«Qu'est-ce qu'une femme?» Cette question, énoncée par Simone de Beauvoir en 1949 dès l'ouverture du Deuxième sexe, se pose de façon aiguë près de soixante-quinze ans plus tard. Il s'agirait même d'un sujet particulièrement clivant. Dans l'actualité récente, la question s'est ainsi posée dans le milieu sportif comme dans un cadre militant, la polémique se cristallisant autour de la place faite (ou non) aux femmes transgenres parmi les sportives ou parmi les victimes de féminicides, interrogeant ainsi le processus de catégorisation homme/femme.
Ce processus fonctionne-t-il de la même façon dans les différents domaines disciplinaires? Qui le met en oeuvre, comment et pourquoi? Dans quels cadres, en convoquant quels critères, et à quelles fins? Quelle est l'utilité de ce processus de catégorisation homme/femme? Prenant à bras-le-corps ces questions, cet ouvrage propose un bilan des réponses contemporaines qui lui sont apportées selon les disciplines de recherche (médecine, histoire, philosophie, sociologie, droit, sciences de l'information et de la communication, socio-anthropologie, génétique, linguistique). C'est moins dans une perspective de déconstruction qu'il se situe, qu'à une croisée des chemins dont les implications scientifiques et politiques sont mesurées.
Voulez-vous savoir la vraie signification du «?S?» sur le torse de Superman?? Comprendre la véritable origine de Spiderman?? Avoir une idée plus précise de la différence entre les X-Men et les Avengers?? De la psychanalyse de Hulk à la recherche de la super-héroïne au féminin, en passant par la comparaison des mouvements de Spiderman et Daredevil au sommet des buildings de Manhattan, ce livre aborde de manière à la fois ludique et sérieuse la mythologie contemporaine des super-héros. Parce qu'ils sont désormais devenus d'incontournables icônes culturelles, autant au cinéma que dans les comic books et nos objets quotidiens, Superman, Batman, Spiderman, Wolverine et tant d'autres suscitent des questionnements inédits. Qui sont les super-héros?? Que nous dit l'imaginaire des super-héros sur nous-mêmes?? Comment fonctionne cet univers multiforme et coloré??
Dans Le Coeur et la Machine, Emmanuel Pasquier utilise les outils de la philosophie, de l'anthropologie et de la psychanalyse pour proposer une lecture originale de l'univers des super-héros, lesquels ne sont pas des personnages isolés, mais prennent sens dans un système de différenciation qui permet de comprendre la logique de leur production. Inscrits dans un univers sériel où, aventures après aventures, se joue la répétition compulsive de l'origine et de la mise à mort, ils ne cessent d'être mis en danger et de perdre leur identité. La «?machine?», c'est la machine de production en série de personnages et d'aventures. Mais c'est aussi la surpuissance qui habite le corps des super-héros et risque à chaque instant de s'emballer et de les déborder jusqu'à la destruction et au non-sens. Le «?coeur?», c'est ce qui ramène la machine à la mesure. C'est ce qui permet de redonner sens à la narration éclatée, pour que le «?super-?» du super-héros ne l'empêche pas de rester un héros.
Voir une tache rouge, éprouver une douleur soudaine à l'épaule, sentir l'odeur du café, entendre le son d'une trompette?: voilà des exemples typiques de ce qu'on appelle des «expériences conscientes». Ces expériences conscientes intéressent les philosophes de l'esprit depuis longtemps, notamment car elles semblent poser un problème fondamental à la conception matérialiste du monde. Il semble en effet extrêmement difficile de comprendre comment une expérience consciente - un vécu subjectif, qualitatif, éprouvé en première personne - peut provenir du fonctionnement du cerveau - un système certes complexe, mais purement matériel. Les expériences conscientes semblent tout simplement distinctes des processus purement matériels, et mettent donc en péril le matérialisme. Face à cette difficulté, de nombreux philosophes matérialistes optent pour une stratégie épistémique?: ils affirment qu'il n'existe rien d'autre que de la matière et que, si le matérialisme concernant l'esprit nous semble faux, nos intuitions antimatérialistes peuvent être elles-mêmes entièrement expliquées dans un cadre purement matérialiste.
Cet ouvrage poursuit un triple projet. Premièrement, il entreprend d'exposer le problème de l'expérience consciente pour le matérialisme, tel qu'il se pose dans la philosophie contemporaine depuis une quarantaine d'années. Deuxièmement, il présente et critique diverses tentatives philosophiques récentes pour défendre le matérialisme en poursuivant la stratégie épistémique. Troisièmement, il avance une théorie originale visant à l'explication de nos intuitions antimatérialistes dans un cadre matérialiste, poursuivant ainsi la stratégie épistémique de défense du matérialisme.
La conclusion de cet ouvrage est radicale?: la manière la plus satisfaisante de défendre le matérialisme, et d'expliquer nos intuitions antimatérialistes dans un cadre matérialiste, conduit à l'illusionnisme concernant la conscience. Dans cette conception, les expériences conscientes, en un certain sens, n'existent pas, mais semblent simplement exister. Nous n'avons jamais d'expériences visuelles de taches rouges, ou d'expériences de douleur soudaine à l'épaule, même s'il nous semble parfois les avoir. La conscience n'est qu'une illusion introspective. Cette illusion de conscience, ainsi que le fait crucial que cette dernière soit si difficile à nous représenter comme telle (de sorte qu'à proprement parler l'idée que la conscience soit illusoire nous frappe inévitablement comme incohérente et «absurde»), sont expliqués dans un cadre purement matérialiste.
Le physicien et philosophe Mario Bunge a attendu 2015 et sa 96e année pour rédiger ses mémoires. C'est dire si la fresque qu'il nous propose ici est riche en idées, en événements (emprisonnement, exil, échecs et succès, honneurs et adversité), en prises de position, en troubles de l'Histoire, en jaillissements de savoirs, en ferments pour un matérialisme du XXIe?siècle. L'" entre deux mondes " que le titre évoque se comprend de multiples façons.
Bien sûr, d'abord par la position singulière de Mario Bunge, aussi scientifique que philosophe, véritablement à l'interface de ces deux mondes savants. Savoirs scientifiques et culture humaniste sont liés et Bunge voyage d'un monde à l'autre, sans se soucier d'une dichotomie courante qui contribue à un inutile conflit des savoirs. C'est aussi un entre-deux-mondes géographique et social : une première vie en Amérique du Sud, puis le départ définitif pour l'Amérique du Nord.
Une telle autobiographie se doit de revenir sur les aspérités de la vie comme sur ses bonheurs, tout comme elle doit tracer les trajectoires des rencontres avec des centaines d'éminents savants, amis ou adversaires. Avec une franchise inhabituelle dans ces milieux feutrés, au détour des pages fusent les concepts, les théories, les leçons pour les temps présents, les appels à la raison, les mises en garde contre les obscurantismes et les vaines promesses.
Encore des entre-deux-mondes... L'auteur nous convie à l'exposé d'une vie de travaux incessants dans presque tous les grands domaines savants, permettant ainsi aux lecteurs francophones d'aborder les rives d'un vaste continent de connaissances, alors qu'il existe très peu de livres de Bunge en français, moins encore de biographie... Et si l'on adhère à ses idées, à sa démarche, à sa méthode, à son humour parfois cinglant, c'est avec un plaisir rare que l'on peut se sentir appartenir à une sorte de confrérie, celle des amoureux de la pensée rationaliste et humaniste, et de son partage.
Face à la diversité et à la complexification des modes de formalisation, une épistémologie des méthodes scientifiques doit confronter directement ses analyses à une pluralité d'études de cas comparatives. C'est l'objectif de cet ouvrage.
Aussi, dans une première partie, propose-t-il d'abord une classification large et raisonnée des différentes fonctions de connaissance des théories, des modèles et des simulations (de fait, cette partie constitue un panorama d'épistémologie générale particulièrement poussé). C'est ensuite à la lumière de cette classification que les deux parties centrales analysent et distinguent les assises conceptuelles et épistémologiques des principaux types de formalisation en géographie avant et après l'ordinateur (théories des localisations, modèles gravitaires, loi rang-taille). En employant toujours la même méthode analytique et comparative, la dernière partie se concentre sur l'explication épistémologique des trois révolutions computationnelles récentes?: l'analyse des données, la présentation des données et enfin l'analyse par simulation computationnelle.
Au travers de cette enquête approfondie, la géographie apparaît non seulement comme une discipline carrefour, ayant pour cela donné des exemples de presque tous les types de modèles scientifiques, mais aussi comme une science innovante en termes épistémologiques. Car ce qui a d'abord été pour elle un frein à la formalisation -- sa sensibilité au caractère multifactoriel comme à la dimension irréductiblement spatiale des phénomènes sociaux - et qui l'obligea longtemps à inféoder ses théories et modèles à des disciplines plus aisément formalisables comme la géomorphologie, l'économie, la sociologie, la démographie, ou bien encore la thermodynamique et la théorie des systèmes, devient aujourd'hui un atout dès lors que, parmi les sciences humaines et sociales, elle peut développer une épistémologie non seulement pluraliste mais aussi combinatoire et intégrative.
Comment nous est venue la notion de l'univers infini?? Quelle place ce concept et le combat qu'il déclencha tiennent-ils dans la formation de notre modernité, dans l'avènement du mouvement des Lumières, entendu comme la dissolution des obscurantismes religieux?? Ces questions conduisent à Giordano Bruno, le philosophe voyageur qui refusa d'abjurer et défendit, jusqu'au bûcher, à Rome en 1600, l'idée d'un ciel peuplé d'innombrables soleils entourés de planètes, brisant dans une même démarche pugnace les sphères de Ptolémée, les carcans dogmatiques des religions et la morgue des pédanteries régnantes. Ce citoyen du monde mit en question tout ce qui paraissait acquis et combattit les superstitions, les affabulations chrétiennes, les bigots, les pouvoirs de droit divin et leurs sbires en s'attirant les foudres inquisitoriales de trois cultes.
Cet essai rend hommage à celui qui, avant Galilée, fut l'un des premiers «?cosmologues?» modernes. Il retrace sa vie errante et mouvementée à travers l'Europe pour la défense de ses pensées complexes et considérables. Il rend évidente l'influence de celles-ci durant le XVIIe?siècle, dans les recherches de Kepler, Galilée, Newton, mais aussi dans les débats philosophiques avec Descartes, Pascal, Spinoza et les libertins érudits qui annoncent les Lumières. Son oeuvre ne concerne pas seulement la matière, le ciel et ses infinis, elle interroge l'existence humaine, l'expression poétique, la religion, la philosophie, le langage, l'esprit de tolérance...
Écrit comme un roman et un grand reportage, ce panorama permet de saisir l'origine des idées de notre système du monde et de notre place en son sein, que de nouveaux obscurantistes veulent mettre en pièces. Cette fresque aux élans philosophiques, empreinte d'un humanisme intense, écrite avec l'encre fastueuse de cette époque au verbe coruscant, est marquée du sceau de l'admiration de Jean Rocchi pour le Nolain et de la tristesse que son sort funeste lui inspire. Une leçon pour les temps présents...
Aldo Haesler tente ici de donner une nouvelle explication de la genèse et de la dynamique particulière de la modernité. Son avènement ne serait pas tant dû à la science nouvelle, à la philosophie moderne ni même à l'économie capitaliste, mais tiendrait essentiellement à une nouvelle manière de concevoir les relations humaines. De jeu à somme nulle (un gagnant et un perdant), la relation est devenue jeu à somme positive (toutes les parties gagnent)?; de réseau d'endettement, elle est devenue une source d'effervescence et d'émulation réciproques. Là est le socle commun des explications classiques de la modernité, de Marx et Weber jusqu'aux plus récentes. Ces jeux qui structurent tous nos rapports à autrui, au monde et à nous-mêmes, le font au moyen de médias de communication qui, dans les sociétés non modernes, sont de l'ordre du pouvoir, de la croyance, mais aussi de la beauté et de la justice, alors qu'avec le développement de la modernité, c'est l'argent qui s'est progressivement substitué à ces médias traditionnels. D'instrument de règlement partiel des dettes, l'argent est devenu médium généralisé, à la fois le maître-étalon d'un nombre de plus en plus grand de relations, et en même temps leur principe dynamique. En tant qu'étalon de toute mesure, l'argent tendra à libérer toutes les relations de leurs entraves traditionnelles?; mais, en même temps, il rendra invisibles ceux qui, dans un jeu à somme positive, devront en assumer les coûts. Car, dans un monde aux ressources limitées, le gain multiple se solde nécessairement par un tiers invisibilisé qui doit en endosser les conséquences. En tant que principe dynamique, l'argent s'émancipe peu à peu de son substrat matériel, ce qui rend sa circulation de plus en plus rapide et invasive. Il atteint aujourd'hui, sous sa forme électronique, son stade de perfection phénoménale. S'effaçant de nos seuils de conscience, il échappe à notre emprise réflexive. Sa libre prolifération fera des relations «?effervescentes?» le standard de toute relation et de la dette, un signe d'exclusion. Telle est la situation de la modernité dure qui concourt à faire de la modernité capitaliste contemporaine le régime socio-culturel le plus stable que l'humanité ait connu depuis ses origines. Mais la stabilité n'est pas, dans ce contexte, une vertu. Serait-ce le véritable défi de ceux qui souhaitent en sortir??
L'urgence et l'importance dramatiques de la question écologique n'ont d'égale que l'incertitude sur sa signification philosophique profonde. Plutôt donc que de partir du problème écologique radical auquel l'humanité devra se confronter durant les prochaines décennies, il s'agit de montrer que si la philosophie parvient à opérer une régression refondatrice depuis la brûlante «?question animale?» jusqu'à la question architectonique du sens et de sa crise (première partie), alors le philosopher peut se hisser à la hauteur des enjeux écologiques du siècle en se réinventant dans toutes ses dimensions, comprises désormais comme dimensions du sens lui-même. Mais cette pluridimensionnalité du sens ne pourra être pensée sans contradiction que si l'individu philosophant s'interroge dans le même temps sur ce qu'impliquait, à son insu, son propre rapport au faire-sens des significations - les mal nommées «?re-présentations?» (seconde partie).
Milieu de tous les milieux qui s'y laissent penser, le sens est alors le non-ob-jet d'une écologie philosophique fondamentale recevant ici le nom d'écologie humaine, expression vieille d'un siècle qui, pour la première fois, se met à désigner une méthode archiréflexive par laquelle l'individu philosophant parvient à déjouer le piège de son intention[n]alité en tant que structure d'oubli de sa propre non-originarité. En découlent une redéfinition des domaines épistémo-ontologique, politico-économique et pédagogico-axiologique de la philosophie et de leurs liens, mais aussi un humanisme décentré reconnaissant des droits à tout sujet sensitivo-émotif au moins. Car le droit n'est plus ici un «?système de la compatibilité des libres-arbitres?» qui serait axiologiquement fondé, mais il est le système de la compatibilité des besoins en souffrance, la responsabilité juridique reposant sur l'être-en-dette économique en tant que régime de normativité qui n'est ni ontologique ni axiologique. Telles sont les voies d'une future mais vitale réinvention sociale qui puisse aussi définir une Société de l'invention théorique et pratique.
Encyclopédiste, philosophe, romancier et auteur de théâtre, critique d'art, libertin ou encore révolutionnaire, Denis Diderot a été évoqué sous de multiples facettes. Mais existe-t-il un Diderot «médecin»??
Que Diderot ait écrit sur la médecine n'est un secret pour aucun lecteur attentif de son oeuvre. Depuis la traduction du Dictionnaire universel de médecine de Robert James, dans les années 1746 à 1748, jusqu'à la parution du Rêve de D'Alembert, en 1769, la pensée du philosophe s'enrichit au contact de l'univers scientifique et médical de son temps, sur lequel il porte une attention soutenue, éveillant en lui une curiosité toujours insatisfaite.
Si Diderot n'a jamais songé à devenir médecin, son oeuvre, à travers des figures imaginaires et réelles, à l'exemple du médecin Théophile de Bordeu, donne progressivement vie à un véritable «cabinet médical» au sein duquel Diderot confronte autant qu'il expérimente les effets des observations et des expériences médicales et physiologiques de son époque.
En empruntant à la médecine des concepts, en reprenant les conjectures issues des nombreuses observations et expériences rapportées dans les journaux de médecine, Diderot esquisse une anthropologie matérialiste?: les sources de la santé physique comme morale de l'Homme se logent au sein même de la matière, matière sensible, matière vivante. C'est ainsi que son «cabinet médical» participe à l'élaboration d'une philosophie matérialiste.
Ce livre dépeint une histoire sombre, celle de l'invention, de la prolifération et de l'utilisation des agents neurotoxiques, les armes chimiques les plus mortelles qui soient.L'Allemagne nazie a développé en premier des produits de qualité militaire à échelle industrielle (certes, sans pour autant les utiliser). À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont été étonnés de découvrir un programme de production aussi complet et avancé. L'Union soviétique et les puissances occidentales ont alors commencé une course à l'armement, amassant un énorme arsenal chimique.Depuis leur invention par les chimistes nazis jusqu'à l'attaque au Novitchok au Royaume-Uni contre Sergueï et Loulia Skripal, puis l'attentat relevant du terrorisme d'État de Poutine contre Alexeï Navalny, en passant notamment par les guerres d'Iran-Irak et en Syrie, Dan Kaszeta dévoile ici les arcanes de la mise au point, du développement et de la propagation des programmes d'agents neurotoxiques dans le monde. Malgré les efforts internationaux pour le contrôle de ce sinistre arsenal, leur présence aux mains de dictateurs bellicistes reste un sujet d'inquiétude majeur.
Nous communiquons avec le monde et avec les autres par la médiation du langage, des concepts et des mots. Nous dialoguons.Le dialogue s'instaure parce que nous sommes au monde, existons et sommes capables de communiquer avec lui. Ainsi s'expriment les conditions d'existence d'un dialogue avec le monde par lequel l'acte de connaître se comprend et la connaissance se construit. Une dialogabilité se joue. La connaissance humaine dépend des propriétés de sa genèse, celles du dialogue dont les conditions de possibilités constituent aussi des limitations.Ainsi s'affirme que l'acte de connaître qui engage perception, interprétation et observation produit une connaissance toujours partielle, partiale et parcellaire pour cause d'incomplétude, d'autoréférence et d'indétermination.Cet ancrage ternaire trouve une expression formalisée dans une ingénierie du dialogue avec le monde. Expression formalisée d'une pensée qui doit se penser par ses propres moyens, l'ergonomie d'exploration conceptuelle proposée est mobilisée pour l'étude des concepts fondamentaux associés à une lecture théorique de l'action. Les concepts de régulation, de règle ou bien encore de projet sont explorés dans leurs diverses saisies langagières indispensables à une compréhension de l'action collective comme régulation.Le jeu interprétatif qui permet de dialoguer avec le monde et avec les pairs ne conduit nullement au relativisme. Tout au contraire: une rigueur d'interprétation s'affirme dans un dialogue réglé et dès lors possiblement régulé.
Julien Offray de La Mettrie (1709-1751), en pleine emprise chrétienne, bravant dogmes et préjugés, eut l'audace de proclamer: Hommes, vous n'avez pas d'âme! Il entreprit de démontrer rationnellement la vérité de ce que les spiritualistes assimilent à un outrage ultime.Guy Chaussinand-Nogaret, dans son coruscant opuscule pour les temps présents, raconte à nos contemporains comment La Mettrie fut conspué, pourchassé, vilipendé, occulté souvent. Mais on le lira aussi, surtout, comme le récit d'une vie exhibant des vertus - le courage, l'audace, la persévérance - qui, à l'époque, conduit à la geôle, voire à la mort, dès lors qu'elles servent le dessein héroïque de renverser l'ancien régime des idées, donc d'exhausser le champ des possibles conceptuels en y revendiquant une pleine place pour le matérialisme et l'athéisme.La Mettrie est l'un des personnages les plus éloquents enfantés par le siècle des Lumières, pourtant riche en penseurs dont la hardiesse étonne encore aujourd'hui. Médecin et philosophe, faisant fi de l'indigence des connaissances alors disponibles, il élabore une théorie matérialiste fondée sur l'expérimentation de son propre corps et de ceux de ses patients. Il ne trouve qu'un complexe nerveux et conclut que l'âme n'est qu'un organe dont la perfection fait illusion. Les sensations et la pensée n'ont donc d'autre réalité que la matière elle-même et ses combinaisons.Dieu considéré comme un personnage fantastique dont le mystère flatte les imaginations, un matérialisme fondé sur l'observation d'une matière en constant mouvement, tels sont les principaux apports de La Mettrie aux élans de l'émancipation. Avec la prudence de celui qui doute raisonnablement, il reconnait que matérialisme et athéisme ne peuvent pas encore être démontrés par des arguments irréfutables mais restent les plus vraisemblables des hypothèses.Mort prématurément à 42 ans, La Mettrie a ouvert la voie d'une approche de la nature qui fonde aujourd'hui les progrès de la science et, loin des métaphysiques réactionnaires qui font encore florès, l'avenir de la philosophie.
Une étude combinant l'épistémologie, la didactique des sciences et certaines démarches pratiques d'enseignement dans les classes du primaire et du secondaire. Après avoir souligné l'intérêt de la philosophie des sciences pour la transmission du savoir scientifique, l'auteur explore les moyens et les méthodes permettant de renouveler les approches pédagogiques classiques en la matière.
Depuis la lecture que Leo Strauss a proposée en 1953 (Droit naturel et histoire), nombre d'études consacrées à Hobbes ont mis entre parenthèses l'idée qu'il serait matérialiste d'un point de vue ontologique : tout ce qu'on peut dire, selon cette lecture, c'est que chaque objet se représente, pour Hobbes, sous la forme d'un corps, et la pensée hobbesienne de la nature, de l'homme, de la politique, de la religion et de l'histoire ne requerrait aucune présupposition ontologique.
En dépit des inconvénients d'une telle lecture, elle semble avoir résisté aux diverses corrections et critiques dont elle a depuis fait l'objet. Pourquoi éprouve-t-on le besoin de lire Hobbes sans le matérialisme ? Ou, inversement pourquoi persiste-t-on aussi à vouloir parler de matérialisme de Hobbes alors que le concept est absent de l'oeuvre ? Il fallait donc revenir sur cette question et ce qu'elle engage dans la compréhension de Hobbes (les diverses parties de sa pensée et son unité).
Plus largement, interroger le matérialisme de Hobbes implique d'interroger le sens du matérialisme lui-même. Il ne s'agit donc pas seulement de demander si Hobbes recèle ce que nous attendons d'un matérialisme, mais aussi de voir en quoi la lecture de Hobbes conduit à problématiser ce concept. Pour toutes ces raisons, il valait la peine de revenir sur les rapports entre Hobbes et le matérialisme.
Diderot s'intéresse à l'humain depuis ses premiers écrits. Qu'il s'agisse de relativiser la place centrale que la religion lui donne, de renverser le dualisme âme/corps ou de penser l'histoire de l'espèce humaine, il développe des perspectives matérialistes stimulantes. Mais ces éléments ne s'organisent pas en une anthropologie systématique, car, même s'il pense leur cohérence, Diderot préfère déployer des pistes multiples nourries par les sciences de son temps. Les contributions de cet ouvrage s'intéressent à ces perspectives, qui nous conduisent de la chimie à l'économie politique en passant par l'histoire naturelle, la médecine, l'anatomie et la physiologie. Tout en examinant les horizons que chaque savoir offre, elles éclairent les liens qui se nouent entre eux pour dessiner une conception matérialiste complexe de l'humain.
Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) est une des figures les plus subversives du siècle des Lumières. Célèbre en son temps pour avoir défendu un monisme radical, qui lui valut nombre de critiques et de condamnations officielles, La Mettrie est l'un des premiers penseurs à se revendiquer matérialiste. Mais il fut aussi et d'abord un médecin, un auteur et un traducteur de nombreux ouvrages médicaux et scientifiques. Ses centres d'intérêt comprennent tous les champs environnant la médecine, notamment la physiologie, l'histoire naturelle, la chimie, les politiques publiques. La Mettrie fut encore un écrivain, sans doute sous-estimé, sachant allier attaques ad hominem, ironie et déplacements subtils dans une volonté toujours réaffirmée d'ébranler toutes les formes d'orthodoxie.
C'est à ces divers aspects, dont l'articulation n'est pas toujours aisée, que le présent ouvrage s'est intéressé. Il réunit des spécialistes de La Mettrie, de la philosophie du XVIIIe?siècle, de l'histoire des sciences et de la littérature.
Le philosophe et historien des sciences Jean Gayon (1949-2018) est une figure éminente de ces deux disciplines. Son champ d'étude privilégié?: la biologie, plus particulièrement la biologie de l'évolution. Au cours des trois dernières décennies, il a formé de nombreux chercheurs, notamment en encadrant des thèses souvent novatrices, et lancé une multitude d'initiatives de recherche qui ont permis à la philosophie de la biologie de prendre un essor sans pareil en France, grâce à des liens privilégiés avec les figures marquantes du domaine, oeuvrant à l'époque aux États-Unis et en Angleterre.
Les textes rassemblés ici rendent hommage à l'homme, à l'enseignant et au penseur qui a largement impulsé le renouveau de la philosophie de la biologie, par ses réflexions déterminantes sur la théorie de l'évolution, la génétique, le hasard, etc., objets et concepts repensés conjointement à la lumière de l'approche classique de l'«?épistémologie historique?» et de celle fondée sur la philosophie analytique. Collègues, élèves et amis, réunis lors de journées d'hommage en mars?2017 dont ce livre est issu, montrent à quel point Jean Gayon est un pilier essentiel de la nouvelle philosophie des sciences. Au fil de 26 chapitres, répartis en quatre parties («?Épistémologie historique et philosophe de la biologie?», «?Histoire de la génétique?», «?Études d'histoire et de philosophie de la biologie évolutive?: thèmes de Jean Gayon?», «?Regards sur Jean Gayon, historien et philosophe, enseignant et chercheur?»), ce livre témoigne de la présence et de la nécessaire postérité de l'oeuvre de Jean Gayon.
Sous la direction de?: Francesca Merlin, philosophe des sciences, chargée de recherche, Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS & Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Philippe Huneman, philosophe des sciences, directeur de recherche, Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS & Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Avec les contributions de?: Robert Brandon, Anastasios Brenner, Richard M. Burian, Gérard Chazal, Christine Clavien, David Depew, François Duchesneau, Anne Fagot-Largeault, Denis Forest, Élodie Giroux, Pierre-Henri Gouyon, Thierry Hoquet, Philippe Huneman, Denis Kambouchner, Laurent Loison, Françoise Longy, Jorge Martínez-Contreras, Francesca Merlin, Pierre-Olivier Méthot, Michel Morange, Thomas Pradeu, Armand de Ricqlès, Michael Ruse, Phillip Sloan, Edna Suárez Díaz, Stéphane Tirard, Michel Veuille.
Dans ce dictionnaire hors normes, conçu dans une perspective humaniste et scientifique, ontologie, épistémologie, méthodologie sont les domaines privilégiés par Mario Bunge. Si des entrées proposent un jubilatoire tir aux pigeons conceptuel(s) - loin de l'austérité érigée en canon du savoir -, d'autres exposent certaines des idées les plus constantes et fructueuses que l'auteur a développées durant des décennies, au point qu'il n'est pas exagéré de voir cet ouvrage comme un pan majeur de l'édifice bungéen, à savoir le matérialisme émergentiste qu'il a systématisé dans les huit volumes de son Treatise on Basic Philosophy (1974-1989). Ce dictionnaire, souvent insolent et subversif, n'est donc pas un banal exercice standardisé de compilation de définitions usuelles et consensuelles? mais un exercice de référence plutôt que de déférence. La pléthorique philosophie que Bunge désigne par le terme d'«?industrie de la philosophie?» est ici bousculée avec un allant qui nous fait sortir de la torpeur du conformisme de ce magasin de porcelaine, où les concepts déposés sur des étagères sont délicatement époussetés depuis des lustres par des coupeurs de cheveux philosophiques en quatre. Alors quand un éléphant - dont on sait qu'il est doué d'une intelligence et d'une mémoire peu communes - pénètre ce cocon, les bris de mots sont à redouter si l'on est à la recherche d'un énième manuel de bachotage, au contraire à espérer si l'on demande à la philosophie d'autres fruits que ceux de la ratiocination stérile ou du psittacisme de concours. Dès lors, lectrices, lecteurs, ce dictionnaire roboratif est pour vous. Comment mieux résumer en si peu de place la perspective de Bunge ici, sinon en reprenant une partie de sa définition de la passion?: «?Le complément de la raison. Ce qui alimente la raison ou ce qui la fait vaciller. Il n'y a pas de grande entreprise sans la passion et rien de bien ne se fait avec la passion seule.?»