Mikhaïl Boulgakov Récits d'un jeune médecin La Russie des années 20 : un univers campagnard enfoncé dans la boue et les hivers rigoureux, hanté par des traditions immémoriales, rongé de tabous et de superstitions.
Tandis que dans les grands centres urbains la révolution bouleverse la vie et les mentalités, dans les profondeurs du pays un jeune médecin consacre ses forces à lutter contre le fatalisme et la résignation ambiants. Sept nouvelles racontent avec brio l'ordinaire de sa vie, où le pathétique sans cesse côtoie le drame, mais aussi, parfois, le grotesque et la farce. Un accouchement difficile, une intervention chirurgicale délicate, un voyage au coeur d'une violente tempête de neige pour rejoindre un malade éloigné... le moindre épisode, la plus mince anecdote tirés du quotidien revêtent sous la plume de Boulgakov la puissance de l'extraordinaire.
Les Récits d'un jeune médecin sont suivis de Morphine et des Aventures singulières d'un docteur. Morphine est l'un des plus beaux textes de Boulgakov, le seul où il explore jusqu'au vertige les gouffres de la détresse, de la maladie et de la folie.
Ivan Gontcharov Oblomov Oblomov ? D'abord un mythe littéraire aussi vivant et emblématique en Russie que Don Juan, Don Quichotte ou Faust pour le reste du monde. Et ce mythe a inspiré un néologisme : l'oblomovisme. Une manière d'être, de penser, d'imaginer et surtout de patienter. En un mot, une manière slave de vivre.
Oblomov, dans le moelleux de sa vieille robe de chambre orientale, est un propriétaire terrien. Un personnage qui laisse passer le temps. Parler de paresse serait trop simple. Oblomov se livre plutôt à une sorte de rêverie utopique et engourdissante. Alors il peut renouer avec les dorlotements de son enfance. Proie facile, il est exploité, grugé, dépouillé par son entourage. Et sa fiancée Olga a bien du mérite à vouloir le sauver. En fait, Oblomov va tout perdre, jusqu'à sa santé. Mais dans une sorte de bonheur léthargique, d'humilité et d'accomplissement accepté du destin.
Publié en 1858, le roman de Gontcharov est l'un des plus grands romans de la littérature russe du xixe siècle. Tour à tour émouvant, drôle, tendre, avec des moments de lyrisme teintés parfois d'érotisme. « Une oeuvre capitale », disait Tolstoï. « Servie par un talent éblouissant », ajoutait Dostoïevski.
Marina Tsvetaeva (1892-1941) fut l'un des plus grands écrivains russes du xxe siècle. Elle connut un tragique destin : après la révolution d'Octobre, le long exil, d'abord à Prague puis en France, une fille morte de faim, une autre déportée vers le Goulag, l'hostilité de l'émigration russe, l'indifférence du Paris littéraire, le retour contraint en Union soviétique, ses appels désespérés à Beria ou Staline... jusqu'à son suicide. Tout cela, Marina l'a écrit, avec une minutie poignante, poursuivant sans relâche son monologue dans des cahiers de brouillon et des carnets. Seule la mort l'a empêchée d'en faire un livre. Pour établir ce qui constitue une véritable autobiographie de Tsvetaeva, Tzvetan Todorov a extrait des dix tomes d'écrits intimes publiés en russe la matière d'un volume, Vivre dans le feu : un chef-d'oeuvre.
A travers le personnage d'Arséniev, l'écrivain russe Ivan Bounine décrit sa propre jeunesse à la campagne, dans la région des steppes. D'emblée, La Vie d'Arséniev nous plonge dans l'univers intime d'un enfant solitaire élevé dans une nature dépouillée, qui s'étend à perte de vue... Accomplissant un intense travail de mémoire, Bounine bâtit le canevas précis d'une enfance, à une époque d'extrême déchéance de la noblesse russe. Les périples au coeur d'une Russie poétique, chaleureuse, interlope, la rencontre avec des personnages insolites, la vie sentimentale - marquée par la violence - d'un homme aussi despote que séduisant forment la trame de ce magnifique et puissant exercice de réminiscence et d'écriture. Avec, en toile de fond, un monde destiné à disparaître...
" Le docteur Iachvine se tourna brusquement vers moi, et je remarquai que son regard se faisait soudain pesant :
[...] - J'ai tué, précisa-t-il.
- Quand cela ? repris-je de façon saugrenue.
Iachvine indiqua le chiffre " 2 " et répondit :
- Pensez un peu, quelle coïncidence. Dès que vous avez commencé à parler de la mort, j'ai regardé le calendrier, et j'ai vu que nous étions le 2. Du reste chaque année cette nuit-là me revient en mémoire.
Voyez-vous, il y a de cela sept ans nuit pour nuit, et même... Iachvine sortit une montre noire, la regarda... oui, presque heure pour heure, dans la nuit du 1 er au 2 février, je l'ai tué.
- Qui cela ? Un patientoe demanda Guins.
- Oui, un patient.
- Mais non sciemment ? fis-je.
- Si, de façon délibérée, répondit Iachvine. "
Ce recueil de 26 textes, nouvelles, chroniques de la Russie des années 1920 -à 80 % inédits- , plonge le lecteur dans l'ambiance du communisme de guerre et de la NEP (nouvelle économie politique). L'auteur brosse une galerie de portraits (Nepman, ouvriers, paysans et gens du peuple) qui illustre la société soviétique de cette époque.