Cette anthologie poétique couvre l'oeuvre de Nouri al-Jarrah, grand poète syrien, de 1988 à 2019. Le livre s'ouvre sur les écrits les plus récents, de longs poèmes en plusieurs chants, inspirés notamment de la mythologie grecque, et marqués par la tragédie syrienne, pour aboutir à l'un des premiers recueils du poète, quand sa voix commençait à acquérir sa propre tonalité. Nouri al- Jarrah est sans doute l'un des très rares poètes arabes vivants, sinon le seul, à marier avec bonheur l'épique et le lyrique, qui plus est dans une langue où transparaît son souci constant de la sonorité des mots.
Affamé, Abou Ali le chacal se déguise en pèlerin pour mieux tromper ses proies. Il affirme à la poule, au coq et à la perdrix, étonnés de ne pas le voir se lancer à leurs trousses pour les dévorer, qu'il renonce à la consommation de viande... Impressionnés par tant de ferveur, les trois volatiles s'embarquent à sa suite dans ce vertueux pèlerinage. Tenaillé par la faim, Abou Ali change brutalement les règles du jeu et dévore ceux qu'il juge coupables de péchés.
Seule la perdrix lui échappera, soudain consciente qu'il n'a jamais été question pour le chacal de se repentir !
Une fable animalière savoureuse sur la roublardise des puissants, le suivisme des imprudents et la possibilité d'un sursaut de clairvoyance - véritable ressort de l'instinct de survie.
Epuisé depuis de nombreuses années, nouvelle édition du roman paru en 1987. Dans la chaleur torride de l'été, le narrateur prend le train du Caire à Assouan. C'est l'époque glorieuse du Haut-Barrage édifié par Nasser. Les maîtres de la Technique transforment la nature comme le sculpteur métamorphose le marbre. Mais l'irrépressible vocation de l'Egypte à la démesure du monumental confirme la bureaucratie dans sa pesanteur... et la police dans sa suspicion. A la suite du narrateur, le lecteur découvre la détresse des Nubiens chassés de leur sol, vie des techniciens et ouvriers - gens du Caire et du Delta -, misère des paysans, frustrations des militaires, réclusion des coopérants soviétiques et de leurs épouses furtivement regardées, et désirées comme d'autres blanches touristes. Ce roman puissant, tire sa beauté et sa complexité du bouleversement des entrailles d'une Egypte qui se veut à la hauteur de son éternité. Plus particulièrement encore lorsque la narration est entrecoupée de fragments des carnets de Michel-Ange, de chroniques pharaoniques, de flash-back arrachés aux années de prison de Sonallah Ibrahim ou à son enfance lointaine.
Jawad est le fils cadet d'une famille chiite de Bagdad. Son père le prépare à exercer la même profession rituelle que lui, celle de laver et de préparer les morts avant leur enterrement. Mais Jawad s'y refuse et rêve de devenir sculpteur «pour célébrer la vie plutôt que vivre avec les trépassés».
Au début du XIXe siècle, dans un quartier populaire du Caire, des relations de voisinage et d'amitié se nouent entre trois hommes : Yazid, dont les parents ont péri à Alexandrie lors de l'invasion des troupes de Bonaparte ; 'Ata, qui vient de se marier avec une jeune femme d'origine maghrébine ; enfin, le cheikh Qalyoubi, enseignant à la mosquée-université d'Al-Azhar.
Les trois amis vivent ensemble les péripéties de l'expédition française, surtout les deux révoltes du Caire, puis la prise du pouvoir par Muhammad Ali, l'officier albanais qui va entreprendre la modernisation de l'Egypte. Mahfouz nous conte l'histoire des descendants de ces trois personnages jusqu'à la fin du XXe siècle. A travers eux, c'est la société égyptienne tout entière qui nous est restituée, avec ses luttes de classes, ses conflits de générations, ses métamorphoses, mais aussi son identité irréductible.
Ce roman, l'avant-dernier de Mahfouz, est un feu d'artifice offert à ceux qui l'ont accompagné fidèlement tout au long de sa carrière. Il se présente sous la forme d'un dictionnaire biographique où les personnages sont classés par ordre alphabétique, sans le moindre souci chronologique. Trois arbres généalogiques se dessinent ainsi, peu à peu, comme un puzzle, et leurs branches s'entrelacent pour former une fresque qui parachève aussi bien le cycle réaliste de l'auteur que ses romans et nouvelles écrits sous le choc de la défaite de 1967.
Kamal Achour, d'origine tunisienne, enseigne les mathématiques dans une université parisienne. Il a soixante ans et mène une vie bourgeoise avec sa femme française, Brigitte, dans un immeuble où les résidents sont de nationalités diverses et ont des occupations fort disparates. Au cinquième étage habite une Tunisienne, Zohra, qui travaille occasionnellement comme femme de ménage pour nourrir sa petite famille : un mari aux moeurs étranges et un enfant handicapé. Fier de son ascension sociale, méprisant vis-à- vis de ses anciens compatriotes, Kamal ne peut pourtant s'empêcher de sympathiser peu à peu avec Zohra et, tout à son jeu de séduction, finit par tomber amoureux d'elle. Son rêve le plus cher, à elle, est de rentrer en Tunisie...
S'inscrivant avec finesse et humour dans le microcosme d'un immeuble comme il y en a tant à Paris, ce roman aborde subtilement les questions brûlantes de l'immigration et de l'acculturation, à travers un personnage tout en ambivalences. La Voisine du cinquième a obtenu le prestigieux prix Katara en 2021.
Ce volume rassemble l'essentiel des chants d'al-Andalus. Les voix de quarante poètes, hommes ou femmes, princes ou gens du peuple, courtisans ou soufis, sont convoquées ; les différents genres poétiques sont déclinés à travers leur diversité régionale et leur évolution au cours des siècles.
Roman initiatique dont le héros, Ibn Fattouma, révolté par la corruption qui règne dans son pays et encouragé par son maître spirituel, se décide à partir à la recherche d'une cité lointaine, réputée vertueuse, dite Dâr al-Jabal, la Demeure de la Montagne.
Anthologie puisée dans quatre recueils de poèmes dont la publication s'est étalée de 2009 à 2019 : "Un billet pour deux" (2009), "Prière pour le début du gel" (2014), "Métaphysique du renard" (2016), "Le deuil ne porte pas de couronne"(2019). Accablé au cours de ces années par la disparition, l'un après l'autre, de ses proches amis, notamment le poète Bassam Hajjar (auteur de "Tu me survivras") et l'écrivaine et éditrice Mayy Ghoussoub, et grièvement blessé lui-même dans un accident de la route qui l'a plongé deux semaines dans le coma, le poète donne libre cours dans ces recueils au même sentiment de perte, mais avec des tonalités très variées allant du cri de douleur à la méditation métaphysique chuchotée. Il confirme de nouveau sa place parmi les plus grands poètes arabes contemporains.
Cette anthologie bilingue est une traduction en vers rythmés et rimés, accompagnée d'une étude substantielle sur l'oeuvre de Mutanabbî (915-965), considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps. Déjà de son vivant et encore des siècles après sa mort, les poèmes somptueux et les textes satiriques de ce panégyriste qui a toute sa vie sillonné le Moyen-Orient n'ont cessé d'être lus, commentés et récités.
Après six ans de séjour en France, où il a obtenu un diplôme d'études cinématographiques, le narrateur décide de rentrer au pays. Dès son arrivée à l'aéroport de Damas, il est arrêté par la police politique et conduit dans un bâtiment sinistre du centre-ville, appartenant aux Services de renseignements. Là, il est violemment frappé avant d'être accusé contre toute vraisemblance, lui, le chrétien grec-catholique, d'être membre du mouvement des Frères musulmans. Quelques jours plus tard, il se retrouve dans la gigantesque et terrible prison du désert, en compagnie de milliers de détenus. Commence alors son calvaire qui va durer treize ans... Ce récit, qui se présente comme un journal, restitue sous une forme légèrement romancée les choses vues et entendues par Moustafa Khalifé durant son long enfermement dans les prisons syriennes. Les scènes se succèdent, d'autant plus insoutenables qu'elles sont décrites sobrement sans vaine rhétorique ni pathos. Elles donnent à voir, non seulement la barbarie des geôliers, mais aussi le processus de déshumanisation des détenus et, au-delà, de toute la société.
Après avoir bourlingué à travers le monde, Zakaria Moubarak rentre dans son village natal, à l'est de Beyrouth. Quelques mois plus tard, on découvre son cadavre dans le terrain hérité de son arrière-grand-mère. L'enquête explore plusieurs pistes, de la vendetta familiale au règlement de comptes mafieux lié à une toile - volée à une ancienne maîtresse - qui serait un original de Chagall. Empreint d'un irrésistible charme cosmopolite, ce formidable roman, le septième de l'auteur, distille le mystère tout en déployant une foisonnante chronique libanaise.
Sous ce nom (le Fou, ou le Fou de Laylâ : Majnûn Laylâ) se cache un jeune homme, Qays ibn al-Mulawwah, qui n'a peut-être jamais existé. D'entrée de jeu, il s'agit d'un inextricable duo entre histoire et légende. La première nous dit qu'au désert d'Arabie, dans la seconde moitié du VIIe siècle, circulent des poèmes chantant un amour parfait et impossible. Leurs auteurs, sous divers noms, se veulent, d'une tribu à l'autre, les meilleurs dans le genre, et pour avoir vécu cet amour, et pour le dire.
La légende, elle, nous parle d'un jeune homme, Qays, de la tribu des Banû 'Amir, qui tombe amoureux de sa cousine Laylâ. Tout devrait concourir à leur bonheur : ils n'ont aucune crainte quant à l'accord de leurs familles, portées, comme les autres, à ce type de mariage entre cousins. Mais voilà... Qays est poète, et il décide de chanter son amour à tous vents. Ce faisant, il enfreint une règle majeure du code bédouin. Dès lors, tout s'enchaîne : le refus de la famille, le mariage forcé de Laylâ, son départ de la tribu, Qays sombrant dans la folie et allant vivre avec les bêtes du désert, sa mort enfin, d'épuisement et de douleur.
Quel qu'en soit l'arrière-plan social, la légende crée un mythe : celui de l'amour parfait et impossible. De tous les poètes qui l'ont chanté dans l'Arabie de ce temps, Majnûn est sans doute le plus grand. Homme de chair et de sang, ou personnage inventé, il fixe au poème un unique sujet : l'amour dans toutes les variations possibles.
" jamais nos exils ne furent vains, jamais en vain nous n'y fûmes envoyés.
Leurs morts s'éteindront sans contrition. aux vivants de pleurer l'accalmie du vent, d'apprendre à ouvrir les fenêtres, de voir ce que le passé fait de leur présent et de pleurer doucement et doucement que l'adversaire n'entende ce qu'il y a en eux de poterie brisée. martyrs vous aviez raison. la maison est plus belle que le chemin de la maison. en dépit de la trahison des fleurs. mais les fenêtres ne s'ouvrent point sur le ciel du coeur et l'exil est l'exil.
Ici et là-bas. jamais en vain nous ne fûmes exilés et nos exils ne sont passés en vain. et la terre se transmet comme la langue " (extrait).
Fondé sur un événement révélé en 2003 par la presse israélienne, celui du viol et du meurtre en 1949 d'une jeune bédouine du Néguev, un roman dense et décapant qui, au-delà du conflit israélo-palestinien, dénonce le viol comme arme de guerre et aborde subtilement le jeu de la mémoire et de l'oubli.
Reclus dans une chambre d'hôtel, un écrivain dénommé Monsieur N. ressasse les souvenirs de son enfance malheureuse. La femme qu'il a vraiment aimée l'a quitté, et il vient de constater que les pages qu'il a écrites pour se défouler depuis qu'il est à l'hôtel ont disparu. Hanté par le héros de l'un de ses romans, un tueur, il parcourt les bas-fonds de Beyrouth à sa recherche, le retrouve, mais le fuit précipitamment, paniqué à l'idée que l'autre le reconnaisse. Tout se confond dans sa mémoire : les événements vécus, les intrigues de ses romans, les rêves et les cauchemars... Qui est finalement ce mystérieux Monsieur N. ? On ne le saura qu'à la toute dernière page de ce roman haletant, certainement l'un des plus prenants et des plus ingénieux publiés en arabe ces dernières années.