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Le Coudrier
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Les thèmes de l'errance, de la nature, de la solitude consentie ornent ces poèmes d'une réflexion, quasi au jour le jour, sur le répons à l'autre, office bien moins aisé, puisque les mots ont cette liberté d'usage qui leur confère présence et tremplin. Ici, le souci de décrire par le menu la quotidienne présence des choses facilite sans doute l'empathie ressentie par le lecteur : chaude présence de «l'oiseau», de la femme désirée, de la «neige bleue», des saisons qui glacent ou émerveillent. Le «voyage immobile» a bien des charmes et la pluie des images concède au regard style et acuité, comme d'une vision qui anime ce qu'elle dévoile. «La nuit abrège» certains destins et les «sans-logis» ont leur place dans ces regards entremêlés sur un monde décidément à la dérive. On lit avec patience ces beaux poèmes d'amitié consentie ; on serre les mots levés au coin d'une page et on «échange» vraiment avec le doigté sensible de deux auteurs gagnés par l'intimisme vivifiant.
A déguster lentement comme un bon cru.
(Extrait de la préface de Philippe Leuckx)
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On ne saurait sonder la tristesse de la perte, la désertification que produit un deuil.
Ce recueil semble s'inscrire par le ton à la suite du précédent, également paru aux éditions Le Coudrier, « Le mendiant sans tain ». C'est avec le même talent que Philippe Leuckx traitait l'esseulement de l'errant frappé d'invisibilité et qu'il aborde à présent son propre sentiment de disparition dans l'arrachement à l'autre.
Le vide laissé magnifie la présence perdue et la lumière même semble opposer un mur infranchissable, comme noir le Lac de Lamartine.
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Domi Bergougnoux écrit sur la solitude, la souffrance, la peine, celles ressenties face à la souffrance psychique de son fils et à son internement si douloureux. Vague après vague se dissout le ciel, l'appelé en son for. Dentelles des bâts aux battements des cils, un coeur tremble au bord des vers sur des accents baudelairiens. On voudrait qu'en poésie germe d'une boue un rythme fertile, un ensemencement au huis clos des enfermements assommés de voix blanches. Entre le « Je », le tutoiement où se referme le « nous », fusionnel, l'asile se fait île, planche d'échouage qui stipule les naufrages. Ce n'est pas aux bateaux ivres chers aux voyants mais à des radeaux de la Méduse. Au banc des rameurs, à leur nage, le boulet où les corps s'enchaînent aux stupeurs. La vie n'est vraiment pas ici, forclose aux ailleurs sous la dictée des épouvantes. On a « mal à la vie », selon l'expression de l'autrice. - Jean-Michel Aubevert, extrait de la préface
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Le temps n'est que cela ce qui passe malgré en dépit de en vain et jamais l'air de rien et qu'on le considère le mesure il n'en fait pas moins qu'à sa tête de mule et se tasse dans les coins il s'étend il s'allonge il se saoule sur la scène de son propre théâtre tu crois le compter en songe le tenir un instant en sa vive demeure mais il n'est que cela et simultanément n'est pas comme l'eau versée au sol te renvoie ton image avant d'être bue sauvagement par le sable complice
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La poésie utilise ici les moyens de l'évocation, mais est aussi narrative et discursive. Elle germe au sein d'un texte qui semblait se présenter comme un essai ou une narration, et en constitue l'accomplissement. Poésie, essai, narration sont conjugués dans l'intention d'atteindre la plus grande intensité dans l'expression claire et précise de soi et du monde. Le désir de faire sens est mêlé à un sentiment inquiet de l'urgence d'écrire, et à un questionnement sur la littérature. Le lecteur entendra dans ces pages des échos aux oeuvres de Borges, de Paul Celan, de poètes contemporains, en vis-à-vis d'une réflexion sur une collection d'articles de physique théorique, ou sur des textes épigraphiques. C'est avant tout, et de bout en bout, la nécessité et la possibilité du sens qui sont interrogées dans ce livre. Du sens en tant qu'écrit, et que poème. Comment être contemporain sans être moderne ? Au risque de tomber dans la vieillerie littéraire, l'auteur prétend en relever le défi. L'éternité promise à l'Âme, les Immortels institutionnels en sont le leurre. Combien sont oubliés du public des lecteurs, poudroyés de naphtaline ? ... Il situe le commencement du dérèglement littéraire qui prélude à sa décadence au milieu du dix-neuvième siècle, juge de Rimbaud à l'aune des rimbaldiens, comme on peindrait le Christ en croisé à l'image des papistes. Dans les dernières lignes, il pointe son inquiétude : « Là est la question, précisément : qu'est-ce qui importe ? » On s'en voudrait de lui en refermer la porte. D'emblée, son ouvrage est filé d'écriture, en soi une aventure dont il a jeté le pont. c'est peut-être plus le questionnement que les certitudes qui nous rend personnellement humain. - Jean-Michel Aubevert, extrait de la préface
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Treize nouvelles, dédiées à toutes les femmes réelles ou imaginaires, et à ceux qui peuvent les aimer.
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Ce recueil de poèmes de Lucy Torrekens est le choix de l'amour. L'amour pour son époux qu'elle a connu dans la voluptueuse éclosion de ses quatorze ans et qu'elle a mené toute une vie dans la chaleureuse émotion des corps. ... Lucy Torrekens touche aux symboles, elle traverse le miroir pour mieux comprendre la douleur nue, à l'état pur. La douleur qui traverse des êtres faits de chair, de sang et d'os. La douleur envahissante, pénétrante jusqu'à la moelle.
Le mur infranchissable de plus jamais le regard, plus jamais les mains, plus jamais la danse folle des jours de fêtes.
Attirée par les ténèbres, son ombre, déjà, la recouvrait.
......
Mater Dolorosa, mère des douleurs, vous êtes au plus profond d'un gouffre.
Et l'horloge fait le même chemin, la même ronde toujours recommencée, elle tourne effaçant le temps, effaçant l'espoir. Prison du temps. Pas la moindre lueur d'évasion.
Un jour, elle marquera l'heure :
Alors, seulement alors, vous serez prête pour des retrouvailles.
On ne sort pas intact de Quand rôdent les loups ...
Extrait de la préface d'Anne-Marie Derèse
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Le bourdonnement de la lumiere entre les chardons
Donnay/Aubevert
- Le Coudrier
- 4 Juin 2019
- 9782930498836
Heures sombres de l'hiver quand la joie est perdue, il semble qu'à l'entame le recueil ne laisse place qu'à un deuil désespéré.
Reste à « interroger la lumière » quand elle a cessé de briller aux yeux. Pourtant, on sait des recours, des mots, des formules : «puiser dans l'intime», «renaître dans un regard», mais un souffle manque, qu'on demande au chant.
Reste que «le jour se lève sur des traces d'écriture». L'écriture demeure quoique tout s'inscrive dans le désir qu'un froid déchire.
L'effort des mots, la voix éteinte semble ne plus pouvoir le soutenir. L'absence crée un vide que creuse le souvenir d'une vie pleine magnifiée par la perte.
De ce tournoiement, ainsi que de désastres géologiques, se cristallisent les pépites. Le rappel se fait reflet en une évidence prismatique et jette des étincelles.
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Annie Préaux a toujours été pas-sionnée par le travail de la pierre, que ce soit celui des arts premiers ou les créations de l'homme qui partage sa vie.
La pierre, ses failles, sa peau brute, la forme plus ou moins élaborée, utilitaire ou artistique, qui lui est conférée par l'intention et l'art du tailleur ou du sculpteur.
La pierre, symbole de densité de la matière, de résistance, de perma-nence. Ses liens avec le cosmos, le temps long. La pierre qui peut être roc ou sable. La pierre noire, bleue ou blanche. Ou blonde.
La pierre, celle que nous portons en nous, taillée, brisée, trouée de lumière et qui «sait tout le vrai de l'être au monde».
Celle que nous polissons notre vie durant.
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« Rien ne se passe. Je me suis endormie contre Alice. Alice in Wonderland. Alice en bronze, souriante au détour d'une allée de Central Park. Je me réveille doucement. J'ai soif, il fait chaud. C'est un jour d'été. » Réveil au pied des tours verticales de Manhattan ? Vraiment ? Ou le petit bistrot bruxellois, dénommé le Central Park, tendrait-il sa terrasse d'été, sans nul doute propice à partager les instants surréalistes d'une quotidienneté insolite ? Car c'est bien dans une ambiance typiquement bruxelloise et flamande que nous fait naviguer l'auteure.Au fil du quotidien, l'onirique frôle l'absurde sur l'aile des tendresses et des solitudes.
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Rien n'est accompli ni fixe. Ni l'obscur ni l'aube. Ni la clarté ni l'ombre. Sinon dans le cadre d'une oeuvre d'art, d'un tableau, d'une scène ou d'un poème. En pleine conscience et maîtrise.
Il n'est pas en réalité, tout autour de nous, de début net ni de fin, de frontière entière ni de rideau définitif. La vie est un voyage vague ou un nuage sans départ précis ni contour. Ce trouble que nous éprouvons à cette idée, cet équilibre précaire, cette insistance enivrante du mouvement, du changement et de la complexité, c'est ce qui nous anime et nous harcèle en même temps, nous interroge et nous emporte, nous fait penser, à perte de vue et de souffle, à l'aboutissement, au but, à l'unité.
Seule la poésie nous permet d'évoquer cette étoile invisible, de tenter l'utopie d'une pure page de paix, d'un léger livre de délivrance. Dire, écrire en quelques vers un arc de plénitude vécue, de temps tangible ou intégral, un cercle de jour captif, sans l'ombre d'un doute, sans la crainte d'une rupture ou d'une perte et d'une faiblesse.
Comme une splendide blessure au coeur de l'éternel retour, de la roue indifférente de l'heure, un arrêt qui serait rayonnant, un grand moment de marbre.
L'Ombre de l'aube s'y prête pas à pas, en arpentant la page comme un chemin incertain, à tracer sans repère, tendu vers une crête, un socle lointain de clairvoyance, un horizon de brève sérénité. -
Jean-Claude derrière CeeJay... Une évocation pudique d'un ami de bohème et de galères. CeeJay, pseudonyme ramené d'un séjour aux États-Unis, est la transcription phonétique de ses initiales prononcées à l'anglaise. Jean-Claude Crommelynck était peintre et dessinateur, bien avant d'aborder l'écriture et le slam. C'est cette facette de son vieux complice que Michel Van den Bogaerde met en lumière dans cette courte biographie, qui est aussi un hommage à l'ami disparu.
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On n'expliquera pas le titre énigmatique : Roman, alors qu'il s'agit d'un recueil de poésie, pas plus que le point d'exclamation qui le ponctue et qui est une liberté prise par l'éditrice... qui a bien le droit d'avoir des pensées secrètes. On dira simplement que ce recueil mélancolique, illustré de superbes photographies en noir et blanc, mérite d'être lu et apprécié.
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En un duo de mots se renoue le poème dans la cendre des jours.
Un feu couvait encore sous l'isolement du confinement, un silex sous la pierre. La plume s'affranchit des gestes barrières et concentre des relations jadis éparses.
Le recueil se laisse lire comme un feuilleté de regards, qui à l'unisson multiplie les embras-sements. L'encre au papier se renoue et se déborde dans l'autre. Les écritures se font jumelles et l'écho de l'autre rejoint l'écho de soi dans la résonance.
Recueil des fidélités qui se chevauchent, les bleus au coeur trouvent à nous dire quelque chose du bleu du ciel, du nom des roses dans la maturation des vies, chemin de cavée que le creuset d'un creusement qui se donne à emprunter au lecteur. -
J'aime les cimetières, leur silence, leurs pierres tombales, leurs lierres, leurs cyprès, leurs allées lentes, les silhouettes qui s'y faufilent sans rien dire, les fleurs fraîches ou fanées qui y jettent quelques taches de couleur ou les petits cailloux délicatement posés sur l'un ou l'autre marbre. Je m'y promène en contemplant les stèles sculptées ou lisses, les portraits anciens ou récents, les mains qui s'unissent ou qui prient, les pierres qui pleurent, les tombes ressemblant à de petites demeures, avec grillage et porte cadenassée. Je suis les chemins des chats qui s'y baladent en propriétaires. Pourtant, je crois que la mort n'est pas sacrée. Ou alors, dites-moi pourquoi l'on jette les vieilles sépultures au rebut, surtout quand elles ont cessé de servir au deuil de quelques vivants et que plus personne ne les fleurit. Au rebut, sauf peut-être pour les toutes vieilles, les historiques, qui parfois trouvent un havre au musée. Certes, le décorum funéraire a toujours ses partisans : amateurs d'Art, défenseurs, restau-rateurs passionnés. Sans oublier les archéo-logues, les trafiquants et les pilleurs de tombes. La foule de tous les jours, elle, se situe entre deux pôles : la visite quotidienne au cimetière et l'absence de chaque instant, la prière ou le silence. À moins que l'Art... Comme les humains, les tombeaux sont périssables et la mort frappe parfois deux fois : rien d'éternel sous le soleil. Mais le mot « renaissance » peut prendre tout son sens, sous les doigts et l'esprit d'une création nouvelle. - Annie Préaux
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Deux plumes pour un recueil qui, de page en page, renouvelle le seuil des éveils à la croisée des mots mis en images sur les pas du silence, à l'écho de deux âmes La connivence entre Martine Rouhart et Patrick Devaux, se concrétise pour la première fois par un recueil en commun, où les poèmes et les voix se répondent. Ces textes sont le fruit poétique d'une correspondance quotidienne, dont les oiseaux seraient les intercesseurs, les messagers. Le livre est d'ailleurs traversé par une multitude d'oiseaux, et par le chant joyeux du partage.
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Karmina Vltima : la vie anthologique et névrotique du dernier Mangbetu
Philippe Pratx
- Le Coudrier
- 20 Septembre 2021
- 9782390520221
L'enfer vert des colons fut le giron vivace des oralités, d'une foison de vies tenaces. Au « savoir-vivre » du Blanc, à sa courtisanerie, s'oppose la légitimité du natif et c'est encore au défi de la mort que l'on sursaute à se sentir vivant sous la cape du magicien. On touche par l'écriture à des rivages où se transcendent les naufrages sur des fonds océaniques, à des déferlements dont la phrase longue répercute la vague. C'est d'un « cerveau travaillé par le rêve » que l'auteur prétend nous ouvrir les sésames comme d'un Pierrot à l'âme lunatique, pétrie d'ancêtres non moins neptuniens. Enfin, des multiples enfances qu'il s'octroie, au terme d'un livre habité, tantôt hanté, il renaît de sa maison et de sa lignée en conteur, lui-même mythique. Il se veut à la fois, de par ses ancêtres et son inscription dans l'humanité, transgénérationnel, cosmopolite et cosmique. Plus que tout, l'auteur semble appréhender le racornissement des vies confinées. Au terme de l'ouvrage, comme à la conclusion d'un éternel retour, se rouvre la forêt native, tout à la fois demeure livresque et expression d'une vie intérieure renouvelée. « C'est donc dans la forêt que j'ai décidé de construire ma maison, vaste tronc creux, et mon jardin ». Point de fin sinon l'éternel retour dans l'ouvert : Ayant fait mien ce dernier poème : Ma maison quand même cernée du cri des cigales est restée ouvert