Qu'est-ce que je ressens, moi, décolonisé, quand je contemple une photo de cette époque, de ce passé qui, sur injonction, a été décrété contemporain-pour-toujours ? Qui suis-je dans ce miroir qui devrait me refléter, et qui cependant m'efface pour toujours au présent ?
Il me faut scruter les détails, objets, silhouettes, bosquets, magasins, automobiles, qui peuplent l'arrière-plan ; les ombres aussi. Je tente d'aileurs de faire irruption dans celui-ci. Je m'imagine réincarné en 1961 : debout dans un angle mort, penché à une fenêtre, traînant dans une rue d'Alger, jetant un regard anxieux sur une « roumia », crapahutant sur la colline pelée... J'invente ma propre possibilité de vivant à cette époque.
Raymond Depardon photographie ce qu'il voit à la jonction de ce qu'il ne voit pas. Je regarde ce que je ne vois pas, en croyant savoir ce que cela signifie. Son oeil dans ma main. Son corps est ma mémoire.
Ce qui m'intéresse chez le photographe, c'est son corps, son errance, son voyage : je me glisse en lui, j'épouse ses mouvements, son regard, sa culture, ses préjugés peut-être, mais aussi sa singularité. Errance de déclic en déclic.
Je deviens une monstrueuse et fascinante coïncidence. Une possibilité, même brève et limitée, d'omniscience.
Ne devrais-je pas, alors, éprouver un sentiment proche de la frayeur ?
En parcourant ces photos, arraché à mon millénaire, transporté vers un autre, je pourrais tressaillir violemment. Je pourrais hurler à la possession - hurler d'effroi et de gratitude.
Située entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan, la Mer d'Aral s'évapore inexorablement depuis les années 60, conséquence du plan soviétique pour l'irrigation des champs de coton, dont la culture intensive a provoqué un désastre écologique et climatique sans précédent. La mer intérieure a perdu 90% de sa surface initiale. L'achèvement du barrage de Kokaral en 2005 a permis le retour de la mer et du poisson dans la partie nord mais condamne définitivement la partie sud, vouée à disparaître. Le photographe Grégoire Eloy, du collectif Tendance Floue, a réalisé plusieurs voyages en Ouzbékistan et au Kazakhstan entre 2008 et 2013 afin de partager le quotidien des pécheurs de la Mer d'Aral. Avec « Ressac » il nous livre un témoignage visuel en couleur et en noir et blanc de cette région marquée par l'avancée du désert, où les populations vivent entre mémoire et espoir de l'eau.
Ce projet est né suite à la rencontre entre le photographe et un ancien membre de la Camorra qui vivait dans ce quartier au nord de Naples : Scampia. Devenu écrivain-éducateur après une longue incarcération, Davide travaille ardemment dans cette cité, il s'occupe des enfants, ouvre une bibliothèque, une ludothèque et se bat avec quelques autres pour que ce quartier ne soit pas perçu comme l'antre de la Gomorra mais comme un quartier ordinaire où vivent des gens simples.
Dans ce quartier, l'un des plus pauvres d'Italie, la chance de vivre plus que 25 ans est de 4 sur 10. Le chômage endémique pousse à soit faire du travail au noir, soit et c'est bien plus la norme à être acteur du traffic de drogues (Scampia est considéréer comme le plus grand supermarché européen de vente de drogue au détail).
Dans cet essai photographique Oriane Zérah a choisi les fleurs comme fil conducteur afin de partager sa vision de ce pays déchiré par la guerre depuis plus de quarante ans. C'est le reflet d'une décennie de voyages à travers le pays, dont plus de six ans à vivre à plein temps à Kaboul. Très attachée à l'Afghanistan elle souhaite représenter son peuple - surtout ses hommes - d'une manière peu commune et surprenante. Ce projet se veut une excursion picturale enchanteresse dans un autre Afghanistan, celui qui ne se réduit pas à ses tragédies. Ce que ces images veulent montrer, c'est le pouvoir même des roses au-delà de leurs épines.
C'est sur les routes d'Afrique de l'Ouest, de 2013 à 2016 que je les ai rencontrés. Equipe´s pour la plupart de vieux argentiques des anne´es 70/80, ces photographes connaissent des difficulte´s, a` l'heure ou` le nume´rique prend le dessus. Sans formation solide, ils ont tout appris sur le terrain ou par le bouche a` oreille, et le re´sultat sur leurs photos s'en ressent : image e´crase´e par le flash frontal, cadrage peu soigne´, la mise au point qui n'est pas toujours au rendez- vous... En Afrique il n'y a pas encore de culture artistique en photographie, ce que les gens veulent, c'est du souvenir. De plus, les cou^ts mate´riel augmentent (pellicules, frais de labos, location du studio...), et la population n'a pas toujours les moyens de payer, une fois les impressions termine´es. Que se passera-t-il quand toute la population sera e´quipe´e et sera a` me^me de prendre des photos au rendu e´gal, voir supe´rieur a` celles des photographes ? Te´moin de ce virage dans leur profession et me sentant entre deux pages de l'histoire de la photographie en Afrique, j'ai souhaite´ les immortaliser avec leur troisie`me oeil, a` l'inte´rieur des studios et sur le terrain. Pour ainsi te´moigner des re´alite´s de leur me´tier, et conserver une trace d'une e´poque presque re´volue.
L'appareil «Polaroid» se révèle être un allié de taille lorsque l'on voyage parce qu'à l'instant de la prise de vue, on peut l'offrir à la personne photographiée et gagner sa confiance. C'est ainsi que je concevais mes photos polaroid de voyage comme des moments d'échange, de rencontre vraie et de partage. Ce sont ces images qui sont présentées ici et qui révèlent un Bénin, berceau du Vaudou, inédit, onirique et unique.
Cet ouvrage accompagne l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe - Parisdu 8 novembre 2022 au 26 mars 2023et au Centre de la Vieille Charité - Marseilledu 11 mai au 24 septembre 2023.
Les inattendues ou l'étonnant rendez-vous avec le moment opportun. Avoir la rue comme champ de vision avec un Leica en laisse, implique nécessairement quelques rencontres. Les fenêtres, cadres propices à la curiosité, sont le point d'orgue de cette quête appelée aussi « street photographie ». Point de précipitation pour une attention particulière. La simple démarche encline à cet exercice, et plusieurs films plus tard vos fenêtres composeront un thème si cher aux amoureux de l'image
Mon récit familial a souffert de grands vides et d'un lourd silence. Mais ma généalogie de voyageurs m'a bercée de lointains. À travers toutes ces images personnelles ou d'archives familiales et ces cartes patiemment dessinées par mon grand père, j'ai tenté de reconstituer cet outre-mer imaginaire ...
Des voyages à travers le monde. Ici le temps ne compte pas. Peu importe l'origine, les enfants sont rois. C'est à travers des rues étroites, des immeubles dévastées ou des terrains vagues faisant office de rues, des enfants qui jouent, qui vivent ou qui travaillent que le photographe nous balade.
Réalisées dans différents continents, du Brésil au Mexique, de l'Italie à la Finlande, du Limousin à la Provence les images de la photographe Angélique Boudet se marient aux impressions et aux sentiments que la Terre inspire à ses admirateurs, les astronautes et cosmonautes, qui ont pu vivre l'expérience extraordinaire de la contempler depuis l'espace. Tous en sont partis en techniciens et en sont revenus en humanistes.
Un regard d'éveil et de reconnexion et de grandes bouffées d'émotion et d'émerveillement.
Aka Zidane est un projet photographique réalisé en Afrique. Un état des lieux original révélé grâce au « maillot de foot » porté tous les jours par des milliers de jeunes Africains comme costume de héros contemporain. Amoureux de foot dans mon enfance, photographe en Afrique depuis 15 ans, aujourd'hui, je reconnais les miens : ceux qui portent le maillot et se projettent dans d'autres vies que les leurs.
Personne n'a vraiment intérêt à voir les médias rapporter la situation du Yémen de l'intérieur comme de l'extérieur. Après avoir essayé pendant plus d'un an d'obtenir les autorisations et les visas nécessaires pour se rendre dans le nord, Véronique de Videguin et ses équipières ont décidé en octobre de se rendre dans le sud Yémen et de passer illégalement dans le nord, seule solution pour y pénétrer. Elles ont ensuite été coincées dans le nord pendant un mois, à cause notamment du blocus de l'Arabie Saoudite. Pourchassées par les Houthis et sous la protection d'Amat et ses ministres, elles ont finalement pû nous rendre à Saada, Hajjah, Ibb et Sanaa pour réaliser ce reportage sur la situation des Yéménites du nord.
Les photographies de ce livre sont le résultat de trois années de voyage à Alger. Le photographe a pris le parti d'utiliser la technique du polaroid. Pour chaque portrait, il a offert l'instantanée au sujet et gardé le négatif, comme un envers du décor, immémorial et révélateur de la réalisation de ce travail.
Jean Paul Olive présente dans cet album une nouvelle odyssée argentique, aventure d'un voyageur infatigable, à contre-pied du tout numérique. La réalité n&b, en images fortes de la Grèce assise sur son passé questionne le présent. Le jeu de la marelle à cloche-pied de terre à mer, de personnages à paysages, de lutte entre ombre et lumière, fait échos aux mots de Blaise Cendrars, lançant ses chaussures par-dessus bord, pour aller au bout de ces îles inoubliables.
C'est à travers des photos conceptuelles que Mahmoud Alkurd nous fait partager sa propre vision de la catastrophe qu'ont subie les Palestiniens dans la bande de Gaza lors de l'attaque d'Israël en 2014, Bordure de Protection. Les récits très réalistes de l'écrivain Mo'men Ashour, tirés de faits réels, apportent la consistance du vécu traumatique à ces images poïétiques. Aujourd'hui, la situation géopolitique et humanitaire n'a pas changé.
Apparus il y a trois siècles en Russie, les Doukhobors formaient une communauté pacifiste qui rejetait la liturgie de l'Église et s'opposait à tout gouvernement civil. Leur histoire a ainsi été faite de persécutions, de privations de liberté et de déportations. Malgré les conditions difficiles qui leur furent imposées, ils restèrent fidèles à leurs convictions : exilés de Crimée en Géorgie, ils fondèrent plusieurs villages dans la région de Jakhaveti. Mais pour fuir les représailles, une partie importante de la communauté choisit de partir pour le Canada au début du 20ème siècle, soutenue par Tolstoï et ses partisans.
Très inspirée par la nature, Angélique Boudet tente de voir plus loin que ce que les arbres laissent apparaître. Pour elle, la nature représente l'essence des choses, la pureté, la vie et la mort, la source, la base de toute chose. La nature était sur terre bien avant nous et bien avant les villes et nous rappelle le temps qui passe (et dont la photographie témoigne).
Ils se prénomment Rylee, Donovan, Gracie, Catalyan, Lily, Michael... ils ont entre 3 et 17 ans et vivent au Texas, dans l'Idaho, en Louisiane, dans l'État de New York... Ces enfants et adolescents ont posé devant l'appareil du photographe Laurent Elie Badessi arme à la main et ont tous répondu clairement à cette question toute simple : « Qu'est-ce qui te plaît dans les armes à feu ? » Si l'objectif de ce travail photographique consiste à explorer l'attraction évidente que représentent les armes pour une grande partie d'américains, ce livre nous invite aussi à regarder en face cette réalité sociale, politique et morale.
Après la destitution de Saddam Hussein en 2003 et le mensonge d'Etat international au sujet de la possession de l'arme nucléaire en Irak, le pays n'en peut plus de pleurer ses morts. Les sunnites se retrouvent marginalisés, les chiites ont pris le pouvoir, on a vu émerger la menace : Daesh. Véronique de Viguerie et Manon Querouil-Bruneel ont enquêté ces dernières années en Irak et rendent compte de sa situation de catastrophe politique, humanitaire et sociale.
Les chiites se regroupent pour combattre Daesh, les sunnites se plaignent des chiites. Tout ce monde se côtoie, essaie de cohabiter, on y rencontre même des couples mixtes de différentes confessions. Mais la rancoeur existe toujours. Certains pensent, d'autres disent que les racines du mal sont encore bien présentes, favorisant la gestation d'un autre monstre, bien pire que Daesh.
D'abord il y a les roches blanches ; les arbustes, les touffes hirsutes et colorées, et peut-être aussi le bruit de la ville au loin, comme diffus. Ce n'est pas l'Irlande, en dépit des chaussées de géant et de quelques alignements de murets séculaires, par l'Angleterre non plus malgré dans le vent ces bosquets mal peignés à la Winslow Homer, ni même l'Italie - et pourtant ce que dessinent les traces.
Après plusieurs voyages dans la capitale, le photographe, muni de son moyen format, nous fait découvrir avec des images très posées, des quartiers et des lieux de la ville en perpétuel mouvement.
Le voyage se poursuit et avec, la découverte de ces lieux d'Alger qui s'expriment dans le paradoxe de la touffeur, du bruit et de ces images toujours saisissantes de calme et d'intemporalité.