« Derrière nous s'étend le système patriarcal avec sa nullité, son amoralité, son hypocrisie, sa servilité. Devant nous s'étendent la vie publique, le système professionnel, avec leur passivité, leur jalousie, leur agressivité, leur cupidité. L'un se referme sur nous comme sur les esclaves d'un harem, l'autre nous oblige à tourner en rond... tourner tout autour de l'arbre sacré de la propriété. Un choix entre deux maux... » Virginia Woolf « On découvre là comme la poésie de la grande romancière anglaise est fondée sur une pensée politique audacieuse et précise. Sa dénonciation de la colonisation, de la ségrégation des femmes est, en 1938, d'une lucidité cruelle, d'une ironie violente qui n'ont pas à cette heure été dépassées. [...] Les femmes, mais il n'y a pas encore de femmes [...]. Il n'y a jamais eu que l'annulation des femmes. Restent la folie, la douleur de n'être pas qui circulent dans les lignes, les veines de Virginia Woolf... Une femme, aux prises avec ces réseaux barrés, cette mort vivante, captive en elle, de l'être qu'elle était. » Viviane Forrester
Dans "Femmes, Race et Classe", Angela Davis, historienne et militante, développe une analyse critique des liens parfois conflictuels ayant existé au cours des XIXe et du XXe siècles entre féminisme et luttes d'émancipation du peuple noir. Elle démontre que les luttes ont porté leurs fruits à chaque fois qu'elles ont été solidaires. Se refusant à mettre en concurrence les différents éléments constitutifs de sa propre identité, elle affirme que les oppressions spécifiques doivent être articulées à égalité pour dépasser les contradictions et mener un combat global contre le système capitaliste au fondement de toutes les exploitations.
Cet essai dense et fondateur, écrit en 1980, trouve aujourd'hui une actualité centrale avec les débats contemporains sur le féminisme dit « intersectionnel ».
Ici, c'est un homme qui est habité par une jeune fille, venue de la misère du Nord-Est brésilien, à Rio, où elle mourra. « Je jure que ce livre est écrit sans mots. C'est une photographie muette. Ce livre est un silence. Ce livre est une question », écrit-il. Et il est tout occupé d'elle : écrire sa vie, sa mort doit le délivrer, lui qui a échappé au sort sans futur qu'elle subit. Il l'aime, comme on aime ce qu'on a craint de devenir...
S'il avoue être le personnage le plus important des sept que comporte son histoire, il ne dit rien de celui dont la présence s'impose progressivement dans ces pages ; la mort qui efface le feu scintillant et fugace de L'Heure de l'étoile, l'heure à laquelle celle qui meurt devient, pour un instant, l'étoile de sa propre vie, désormais réalisée.
Quand son mariage et son entreprise familiale font naufrage, Polly Waterford quitte Plymouth et trouve refuge dans un petit port tranquille d'une île des Cornouailles. Elle s'installe seule dans un minuscule appartement situé au-dessus d'une boutique laissée à l'abandon. Pour se remonter le moral, elle se consacre à son plaisir favori : fabriquer du pain. Alors qu'il n'y a plus dans le village qu'une boulangère irascible au pain sans saveur, les arômes de levain qui s'échappent de chez elle attirent très vite la curiosité et la sympathie des habitants. Petit à petit, d'échanges de services en petits bonheurs partagés, elle ravive l'esprit d'entraide et de partage dans le village.
Au fil des rencontres farfelues (un bébé macareux blessé, un apiculteur dilettante, des marins gourmands) et au gré des événements heureux ou tragiques qui touchent la communauté, ce qui ne devait être qu'un simple « break » devient l'entreprise de sa vie.
Polly se révèle enfin à elle-même : une femme déterminée et créative, prête à mordre dans la vie comme dans une mie de pain chaude et croustillante.
Un feel good book qui, sur fond de crise économique prône des valeurs de partage et d'entraide. Un ton bienveillant et drôle, pour une histoire romantique avec quelques accents mélancoliques qui ne tombe jamais dans la mièvrerie.
« Je connais le fond, dit-elle. Je le connais par ma grande racine :
Qu'est-ce qui vous fait peur ?
Moi je n'ai pas peur : je suis allée là-bas.
Est-ce la mer que vous entendez en moi, ses insatisfactions ?
Ou la voix du rien qui fut votre folie ?
J'ai souffert l'atrocité des soleils couchants, Écorchée jusqu'à la racine Mes fibres rouges brûlent et se crispent, une poignée de barbelés.
Je suis habitée par un cri.
Chaque nuit il sort à tire d'aile Cherchant, de ses crochets, quelque chose à aimer.
Je suis terrifiée par cette chose sombre Qui dort en moi ;
Tout le jour je sens ses manèges, doux et feutrés, sa malveillance.
Des nuages passent et se dissipent.
Seraient-ce les visages de l'amour, leur pâleur irrémédiable ?
Est-ce pour cela que je me bouleverse le coeur ? » S. P.
Polly Waterford coule des jours heureux sur la paisible île de Mount Polbearne. Sa petite boulangerie connaît un franc succès : les habitants du village continuent de s'y presser et un journal régional souhaite même la sélectionner dans son prochain guide ! Polly est aussi comblée par son histoire d'amour avec Huckle, le séduisant Américain qui a su conquérir son coeur. Les deux amoureux se sont installés ensemble dans le grand phare qui domine l'océan.
Malheureusement, lorsque le nouveau propriétaire de la boulangerie de Polly débarque sur l'île avec une lueur malicieuse au fond des yeux, celle-ci réalise soudain que son bonheur est bien fragile. Et le départ précipité de Huckle pour les États-Unis ne l'aide guère à envisager l'avenir avec sérénité.
Face à cette nouvelle tempête qui se prépare, Polly va devoir se battre pour ne pas laisser sa vie prendre l'eau. Réussira-t-elle à surmonter les obstacles qui se dressent sur sa route ?
Une prose simple et délicate, qui met en avant, avec justesse, les sentiments des personnages, leurs doutes, leurs craintes et leurs joies.
Des chapitres qui s'enchaînent sans temps mort grâce aux différentes péripéties qui rythment le récit, sans oublier des dialogues enlevés, tour à tour drôles et émouvants.
Zao est un ancien colonisé de famille aisée, elle, une très jeune femme blanche d'un milieu pauvre. La rencontre a eu lieu en Asie dans l'empire colonial. Paris, où ils s'exilent, va devenir le décor de la décrépitude du couple. Face à un racisme "ordinaire", Zao perd son statut social et se mure. Sa femme rêve à la fois de liberté et de rentrer dans la norme, mais se confronte à une terrible misogynie. Obnubilés par leurs tragédies personnelles, les deux personnages avancent l'un contre l'autre, jusqu'à devenir l'enfer de leur partenaire. À travers le couple et à l'intersection des dynamiques de race, de classe et de genre, Myriam Dao propose une exploration des mutations qui traversent la société française au tournant des années 1950.
Extrait : « Une ou deux fois on l'avait invitée à partager un café, mais elle hésitait à accepter de peur qu'au bout de cinq minutes de conversation ils ne découvrent sa situation véritable. Mais, après tout, pourquoi ne pas franchir le pas, prendre sa vie en main et quitter son mari ? Elle y pensait depuis longtemps. Son chef lui avait fait des avances, et, une après-midi, elle fut à deux doigts de lui confier ses rêves de partir loin. Mais tout ça, c'était sans compter avec la poisse. » Myriam Dao
Deux adolescentes confrontées à la violence et à la misère, tentent de survivre dans le Brésil de la fin des années 70. Contraintes de quitter l'orphelinat, elles doivent retrouver leur mère absente à la vie chaotique. Elles sont livrées à elles-mêmes, terrorisées et affamées dans une ville sucrière où une pluie de cendres tombe sans relâche sur les habitants. Elles partent dans un long périple pour retrouver un père qu'elles n'ont pas connu. Proies faciles pour les prédateurs qui peuplent les routes, elles sont emportées malgré elles dans des situations risquées. La vérité finira par se faire jour pour Smiley qui décidera de prendre sa vie en main.
Dans ce roman - déclaration d'amour blessé -, chacune s'accroche à l'autre comme à une bouée de sauvetage. La rage de vivre n'a d'égal qu'une dignité émouvante. À la fois roman social et roman d'initiation, "Saisons des feux" s'inscrit dans des problématiques très actuelles, à l'intersection de l'écologie et des différentes oppressions subies par les filles et les femmes, les personnes racisées et les personnes en situation de précarité.
Lou Andreas-Salomé écrivit La Maison en 1904 mais ne le publia qu'à la fin de sa vie, en 1921. Il contient de très profondes expériences personnelles.
« Trois personnages en quête de liberté vivent dans une maison radieuse et sont liés entre eux par un amour que rien ne ternit. Pour Anneliese, femme du médecin Brandhardt, pour Gitta leur fille et surtout pour Balduin, leur fils, la liberté consiste à ne pas manquer la station des artistes, devant laquelle le train de la vie s'arrête si peu de temps. [...] Anneliese a renoncé à sa carrière de pianiste virtuose. Gitta, épouse de l'intuitif Markus, prendra en main sa propre existence. Le personnage le plus éclatant du livre est l'adolescent Balduin, portrait du jeune Rainer Maria Rilke. L'analyse profonde et subtile qu'en fait Lou Andreas-Salomé [...] accroît encore l'intérêt de cette marche vers l'indépendance. Le pays des artistes est pour tout le monde le pays de la liberté. Il convient de ne pas vivre hors de ses frontières. » N.C.
« Au moment où le soleil se levait à l'horizon, redevenue sirène elle plongea en pleine mer, là où l'eau est toute bleue, comme les pétales des bluets, et si transparente qu'on dirait du cristal. Au milieu des fleurs merveilleuses et des arbres extraordinaires, elle nagea avec bonheur, des heures durant, sensible au moindre frémissement de l'eau. Elle chantait si fort que ses soeurs et sa grand-mère l'entendirent et vinrent à sa rencontre. » N.C.
Ce recueil rassemble 22 poèmes, dont certains inédits, écrits des années 1980 à aujourd'hui et sélectionnés par la poétesse pour le lectorat français. En 1984, Zhai Yongming écrit sa grande oeuvre « Des Femmes » qui bouleverse le monde de la poésie et de la littérature chinoise par son contenu et son style décalé, empreint d'une forte certitude féministe. Son travail poétique explore la complexité et l'incertitude de la vie ainsi que l'identité féminine au-delà du regard masculin. Désireuse de maintenir le lien entre tradition et modernité, elle compose le poème « Une promenade sur la montagne Funchun, avec Huang Gongwang », qui rend hommage aux artistes qui l'ont précédée ainsi qu à la culture chinoise. Adapté au théâtre, il a rencontré un grand succès. Filant le thème des femmes et des créations féminines, son poème « L'affaire du Cercle de Craie » remporte quant à lui le Poetry Award de la célèbre revue littéraire « Octobre », en 2020.
Ces deux poèmes sont à lire dans le présent recueil, composé par Zhai Yongming.
Le soulèvement en Syrie a suivi le début du printemps arabe, mais a été concomitant à la naissance de Daesh et dudit État islamique (EI) en Irak et en Syrie, qui restera dans l'Histoire et dans la mémoire collective comme l'exemple d'une sauvagerie brute. La cruauté d'une guerre devenant de plus en plus complexe a provoqué la fuite des humains qui ont côtoyé la déshumanisation et ont vécu les affres de l'exil lorsqu'ils n'ont pas été engloutis par la Méditerranée, devenue un cimetière marin.
Par quoi passe l'analyste qui travaille avec celles et ceux qui fuient la guerre ou les rescapé·e·s qui ont vu et vécu l'insoutenable ? La cruauté des images qui nous parviennent via les réseaux sociaux et les médias se redouble de la violence dans le récit des patientes et patients.
Comment travaille l'analyste lorsqu'elle est déjà pleine de toutes les horreurs vues avant de les avoir entendues ? Et quelle écoute alors que la guerre fait encore rage ? Lorsque le lointain (la Syrie) vient dans le ici et le maintenant de la séance réactiver tous ces thèmes :
Religion, exil, histoire, langue, mort, disparition et dictature.
Comment travailler en temps de guerre ? Peut-on garder une neutralité lorsqu'on reçoit des rescapé·e·s qui ont éprouvé faim, soif, désabri et ce qui défait le corps et la pensée ? Peut-on être orthodoxe en de telles circonstances ? Et comment travaille l'analyste lorsque la guerre en Syrie va de pair avec la radicalisation et les attentats en France ?
Dans cet ouvrage, paru initialement en 1937 aux éditions Plon et enfin réédité grâce à Jean-Noël Jeanneney, Marie Octave Monod s'attache à retracer l'existence de Marie d'Agoult, femme de lettres du XIXe, dont l'histoire a occulté le travail prodigieux. Comme son amie George Sand, elle choisit de publier sous pseudonyme masculin. Marie d'Agoult devient Daniel Stern, pour un lectorat passionné par ses romans mais également ses essais et traités historiques. Dans son ouvrage Histoire de la Révolution de 1848, elle rapporte les événements avec un point de vue personnel et contemporain, une référence encore aujourd'hui très précieuse pour les historiens. Républicaine convaincue, elle tient un salon où se rejoignent de grands intellectuels de l'époque tels que Ledru-Rollin et Lamartine. Marie Octave Monod s'intéresse également à la vie privée de Marie d'Agoult, de sa liaison passionnelle avec le compositeur Franz Liszt, au mépris de ses contemporains comme Victor Hugo en passant par ses célèbres amitiés et son admiration pour Goethe. C'est avec une grande rigueur qu'elle retrace le portrait d'une femme passionnante, au caractère complexe et à l'oeuvre magnifique. La présente édition est enrichie d'une préface de Jean-Noël Jeanneney, historien et petit-fils de la biographe.
Azucena, mince et brune quinqua aux chaussures rouges, semble être chez elle dans le Train bleu reliant Nice et Paris. Elle y dort, y fait des rencontres, s'y protège des menaces parfois lourdes, y agit, aussi, réalisant des missions secrètes. C'est qu'à Nice, elle est au coeur de plusieurs groupes constitués en réseaux informels, amitiés, résistances. Avec les Paranos, elle distribue dans un stand près de la gare, légumes et graines bio aux abonné.e.s, comme s'il s'agissait de contrebande ou de produits illicites. Avec Luna, elle exfiltre des chiens ayant fui leurs maîtres autoritaires ou violents pour commencer une nouvelle vie. Tout autour d'elle gravite une foule hétéroclite, un rien fantasque, de doux rêveurs qui ne renonceraient pour rien au monde à la mise en pratique de leurs idéaux : Gouel, le marin irlandais, chanteur des rues, Alex, le poète et «prince des poubelles», Manu, Monique, Nadette, un cheminot syndicaliste, Siranouche ou encore la Chienne noire, son amie... Quelques-uns sont, tout comme elle, un peu cabossés, mais trouvent dans les liens qui les unissent des raisons d'espérer. Parce que l'espoir n'est pas une option. Tous, comme autant de fourmis invisibles et obstinées creusant des tunnels pour faire déraper, sans violence, notre vieux monde, oeuvrent ainsi par l'exemple plutôt que par le discours, à en créer un nouveau, plus libre et lumineux, plus solidaire et plus juste.
Rappelant les légendes traditionnelles et les contes initiatiques, Clarice Lispector mêle le monde de l'enfance aux destins d'animaux. Ces derniers se voient pris dans un tourbillon d'évènements aussi anodins que mystérieux, inspirés de la vie quotidienne. Ainsi, le titre éponyme de ce recueil revient sur la mort de deux poissons rouges que son fils Paulo lui avait demandé de garder en son absence. Dans Comme si c'était vrai, on croise le chien Ulysse au regard humain, fidèle compagnon de Clarice Lispector, qu'elle ne remplaça jamais après sa mort. C'est avec un mélange exquis d'humour et de simplicité, de douce ironie et d'amour maternel, que C. Lispector déploie l'appréhension sensible et émotionnelle du monde, la recherche du sens ou le renoncement à le trouver. La maternité et l'enfance sont au centre de son oeuvre : chez cette autrice incomparable, nulle opposition entre son rôle de mère et son travail d'écrivain. En témoigne son fils cadet, Paulo Gurgel Valente, qui se souvient de sa mère « avec une machine à écrire sur les genoux, tapant avec application au milieu de la pièce principale de la maison, au milieu des bruits des enfants [...] ».
Après avoir publié en 2004 La vie intime de Laura suivi du Mystère du lapin pensant, les éditions des femmes-Antoinette Fouque présentent une nouvelle édition de ces deux contes, réunis en un volume auquel viennent s'ajouter deux titres : une nouvelle traduction de La femme qui a tué les poissons (Ramsay, 1990 et Seuil, 1997) et un conte inédit en français et publié pour la première fois, Comme si c'était vrai. Ce recueil est illustré par l'artiste graveuse Julia Chausson.
« Parce qu'au début et au milieu je vais vous raconter des histoires sur les animaux que j'ai eus, pour vous montrer que je ne pourrais pas avoir tué les poissons autrement que sans le faire exprès. J'ai bon espoir qu'à la fin de ce livre vous me connaissiez mieux et que vous m'accordiez le pardon que je demande pour la mort de deux «tyrougets» - c'est comme ça qu'on les appelait à la maison, «tyrougets» ». C.L
Dans cet ouvrage pionnier, fondateur des Recherches matriarcales modernes, Heide Goettner-Abendroth propose une nouvelle approche méthodologique du concept de matriarcat, revisitant ainsi l'histoire de l'humanité tout entière.
Dans un aller-retour permanent entre le terrain et la théorie, elle offre une vue d'ensemble des sociétés matriarcales dans le monde, faisant apparaître que celles-ci ont non seulement précédé le système patriarcal, apparu seulement vers 4 000-3 000 ans avant notre ère, mais qu'elles lui ont survécu jusqu'à ce jour sur tous les continents. Elle montre que les sociétés matriarcales, loin d'être une image inversée du patriarcat, comme le prétend l'idéologie dominante dont l'autrice fait une critique radicale, sont des sociétés d'égalité et de partage entre les sexes. D'où l'utilité de leur étude pour aider les femmes et les peuples autochtones en particulier à penser une alternative au système de domination patriarcal et colonisateur.
Ces travaux, qui ont inspiré plusieurs générations de chercheuses et chercheurs en histoire et en anthropologie, sont aujourd'hui enfin disponibles en français.
Après les rééditions au printemps 2022, du Satellite de l'amande et des Bergères de l'Apocalypse, voici le troisième tome de La trilogie du Losange, qui était resté inédit jusqu'à aujourd'hui. Écrit cette fois du point de vue d'un homme, il montre l'envers de la guerre des sexes racontée dans les Bergères de l'Apocalypse. Alors que les femmes ont créé des républiques libres, l'Australie s'est transformée en société violemment misogyne. À sa tête, Erwinn, un riche éleveur industriel, fier d'appartenir à la race supérieure des hommes, qui réduit les femmes au seul rôle de reproductrices, d'esclaves sexuelles ou de servantes. Les champs sont remplacés par des usines où les animaux s'entassent sur plusieurs étages, image d'un système productiviste qui éradique le vivant. Le récit est haletant, multipliant intrigues, personnages et rebondissements. La plume foisonnante de Françoise d'Eaubonne ainsi que son acuité sociale et politique font de cette oeuvre une source de réflexion sur les enjeux actuels des violences sexistes et sexuelles, de l'urgence climatique et du spectre fasciste.
Ce dernier opus est enrichi d'une préface d'Élise Thiébaut, autrice d'une biographie de référence sur Françoise d'Eaubonne, L'Amazone verte (Éditions Charleston, coll. Les Indomptées, 2021). Elle nous éclaire sur l'histoire et les éléments de contexte de cette oeuvre très originale. Cette publication intervient au cours d'une année riche en événements autour de l'autrice, notamment le colloque international « Redécouvrir Françoise d'Eaubonne » organisé par l'association Anamnèse, les Ateliers du genre de l'Université de Caen et l'IMEC (Institut Mémoire de l'Edition Contemporaine), prévu du 16 au 18 novembre 2022 à Caen. Le site internet, www.francoise-deaubonne.
Org, permet de suivre les informations et l'actualité concernant cette écrivaine et activiste hors du commun.
Cette oeuvre poétique publiée initialement en 1974 fut l'un des premiers textes portés par la toute jeune maison d'édition des femmes-Antoinette Fouque. Profondément novatrice, polymorphe et anticonformiste, elle trouve une résonance particulière auprès des jeunes générations féminines et féministes, avides d'apprendre de leurs aînées. Cette nouvelle édition est enrichie de deux textes inédits retraçant la genèse et les conditions d'écriture de cette fiction ainsi que sa réception dans les années 1970.
De la mythique Istanbul à d'autres rivages, l'errance de plusieurs personnages compose la trame narrative de ce texte qui peut se lire comme un roman traversé de lambeaux oniriques, d'images. C'est la saison en enfer d'une femme. Pour « avoir un sexe », être la reine des hommes qui n'aiment que les hommes, il faut mettre leurs masques de fard, leurs voiles, et tuer, avec eux, la mère.
L'écriture est alors perçue comme une tentative de vivre une rébellion de femme, exigeante et transgressive.
Gabriel, élevée en garçon pour une sombre affaire d'héritage, ne se doute pas que son vrai nom est... Gabrielle. « Il » va donc goûter tous les délices d'une éducation « libre » jusqu'au jour où, tombant amoureux de son cousin, il/elle fait rapidement connaissance avec les interdits et les tourments de son sexe réel. Sur cette trame, George Sand élabore une analyse tout en finesse des sortilèges de l'ambiguïté sexuelle.
Gabriel est tout autant un texte sur l'ambivalence amoureuse qu'un manifeste explicite qui fourmille d'indignation, d'impertinence, d'ironie et où sont impitoyablement passées au crible les différences d'éducation et de vie entre les garçons et les filles, entre les hommes et les femmes.
George Sand tenait beaucoup à cette oeuvre que, malgré ses efforts, elle ne put faire représenter et que Balzac enthousiasmé n'hésitait pas à comparer à une pièce de Shakespeare. On y sent aussi le poids de son expérience personnelle. Voire une pointe de tristesse.
Janis M. Glasgow (1934 -2001), spécialiste reconnue de George Sand, a été professeure émérite de français de la San Diego State University. Elle a enseigné à Paris VIII, dans les universités de Nice et de Nantes, dans le cadre d'échanges. Un prix a été créé en son honneur en 2001, le Janis Glasgow Memorial pour récompenser la meilleure thèse de doctorat ayant pour sujet George Sand.
La romancière Assia Djebar, en collaborant à la traduction, a voulu rendre sensible le plus possible dans des mots français, la révolte haletante des mots arabes de cette voix : celle de l'écrivaine, et à travers elle, de Ferdaous-en-Enfer.
« Ferdaous, en langue arabe signifie « paradis » et c'est donc une femme prénommée « Paradis » qui, la veille d'être pendue pour avoir tué un homme, interpelle d'« une voix en enfer », toutes les autres femmes d'une société où l'oppression sexuelle séculaire commence à peine à être dite de l'intérieur. Étapes successives de la vie de Ferdaous, devenue prostituée par révolte, après avoir traversé les cercles d'une exploitation implacable et qui, au bout de multiples fuites désespérées, devient meurtrière par défi. Est-ce un roman « populaire », cette histoire écrite par Naoual El Saadaoui, célèbre essayiste au Moyen-Orient dont les études sur la sexualité sont basées sur son expérience de médecin, et dont les romans sont lus par une importante jeunesse féminine, mais contestés par une culture officielle ?... « Populaire », ce livre l'est avec une chaleur véhémente, car la fiction ici est ancrée dans les drames sociaux et sexuels de la réalité arabe actuelle. » A.D.
À l'orée du XXIe siècle, les femmes transmettent la vie par ectogenèse, sans le concours des hommes, et la civilisation du Losange maîtrise les voyages dans l'espace. Ariane, la narratrice, participe à une mission spatiale destinée à explorer la planète Amande. Sur place, les mystères se succèdent et les péripéties s'enchaînent, de l'auscultation de la planète à la découverte d'une société futuriste bien particulière. Françoise d'Eaubonne, de sa plume foisonnante à l'humour acéré, fait de son space-opéra un magnifique roman symbolique et poétique. Le Satellite de l'Amande, premier tome de La Trilogie du Losange, et sa suite Les Bergères de l'Apocalypse qui paraît simultanément, frappent par leur caractère visionnaire qui percute notre présent. Françoise d'Eaubonne, première écoféministe française, a vu plusieurs de ses oeuvres rééditées depuis 2020. Elle fera beaucoup parler d'elle en cette année 2022 avec, notamment, un colloque international qui lui sera consacré en novembre 2022, organisé à l'IMEC (Institut Mémoire de l'Édition Contemporaine). Cette édition est enrichie d'une préface d'Élise Thiébaut, autrice d'une biographie de référence, L'Amazone verte (Éditions Charleston, coll. Les Indomptées, 2021). Elle nous ouvre les portes de l'univers de Françoise d'Eaubonne, en nous éclairant sur les éléments de contexte de cette oeuvre très originale. Avant la publication prochaine du troisième tome de cette trilogie, Un bonheur viril, à paraître en octobre 2022.
« Une guerre pareille, de cette dimension, si elle avait été le fait des hommes, aurait laissé la terre exsangue. Mais comme elle fut menée et gagnée par des femmes, la cicatrisation se fit à une allure foudroyante. Les arts reprirent leur cours en même temps que les collèges se relevaient de leurs ruines et que la production des produits de première nécessité, accrue à une cadence galopante, se fixait pour but la fin du contingentement la plus rapide possible, pour limiter les dégâts moraux du marché noir. » F.d'E.
« Delphine fut, dès sa parution en 1802, très mal reçue. Passe encore en France : Bonaparte détestait Madame de Staël, mais en Angleterre, en Suisse..., le livre était vendu en masse, mais lu avec rage, commenté avec fureur... Montrer comment une femme, belle, riche et libre, dont le seul crime est d'avoir tenté d'être une personne à part entière, est poussée au désespoir par le simple jeu de la société virile. Voilà la gageure que Madame de Staël a tenue dans Delphine. L'auteure, comme son personnage principal, s'y permet de sentir, de penser et surtout de parler... La conspiration du silence est brisée : les femmes parlent... Delphine n'est pas seulement un roman d'amour déchirant et le récit d'une amitié inquiétante, c'est le regard que porte Madame de Staël sur l'histoire, la société et la morale du coeur. Et cela dans une langue qui est celle du raisonnement, celle que l'auteure croyait la plus propre à convaincre : à cette époque, la langue des hommes par définition... » C.H.