Cécile, adolescente, met en oeuvre un drame qui coûtera la vie à Anne, maîtresse de son père. « Elle pleurait. Alors je compris brusquement que je m'étais attaquée à un être vivant et sensible, et non pas à une entité. Elle avait dû être une petite fille, un peu secrète, puis une adolescente, puis une femme. Elle avait quarante ans, elle était seule, elle aimait un homme et elle avait espéré être heureuse avec lui dix ans, vingt ans peut-être. Et moi... le visage, ce visage, c'était mon oeuvre. J'étais pétrifiée, je tremblais de tout mon corps contre la portière. » « Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C'est un sentiment si complet, si égoïste que j'en ai presque honte alors que la tristesse m'a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l'ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd'hui quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce et me sépare des autres. » F.S.
J'avais vingt ans quand je suis montée dans le bus. Je portais ma salopette, un col roulé noir, et le vieil imper gris que j'avais acheté à Camden. Ma petite valise écossaise rouge et jaune contenait quelques crayons de couleur, un carnet, les Illuminations, quelques fringues, et des photos de mon frère et de mes soeurs. J'étais superstitieuse. Nous étions un lundi ; j'étais née un lundi. C'était un bon jour pour arriver à New York City. Personne ne m'attendait. Tout m'attendait. » P. S.
Les jeunes Patti Smith et Robert Mapplethorpe se rencontrent par hasard à New York à la fin des années 1960. "Just Kids", roman d'initiation bohème, retrace les débuts de ces enfants terribles, jusqu'au moment où la chanteuse enregistre son premier album, "Horses", et voit décoller sa carrière. Cette épopée mythique, histoire d'amour et d'amitié, qui s'ouvre et s'achève avec la mort du photographe, immortalise les instants incandescents d'une période décisive dans ces deux vies d'artistes et dans l'histoire de la musique américaine.
Un enfant forcé d'apprendre le piano n'arrive pas à retenir le sens de « moderato cantabile » dans la sonatine de Diabelli. Venu du rez-de-chaussée, un cri déchire la leçon. Un homme a assassiné une femme d'une balle en plein coeur. Anne Desbaresdes, la mère du garçon, revient obsessionnellement au café où le crime a eu lieu pour s'enivrer et interroger un homme. Elle cherche à comprendre, ou à se perdre.
« - Veux-tu lire ce qu'il y a d'écrit au-dessus de ta partition ? demanda la dame.
- Moderato cantabile, dit l'enfant.
La dame ponctua cette réponse d'un coup de crayon sur le clavier. L'enfant resta immobile, la tête tournée vers sa partition.
- Et qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je sais pas.
Une femme, assise à trois mètres de là, soupira. » M. D.
Le texte imprimé a paru aux Éditions de Minuit, en 1958.
« Dans un petit village d'Italie, situé au pied d'une montagne au bord de la mer, dans la chaleur écrasante du plein été, deux couples passent des vacances comme chaque été : Gina et Ludi, Jacques, Sarah et l'enfant. D'autres amis sont là, dont Diana. Ils se baignent, se parlent, s'ennuient...
Dans la montagne, au-dessus du village, un jeune homme a sauté sur une mine. Ses parents là-haut, veillent.
« Qu'est-ce qui manque à tous ces amis ? demande Diana.
- Peut-être l'inconnu, dit Sarah. » M.D.
Dans un abandon touchant, Isabelle Carré livre un premier roman sensible et plein de grâce. Une autobiographie brodée de fiction, raccommodée, par endroit, là où la mémoire fait défaut, l'actrice y raconte l'histoire de sa famille et de son enfance - ou en tout cas l'histoire d'une famille et d'une enfance qui ressemblent étrangement à la sienne. Elle dit la « partie immergée de l'iceberg », cachée derrière son sourire maquillé, ses angoisses et ses blessures, sa famille un peu hors-normes, mais aussi son désir naissant de théâtre et de cinéma ou encore ce que c'est qu'être une enfant puis mère à son tour - et l'amour, bien sûr. Sont confiés ici des rêves délicats, des souvenirs tendres, qui nous emplissent de réconfort.
« J'ai l'habitude avec les journalistes d'être toujours associée à deux qualités : discrète et lumineuse ! Durant toutes ces années, comment suis-je passée si facilement entre les mailles du filet ? Évidemment, je ne m'en plains pas, pour rien au monde je ne renoncerais au plaisir d'être si bien cachée derrière mon maquillage et les costumes d'un personnage. Puisque tout est vrai, et que les acteurs « font semblant de faire semblant », comme l'écrit Marivaux. Je m'étonne juste qu'après ces heures d'interviews, tous ces plateaux télé, ces radios, les mêmes mots ressassés à l'infini suffisent... grâce à ce sourire peut-être. Je suis une actrice connue, que personne ne connaît. » I.C.
Une femme devient mère pour la première fois. Sa propre mère n'est pas là pour l'aider à accueillir sa fille nouvelle-née. Elle l'a perdue à l'âge de quatre ans et, adulte, a revécu sa mort par la profanation de sa tombe au cimetière. Cette béance n'a d'égale que l'omniprésence de son souvenir : la jeune femme cherche partout sa mère pour en devenir une et ne la retrouve nulle part dans l'image d'une des plus grandes étoiles du cinéma toujours présente dans les coeurs et sur les écrans. Plutôt qu'à sa mère au paradis, elle décide alors de s'adresser à sa fille, cadeau du ciel.
« Personne ne veut oublier ma mère, à part moi. Tout le monde veut y penser, sauf moi. Personne ne pleurera autant que moi si je me mets à y penser. On me parle d'elle en disant son nom au lieu de dire «ta mère», «votre mère». Comme si je n'étais pas là, devant eux.
Je ne comprends pas ce qu'ils disent. Je ne les écoute déjà plus. De qui parlent-ils ? Son nom ne m'intéresse pas, il n'y a que ma mère qui m'intéresse. » S.B.
Quand Élisabeth reçoit les excuses de son fiancé qui ne viendra pas la chercher à l'aéroport, elle prend la place d'une femme absente, attendue par un chauffeur de taxi. « Emma Auster » indique la pancarte : voilà qui elle deviendra. Nouvelle nounou d'une famille au père épisodique, elle soigne son mal d'enfant auprès de Suzanne sujette aux terreurs nocturnes et son grand frère pyromane. Pour parfaire l'imposture, elle adopte la passion de celle qu'elle remplace : la photographie ornithologique. Et si elle s'inventait cette nouvelle vie ?
Isabelle Carré tisse une toile complexe dans ce roman à tiroirs où s'entremêlent à en donner le vertige la réalité et la fiction.
La jeune héritière Mademoiselle de Chartres consent à épouser le prince de Clèves à l'âge de seize ans. Mais son mari se rend compte que la jeune fille ne l'aime ni ne le désire vraiment et s'en désespère. Quand paraît le duc de Nemours, elle s'en émeut et éprouve enfin ces sentiments et transports que cherche en vain à lui inspirer son époux. L'attirance est réciproque, Nemours cherche à assouvir sa passion, mais la princesse de Clèves lui échappe : en elle, les premiers émois amoureux bataillent avec son éducation et le serment de fidélité qu'elle a juré devant Dieu, sans avoir conscience de ce à quoi elle s'engageait.
« La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux. » M. d. L. F.
« L'histoire d'"Un coeur simple" est tout bonnement le récit d'une vie obscure, celle d'une pauvre fille de campagne dévote mais mystique, dévouée sans exaltation et tendre comme du pain frais. Elle aime successivement un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, un vieillard qu'elle soigne, puis son perroquet : quand le perroquet est mort, elle le fait empailler, et, mourant à son tour, elle confond le perroquet avec le Saint-Esprit. Ce n'est nullement ironique comme vous le supposez, mais au contraire très sérieux et très triste. Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles, en étant une moi-même. » G. F.
Benoîte Groult analyse, dans Ainsi soit-elle, « l'infini servage » des femmes et lance la première protestation publique contre la pratique de l'excision. Livre simple et direct pour que tous comprennent, livre lucide et courageux où l'humour est aussi une arme dans un combat qui se veut toujours positif.
« Il faut que les femmes crient aujourd'hui. Et que les autres femmes - et les hommes - aient envie d'entendre ce cri. Qui n'est pas un cri de haine, à peine un cri de colère, mais un cri de vie. » B.G.
Dans "Journal du voleur", Jean Genet évoque son itinéraire qui fit, d'un enfant de l'Assistance publique injustement soupçonné d'un vol et placé dans une maison de correction, celui qui, dans sa souffrance, choisit d'être ce dont on l'accuse. « Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé, qu'on voyait en moi... » Ce texte est l'évocation de ce destin choisi « dans le sens de la nuit » pour exploiter « l'envers de la beauté » par l'écriture et son flamboiement. C'est grâce à l'éclat de cette parole que Genet élabore un monde cohérent, le sien, reposant sur la constante inversion des valeurs et centré sur la mort.
« Chaque poème achevé devrait apparaître comme un caillou dans la forêt insondable de la vie ; comme un anneau dans la chaîne qui nous relie à tous les vivants.
Le Je de la poésie est à tous Le Moi de la poésie est plusieurs Le Tu de la poésie est au pluriel. » A.C.
Ces pages, lues à deux voix, sont issues de deux recueils, "Textes pour un poème" (1949-1970) et "Poèmes pour un texte" (1970-1991), creuset de quarante années de la poésie d'Andrée Chedid. Accompagnées des notes légères de fifre, tambour, mandoline et flûte de Pan, les voix entrelacées du comédien et de la poétesse donnent souffle, corps et rythme à ces poèmes lumineux et remplis d'espérance.
« J'avais fait remplir un flacon d'acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l'idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu'un. Il me suffirait d'ouvrir le flacon, un flacon transparent qui avait contenu auparavant de l'eau oxygénée, de viser les yeux et de m'enfuir. Je me sentais curieusement apaisé depuis que je m'étais procuré ce flacon de liquide ambré et corrosif, qui pimentait mes heures et acérait mes pensées. Mais Marie se demandait, avec une inquiétude peut-être justifiée, si ce n'était pas dans mes yeux à moi, dans mon propre regard, que cet acide finirait. Ou dans sa gueule à elle, dans son visage en pleurs depuis tant de semaines. Non, je ne crois pas, lui disais-je avec un gentil sourire de dénégation. Non, je ne crois pas, Marie, et, de la main, sans la quitter des yeux, je caressais doucement la courbe évasée du flacon de verre dans la poche de ma veste ». J.-P.T.
Publié en France en 2017 par Actes Sud, le recueil Le silence même n'est plus à toi rassemble quelques-unes des chroniques d'Asli Erdogan parues dans le journal Özgu?r Gu?ndem, où elle dénonçait les atteintes à la liberté d'opinion. Elle le fait avec une grande exigence poétique, mêlant lucidité et beauté de la langue.
Faut-il accueillir avec douleur, avec humour ou avec compréhension les paroles du grand chef qui, après avoir de facto privé des millions de femmes de leur droit à l'avortement, sur un ordre murmuré du bout des lèvres, déclarait le 8 Mars : « Je vais m'occuper personnellement du problème des femmes, comme je me suis occupé de celui de la cigarette ». Nous ne sommes pas du côté de la loi, mais de celui de la révolte ! Ceci n'est pas le slogan d'un seul jour, c'est notre réalité individuelle ! Ce sont les femmes qui changent la Turquie, qui la transforment et la transformeront. A.E
Le "Journal d'une femme de chambre", d'abord été publié sous forme de feuilleton dans les années 1890 avant d'être édité en 1900, est certainement l'un des textes les plus violents d'Octave Mirbeau. Véritable réquisitoire contre les moeurs bourgeoises, ce monologue féroce et cynique révèle les bassesses et les vices d'une classe sociale triomphante qui, dans le secret des alcôves, libère le poids de ses frustrations et de ses turpitudes.
« J'adore servir à table. C'est là qu'on surprend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse de leur nature. Tout ce que peut contenir d'infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des honnêtes gens. Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en attendant de s'en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c'est une des grandes et fortes joies de notre métier, et c'est la revanche la plus précieuse de nos humiliations. » O.M.
« C'est folie de croire que les périodes vides d'amour sont les "blancs" d'une existence de femme », écrivait Colette, en 1937. Car c'est le temps où peut fleurir sa vie propre, saison de poèmes comme l'atteste La Naissance du jour, composée l'été de ses cinquante-quatre ans. « L'âge où s'offre, en coupe d'oubli, le dernier amour n'est-il pas plutôt celui d'inventer, hors des dépendances, sa maturité au pays du soleil ? »
Zao est un ancien colonisé de famille aisée, elle, une très jeune femme blanche d'un milieu pauvre. La rencontre a eu lieu en Asie dans l'empire colonial. Paris, où ils s'exilent, va devenir le décor de la décrépitude du couple. Face à un racisme "ordinaire", Zao perd son statut social et se mure. Sa femme rêve à la fois de liberté et de rentrer dans la norme, mais se confronte à une terrible misogynie. Obnubilés par leurs tragédies personnelles, les deux personnages avancent l'un contre l'autre, jusqu'à devenir l'enfer de leur partenaire. À travers le couple et à l'intersection des dynamiques de race, de classe et de genre, Myriam Dao propose une exploration des mutations qui traversent la société française au tournant des années 1950.
Extrait : « Une ou deux fois on l'avait invitée à partager un café, mais elle hésitait à accepter de peur qu'au bout de cinq minutes de conversation ils ne découvrent sa situation véritable. Mais, après tout, pourquoi ne pas franchir le pas, prendre sa vie en main et quitter son mari ? Elle y pensait depuis longtemps. Son chef lui avait fait des avances, et, une après-midi, elle fut à deux doigts de lui confier ses rêves de partir loin. Mais tout ça, c'était sans compter avec la poisse. » Myriam Dao
« À la campagne l'été. Elle somnole, sur une chaise longue de rotin. Ses deux amis, Toby- Chien le bull, Kiki-la-Doucette l'angora, jonchent le sable. [...] Kiki-la-doucette : Tu crois qu'elle dort ? Elle cueille en ce moment, au potager, la fraise blanche qui sent la fourmi écrasée. Elle respire sous la tonnelle de roses l'odeur orientale et comestible de mille roses vineuses, mûres en un seul jour de soleil. Ainsi immobile et les yeux clos, elle habite chaque pelouse, chaque arbre, chaque fleur. [...] C'est pourquoi tu la vois si sage et les yeux clos, car ses mains pendantes, qui semblent vides, possèdent et égrènent tous les instants d'or de ce beau jour lent et pur. » Colette
« Lorsque Irène, sortant de l'appartement de son amant, descendit l'escalier, de nouveau une peur subite et irraisonnée s'empara d'elle. Une toupie noire tournoya devant ses yeux, ses genoux s'ankylosèrent et elle fut obligée de vite se cramponner à la rampe pour ne pas tomber brusquement la tête en avant... Quand elle s'en retournait chez elle, un nouveau frisson mystérieux la parcourait auquel se mêlaient confusément le remords de sa faute et la folle crainte que dans la rue n'importe qui pût lire sur son visage d'où elle venait et répondre à son trouble par un sourire insolent. [...] Partir, tout en elle ne voulait plus que partir, quitter cet appartement, cette maison, sortir de cette aventure pour rentrer dans son paisible monde bourgeois. Puis venaient les ultimes paroles qui cherchaient en vain à la calmer, et que, dans son agitation, elle n'entendait plus. »
« Je trouvai aimables la couleur sourde et rouge des lumières voilées, la blanche flamme en amande des lampes à opium, l'une toute proche de moi, les deux autres perdues comme des follets, au loin, dans une sorte d'alcôve ménagée sous la galerie à balustres. Une jeune tête se pencha au-dessus de cette balustrade, reçut le rayon rouge des lanternes suspendues, une manche blanche flotta et disparut avant que je pusse deviner si la tête, les cheveux dorés collés comme des cheveux de noyée, le bras vêtu de soie blanche appartenaient à une femme ou à un homme. » C.
À bien des égards, Renée, l'impétueuse narratrice de "La Vagabonde", se pose comme le double de Colette qui signe ici son roman le plus personnel. Comme elle, sa jumelle littéraire est divorcée, actrice de music-hall, écrivaine et surtout farouchement indépendante. Elle se laisse pourtant toucher par Max, un homme beau, brillant et riche : une intrigue simplissime dont Colette a l'audace de prendre le contre-pied pour mieux interroger l'indépendance, le courage et la liberté des femmes et réaffirmer leur force. Un roman profondément optimiste, provocante ode à la solitude, d'une remarquable intelligence.
« Le hasard, mon ami et mon maître, daignera bien encore une fois m'envoyer les génies de son désordonné royaume. Je n'ai plus foi qu'en lui, et en moi. En lui, surtout, qui me repêche lorsque je sombre, et me saisit, et me secoue, à la manière d'un chien sauveteur dont la dent, chaque fois, perce un peu ma peau... Si bien que je n'attends plus, à chaque désespoir, ma fin, mais bien l'aventure, le petit miracle banal qui renoue, chaînon étincelant, le collier de mes jours. » C.
Le destin tragique de la femme de 30 ans est aussi affreusement banal : Julie d'Aiglemont est mariée à un homme qu'elle n'aime pas. Malheureuse et délaissée, la seule façon pour elle de ne pas subir son mariage, est de tomber amoureuse d'un autre. Mais de morts malencontreuses en amours contrariées, ses amants et enfants illégitimes ne lui permettront pas d'échapper réellement au contrat auquel elle n'a eu d'autre choix que de se soumettre. Cette sombre histoire, résolument moderne, est sans doute le roman le plus engagé de Balzac, qui dénonce avec force et justesse l'oppression qui pèse sur les femmes.
« Le mariage, institution sur laquelle s'appuie aujourd'hui la société, nous en fait sentir à nous seules tout le poids : pour l'homme la liberté, pour la femme des devoirs. Nous vous devons toute notre vie, vous ne nous devez de la vôtre que de rares instants. Enfin l'homme fait un choix là où nous nous soumettons aveuglément. Oh ! Monsieur, à vous je puis tout dire. Hé bien, le mariage, tel qu'il se pratique aujourd'hui, me semble être une prostitution légale. De là sont nées mes souffrances. » H. de B.
« J'ai adoré ma mère, je ne l'ai pas aimée. De son côté, j'étais pour elle l'enfant des bois, le fruit d'une volupté inouïe : ce fruit, elle l'avait nourri dans sa dévotion enfantine, retour de la folle tendresse, angoissée et gaie, qu'elle me donnait, rarement, mais qui m'éblouissait. J'étais né de l'éblouissement de ses jeux d'enfant, et je crois qu'elle n'aima jamais un homme. [...] elle n'eut dans sa vie qu'un violent désir, celui de m'éblouir et de me perdre dans le scandale où elle se voulait perdue... sans doute pensait-elle que la corruption, étant le meilleur d'elle-même, en même temps que voie d'un éblouissement vers lequel elle me guidait, était l'accomplissement qu'appelait cette mise au monde, qu'elle avait voulue. » G.B.