit de tolérance...
Écrit comme un roman et un grand reportage, ce panorama permet de saisir l'origine des idées de notre système du monde et de notre place en son sein, que de nouveaux obscurantistes veulent mettre en pièces. Cette fresque aux élans philosophiques, empreinte d'un humanisme intense, écrite avec l'encre fastueuse de cette époque au verbe coruscant, est marquée du sceau de l'admiration de Jean Rocchi pour le Nolain et de la tristesse que son sort funeste lui inspire. Une leçon pour les temps présents...
Aldo Haesler tente ici de donner une nouvelle explication de la genèse et de la dynamique particulière de la modernité. Son avènement ne serait pas tant dû à la science nouvelle, à la philosophie moderne ni même à l'économie capitaliste, mais tiendrait essentiellement à une nouvelle manière de concevoir les relations humaines. De jeu à somme nulle (un gagnant et un perdant), la relation est devenue jeu à somme positive (toutes les parties gagnent)?; de réseau d'endettement, elle est devenue une source d'effervescence et d'émulation réciproques. Là est le socle commun des explications classiques de la modernité, de Marx et Weber jusqu'aux plus récentes. Ces jeux qui structurent tous nos rapports à autrui, au monde et à nous-mêmes, le font au moyen de médias de communication qui, dans les sociétés non modernes, sont de l'ordre du pouvoir, de la croyance, mais aussi de la beauté et de la justice, alors qu'avec le développement de la modernité, c'est l'argent qui s'est progressivement substitué à ces médias traditionnels. D'instrument de règlement partiel des dettes, l'argent est devenu médium généralisé, à la fois le maître-étalon d'un nombre de plus en plus grand de relations, et en même temps leur principe dynamique. En tant qu'étalon de toute mesure, l'argent tendra à libérer toutes les relations de leurs entraves traditionnelles?; mais, en même temps, il rendra invisibles ceux qui, dans un jeu à somme positive, devront en assumer les coûts. Car, dans un monde aux ressources limitées, le gain multiple se solde nécessairement par un tiers invisibilisé qui doit en endosser les conséquences. En tant que principe dynamique, l'argent s'émancipe peu à peu de son substrat matériel, ce qui rend sa circulation de plus en plus rapide et invasive. Il atteint aujourd'hui, sous sa forme électronique, son stade de perfection phénoménale. S'effaçant de nos seuils de conscience, il échappe à notre emprise réflexive. Sa libre prolifération fera des relations «?effervescentes?» le standard de toute relation et de la dette, un signe d'exclusion. Telle est la situation de la modernité dure qui concourt à faire de la modernité capitaliste contemporaine le régime socio-culturel le plus stable que l'humanité ait connu depuis ses origines. Mais la stabilité n'est pas, dans ce contexte, une vertu. Serait-ce le véritable défi de ceux qui souhaitent en sortir??
L'urgence et l'importance dramatiques de la question écologique n'ont d'égale que l'incertitude sur sa signification philosophique profonde. Plutôt donc que de partir du problème écologique radical auquel l'humanité devra se confronter durant les prochaines décennies, il s'agit de montrer que si la philosophie parvient à opérer une régression refondatrice depuis la brûlante «?question animale?» jusqu'à la question architectonique du sens et de sa crise (première partie), alors le philosopher peut se hisser à la hauteur des enjeux écologiques du siècle en se réinventant dans toutes ses dimensions, comprises désormais comme dimensions du sens lui-même. Mais cette pluridimensionnalité du sens ne pourra être pensée sans contradiction que si l'individu philosophant s'interroge dans le même temps sur ce qu'impliquait, à son insu, son propre rapport au faire-sens des significations - les mal nommées «?re-présentations?» (seconde partie).
Milieu de tous les milieux qui s'y laissent penser, le sens est alors le non-ob-jet d'une écologie philosophique fondamentale recevant ici le nom d'écologie humaine, expression vieille d'un siècle qui, pour la première fois, se met à désigner une méthode archiréflexive par laquelle l'individu philosophant parvient à déjouer le piège de son intention[n]alité en tant que structure d'oubli de sa propre non-originarité. En découlent une redéfinition des domaines épistémo-ontologique, politico-économique et pédagogico-axiologique de la philosophie et de leurs liens, mais aussi un humanisme décentré reconnaissant des droits à tout sujet sensitivo-émotif au moins. Car le droit n'est plus ici un «?système de la compatibilité des libres-arbitres?» qui serait axiologiquement fondé, mais il est le système de la compatibilité des besoins en souffrance, la responsabilité juridique reposant sur l'être-en-dette économique en tant que régime de normativité qui n'est ni ontologique ni axiologique. Telles sont les voies d'une future mais vitale réinvention sociale qui puisse aussi définir une Société de l'invention théorique et pratique.
Encyclopédiste, philosophe, romancier et auteur de théâtre, critique d'art, libertin ou encore révolutionnaire, Denis Diderot a été évoqué sous de multiples facettes. Mais existe-t-il un Diderot «médecin»??
Que Diderot ait écrit sur la médecine n'est un secret pour aucun lecteur attentif de son oeuvre. Depuis la traduction du Dictionnaire universel de médecine de Robert James, dans les années 1746 à 1748, jusqu'à la parution du Rêve de D'Alembert, en 1769, la pensée du philosophe s'enrichit au contact de l'univers scientifique et médical de son temps, sur lequel il porte une attention soutenue, éveillant en lui une curiosité toujours insatisfaite.
Si Diderot n'a jamais songé à devenir médecin, son oeuvre, à travers des figures imaginaires et réelles, à l'exemple du médecin Théophile de Bordeu, donne progressivement vie à un véritable «cabinet médical» au sein duquel Diderot confronte autant qu'il expérimente les effets des observations et des expériences médicales et physiologiques de son époque.
En empruntant à la médecine des concepts, en reprenant les conjectures issues des nombreuses observations et expériences rapportées dans les journaux de médecine, Diderot esquisse une anthropologie matérialiste?: les sources de la santé physique comme morale de l'Homme se logent au sein même de la matière, matière sensible, matière vivante. C'est ainsi que son «cabinet médical» participe à l'élaboration d'une philosophie matérialiste.
Théories, expériences, modélisations et controverses sont constitutives du développement des sciences de la nature, telles que la physique, la chimie, la biologie, ou la géologie. Cet ouvrage de philosophie défend le point de vue selon lequel l'étude de l'histoire des sciences est nécessaire pour les comprendre et pour reconnaître que les théories scientifiques sont à la fois toujours plus puissantes, mais aussi presque toutes éphémères. L'auteur soutient que des connaissances scientifiques nombreuses et de grande portée résultent de tels allers-retours, ce qui justifie pleinement la thèse du progrès scientifique.
Une partie du livre est consacrée aux relations existantes entre les sciences de la nature et les mathématiques - celles-ci sont d'une autre essence que les premières?: leurs objets sont immatériels et intemporels. Pour cette raison, l'étroite association entre la physique et les mathématiques, mais aussi désormais entre la biologie et les mathématiques ne peut pas annihiler la distinction de nature entre elles. Le monde des mathématiques et celui des sciences naturelles demeurent à jamais distincts.
Une idée centrale ici défendue est la suivante?: s'il y a bien progrès des connaissances scientifiques, il y a aussi et surtout accroissement de ce que les humains ignorent au sujet de la nature, de l'Univers et de la vie. Chaque découverte apporte plus de questions nouvelles que de réponses. En revanche l'intensité de notre dialogue avec la nature s'accroît spectaculairement grâce à l'activité scientifique.
L'auteur présente enfin des arguments pour soutenir que les sciences et les techniques sont deux réalités et deux genres d'activités fondamentalement distinctes?; Albert Einstein n'est pas plus responsable de la bombe à hydrogène, que Galilée de l'artillerie, ou Darwin de l'eugénisme.
Jacques Monod (1910-1976), ancien directeur de l'Institut Pasteur, prix Nobel en 1965 en compagnie de ses collègues François Jacob et André Lwoff, a été parmi les fondateurs de la biologie moléculaire. Il est aussi connu du grand public cultivé du fait du succès de son livre Le Hasard et la nécessité, publié en 1970. Dix ans auparavant, il rédigeait un autre livre, synthèse de ses recherches sur l'«?adaptation enzymatique?», une des voies expérimentales qui devait mener à l'élucidation des mécanismes de régulation de l'activité des gènes. Cet ouvrage, qu'il intitula Cybernétique enzymatique, ne fut finalement jamais publié et demeura dans un carton, d'abord dans son bureau, puis dans le service des archives de l'Institut Pasteur.
C'est ce texte inédit, bilan de plus d'une décennie de travaux à la paillasse souvent menés conjointement avec Melvin Cohn, qui forme l'essentiel du présent volume. Il est accompagné d'un appareil critique visant à éclairer ce qui se joue au moment où Jacques Monod, en étroite collaboration avec François Jacob, s'apprête à élaborer le modèle de l'opéron lactose.