Porté par l'auteur dès l'âge de quinze ans, écrit et détruit trois fois en arabe, transformé à travers cinq versions anglaises avant de paraître sous sa forme définitive en 1923, le prophète connut un succès instantané et fut traduit dans des dizaines de langues.
Imitant la simplicité du verset biblique, gibran y popularise un syncrétisme nourri de christianisme, de soufisme et de bouddhisme. inspiré par le zarathoustra de nietzsche, son personnage, al-mustafa, s'adresse à la foule avec des images fugaces, empruntées à la nature. ne cherchant pas à convaincre, il atteint l'universalité en proposant une méditation philosophique sans pesanteur logique. solitaire, taciturne, il prône la connaissance de soi pour se dissoudre dans l'ultime totalité.
Dans une atmosphère éthérée qui évoque l'imagination visionnaire de blake, il prêche titre morale panthéiste soumise à la loi de l'éternel retour.
Cette anthologie poétique couvre l'oeuvre de Nouri al-Jarrah, grand poète syrien, de 1988 à 2019. Le livre s'ouvre sur les écrits les plus récents, de longs poèmes en plusieurs chants, inspirés notamment de la mythologie grecque, et marqués par la tragédie syrienne, pour aboutir à l'un des premiers recueils du poète, quand sa voix commençait à acquérir sa propre tonalité. Nouri al- Jarrah est sans doute l'un des très rares poètes arabes vivants, sinon le seul, à marier avec bonheur l'épique et le lyrique, qui plus est dans une langue où transparaît son souci constant de la sonorité des mots.
Ce volume rassemble l'essentiel des chants d'al-Andalus. Les voix de quarante poètes, hommes ou femmes, princes ou gens du peuple, courtisans ou soufis, sont convoquées ; les différents genres poétiques sont déclinés à travers leur diversité régionale et leur évolution au cours des siècles.
Anthologie puisée dans quatre recueils de poèmes dont la publication s'est étalée de 2009 à 2019 : "Un billet pour deux" (2009), "Prière pour le début du gel" (2014), "Métaphysique du renard" (2016), "Le deuil ne porte pas de couronne"(2019). Accablé au cours de ces années par la disparition, l'un après l'autre, de ses proches amis, notamment le poète Bassam Hajjar (auteur de "Tu me survivras") et l'écrivaine et éditrice Mayy Ghoussoub, et grièvement blessé lui-même dans un accident de la route qui l'a plongé deux semaines dans le coma, le poète donne libre cours dans ces recueils au même sentiment de perte, mais avec des tonalités très variées allant du cri de douleur à la méditation métaphysique chuchotée. Il confirme de nouveau sa place parmi les plus grands poètes arabes contemporains.
Cette anthologie bilingue est une traduction en vers rythmés et rimés, accompagnée d'une étude substantielle sur l'oeuvre de Mutanabbî (915-965), considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps. Déjà de son vivant et encore des siècles après sa mort, les poèmes somptueux et les textes satiriques de ce panégyriste qui a toute sa vie sillonné le Moyen-Orient n'ont cessé d'être lus, commentés et récités.
" jamais nos exils ne furent vains, jamais en vain nous n'y fûmes envoyés.
Leurs morts s'éteindront sans contrition. aux vivants de pleurer l'accalmie du vent, d'apprendre à ouvrir les fenêtres, de voir ce que le passé fait de leur présent et de pleurer doucement et doucement que l'adversaire n'entende ce qu'il y a en eux de poterie brisée. martyrs vous aviez raison. la maison est plus belle que le chemin de la maison. en dépit de la trahison des fleurs. mais les fenêtres ne s'ouvrent point sur le ciel du coeur et l'exil est l'exil.
Ici et là-bas. jamais en vain nous ne fûmes exilés et nos exils ne sont passés en vain. et la terre se transmet comme la langue " (extrait).
Par la richesse exceptionnelle de son vocabulaire, ses fougueuses sonorités et la luxuriance de ses images, empruntées aux rudes paysages de son village natal, à sa flore et sa faune, l'écrivain kurde syrien, Salim Barakat, construit une oeuvre poétique qui ne compte pas moins de vingt titres, et qui rivalise en originalité avec son imposante oeuvre romanesque.
Iman Mersal est l'une des plus belles voix poétiques de l'Égypte d'aujourd'hui. Cette anthologie retrace son itinéraire à travers quatre recueils. Les deux premiers restituent, non sans autodérision, ses années d'apprentissage au sein de la bohème littéraire du Caire. Dans les deux derniers, composés au Canada où elle réside depuis 1998, elle revient, avec ironie, sur son exil volontaire.
"un livre de passion dont la science a cette qualité si rare de ne jamais peser, la saveur des textes cette vérité qui n'appartient qu'aux trahisons ferventes.
" claude-michel cluny, le quotidien de paris. "abû nuwâs, poète de la transgression. " tahar ben jelloun, le monde. "comment aussi ne pas évoquer le shakespeare des sonnets ou cavafy l'alexandrin ?" yves thoraval, les nouvelles littéraires.
Ce livre regroupe deux recueils de poésie, le premier porte un regard sur la Mésopotamie contemporaine et historique, réelle et rêvée, tandis que le second, tourné vers le présent, est dédié tantôt à la volupté de l'amour, tantôt aux rêveries convoquées par la contemplation de paysages.
qu'il évoque son incarcération dans un camp militaire israélien, qu'il médite sur sa condition de poète dans un monde où bien des choses "ne se disent pas en deux langues" ou qu'il affronte le mystère de la mort, abbas beydoun s'affirme dans cette anthologie comme une figure majeure de la modernité poétique arabe.
De la fin du VIIIe siècle à la moitié du Xe siècle, Bagdad concentre les forces littéraires arabes et les porte à maturité. Une longue tradition poétique s'y recueille, y trouve sa formulation théorique et son illustration, cependant que des tendances plus modernistes travaillent le modèle classique. S'il est un Siècle d'or des lettres arabes, c'est en ce lieu et en ce temps qu'il s'épanouit. Pour donner un aperçu significatif de ce corpus foisonnant, les auteurs ont puisé largement dans l'oeuvre d' Abû Nuwâs, Abû Tammâm , Ibn ar-Rûmî et Ibn al Mu`tazz, quatre voix immédiatement reconnaissables par une liberté de ton et une maîtrise de haute volée. D'autres poètes d'importance (Bashshâr, Muslim, Al-Buhturî, Al-`Abbâs ibn al Ahnaf) fournissent un intéressant contrepoint aux genres amoureux, bachique, descriptif ou laudatif, lorsqu'ils n'illustrent pas avec vigueur le genre sapiential (Abû l-`Atâhiya). Si ces poètes sont peu connus en France car peu traduits, que dire d'autres figures de moindre envergure, situées en marge de l'histoire littéraire officielle ? Certains d'entre eux sont méconnus du public arabe lui-même, et pourtant, leurs accents satiriques, leurs vers pleins de dérision et de violence tranchent sur la poésie reconnue. Ces pièces populaires, taillées pour l'amusement et la délectation d'un large public, étonnent au milieu des draperies du grand style ; elles ne sont pas les moins proches de nous.
Doté d'une puissante charge poétique, ce pur chef-d'oeuvre de la tradition mystique musulmane et de la littérature arabe classique consiste en une parole elliptique, énigmatique, incisive, qui demeure rétive à tout déchiffrage symbolique, ainsi qu'à toute réduction rationnelle. Sa découverte dans les années 1960 a exercé une profonde influence sur la poésie arabe moderne. Toute la vie de Niffari, mystique errant, était une quête de l'Absolu, et tout dans son oeuvre est transcendance. Celle-ci impose sa propre forme expressive, qui se place par-delà la distinction entre prose et poésie, entre poésie et pensée, pour inaugurer ce que Sami-Ali, traducteur des Haltes, appelle une poésie de la pensée.
«Quand le moment viendra, tu diras que les souvenirs imités sont plus nombreux que les originaux. Que le poème préfère simuler le désir, et qu'avec une drogue de jeunesse il dupe la langue, rarement gratifi ée d'une érection authentique. Tu diras qu'un travail accompli demande du temps avant qu'on ne découvre qu'il s'agit d'un faux, et que c'est le pari du poème. Quand viendra le moment, tu diras qu'on ne peut pas faire le tri dans une mémoire contaminée, et qu'il sera diffi cile d'en extraire les mouches. Tu diras que les viscères s'enchevêtrent à l'intérieur, et qu'on ne voit pas bien à de telles profondeurs. L'expérience brûle là-bas dans une fumée noire, le reste se transforme en bêtise rose, et l'on ne voit pas bien à de telles profondeurs.»
Les poèmes réunis dans ce livre sont extraits des deux derniers recueils d'Abbas Beydoun. Ils se situent délibérément au croisement de plusieurs langages appartenant à différents genres littéraires ou artistiques : la prose journalistique s'y mêle aux concepts de la philosophie, le narratif au lyrique, les procédés littéraires aux techniques des arts visuels, de la peinture au cinéma. Considérant que la poésie n'existe pas par elle-même, mais comme poétisation de ce qui ne ressort pas d'ordinaire du langage poétique, Abbas Beydoun «tord le cou» à l'éloquence arabe traditionnelle pour inventer une nouvelle écriture. Et celle-ci n'est pas sans rappeler parfois certaines expériences plastiques européennes et américaines d'avant-garde.
Wadih Saadeh fait partie de cette génération de poètes libanais fortement marquée par la guerre et qui s'est épanouie, au milieu des années 1980, en rompant avec le langage des aînés, qu'il s'agisse des pionniers irakiens, comme Sayyâb, ou des ténors de la revue Shi'r, comme Adonis ou Ounsi et-Nage. Il a d'emblée opté pour une poésie quotidienne en prose, qui tantôt résonne des échos de la guerre, tantôt restitue les images d'une enfance paysanne. Toute son oeuvre peut cependant être lue comme une méditation lucide au bord du gouffre, une tentative d'apprivoiser le néant par la nonchalance. Poésie exigeante, d'une haute tenue esthétique et éthique, qui a exercé une influence certaine, quoique souterraine, sur les meilleurs poètes libanais, et plus généralement arabes, des vingt dernières années. Cette première anthologie en français de Wadih Saadeh regroupe par ordre chronologique des poèmes extraits de ses recueils publiés depuis 1973.
" qays, amoureux de laylâ et né, pour leur malheur à tous deux, poète, décide de la chanter.
Il va, ce faisant, la perdre, et il le sait . la famille de laylâ, importunée par le bruit fait autour d'elle, interdit à qays de la voir, obtient même, du calife de damas, permission de le tuer s'il s'entête à étaler ainsi son amour, à jouer de ruse pour continuer de voir sa bien-aimée. les obstacles, peu à peu, font perdre la raison à qays : il devient majnûn, le fou. son père l'emmène à la mekke, le supplie d'y prier dieu, de lui demander guérison de cette folie.
Majnûn accepte, mais à la mekke, dans la nuit, une voix crie le nom de laylâ. a force d'être racontée, amplifiée, embellie, l'histoire de majnûn a fini par s'intégrer tout à fait au patrimoine. la légende est devenue biographie. il n'est pas si indifférent de penser que l'amour, bien avant de trouver le chemin de notre occident, avait chanté si loin de nous, là-bas, sous le ciel de l'arabie, en son désert, avec ses mots.
" andré miquel.
Né en 932 et mort, encore jeune, en 968, Abû Firâs était un prince de la famille hamdanite, dont l'un des membres, son cousin Sayf al-Dawla, régnait sur la Syrie du Nord et la haute Mésopotamie au xe siècle.
Gouverneur de province et engagé en tant que tel dans les interminables guerres contre les Byzantins, il incarne dans l'histoire de la poésie arabe le personnage du preux chevalier doublé d'un poète élégiaque qu'on dirait parfois préromantique. Les Rûmiyyât (Byzantines) constituent la partie la plus justement célèbre de son oeuvre, composée durant sa captivité à Constantinople. Il y exprime avec une poignante simplicité sa nostalgie du pays natal, décrit ses lourdes chaînes de prisonnier, évoque douloureusement le souvenir de sa vieille mère et reproche à ses amis de ne pas chercher à le libérer.
Comme à son habitude, André Miquel nous offre une magnifique traduction, rythmée et rimée, de ces poèmes qui comptent parmi les plus beaux de la langue arabe et dont certains, mis en musique, ont acquis une grande notoriété populaire.
Abbas beydoun s'est imposé comme l'une des principales figures de la nouvelle poésie arabe, celle qui s'écrit depuis un quart de siècle et qui trouve le plus souvent dans le poème en prose la forme majeure de son expression.
Dans une trajectoire exemplaire, ponctuée d'oeuvres exigeantes, le poème de tyr constitue une stèle dressée à la gloire de la ville natale du poète. la mer et la montagne, les paysans attirés et rejetés par la ville, les marins, matelots et colporteurs, les éléments naturels et les foules humaines, tous participent à cette fresque qui se lit comme un chant païen mais aussi comme une vigoureuse incursion poétique dans l'histoire sociale.
D'origine bédouine, abû l-'atâhiya est né en 748.
Après avoir exercé le métier de potier à kûfa, il s'est installé à bagdad oú il a été admis à la cour, parmi les poètes-courtisans de l'époque. il ne tarde pas cependant à rejeter les genres traditionnels, comme le panégyrique, le thrène et le ghazal (poésie amoureuse), pour se consacrer à un seul thème : la vanité des choses terrestres. son pessimisme radical, qui lui a valu l'animosité des bien-pensants, s'exprime surtout dans de courtes pièces oú s'accumulent les exhortations et les sentences dans une langue d'une grande simplicité, sans prétention philosophique ni référence dogmatique.
L'anthologie proposée par andré miquel est représentative de l'oeuvre de ce grand moraliste, fort apprécié par abû nuwâs pour sa ferveur et sa spontanéité, et que les histoires de la littérature classent parmi les rénovateurs, comme son illustre contemporain.
ibn zaydûn naît en 394/1003 dans une riche et aristocratique famille de cordoue.
les troubles de l'époque vont fournir à l'ambitieux qu'il est la matière de ce qui, avec la poésie, fera sa vie : la politique. sa survie ne doit rien, cependant, à sa carrière politique mais tout à ses poèmes, en particulier à ceux que lui inspirent ses amours tumultueuses avec wallâda, fille de l'avant-dernier calife umayyade et rompue, elle aussi, à l'exercice de la poésie. menant dès seize ans, après la mort de son père, une vie assez indépendante pour l'époque, elle devient vite célèbre par le salon oú elle reçoit écrivains et poètes.
la rencontre avec ibn zaydûn marque le début d'une liaison passionnée et orageuse, jusqu'à la rupture finale. de toute la production poétique d'ibn zaydûn, oú figurent nombre de pièces de circonstance, panégyriques, thrènes ou satires, la postérité a retenu, avec raison, les vers qui font de lui un chantre de l'amour, et l'un des plus grands poètes de l'espagne musulmane. trois thèmes, classiques et souvent croisés, se partagent cette poésie : l'exaltation de la bien-aimée et des joies de l'amour, la protestation d'éternelle fidélité de l'amant et, à l'inverse, le reproche de froideur adressé à une complice par trop légère.
s'y ajoute à l'occasion, particulièrement dans les poèmes de l'exil, l'évocation nostalgique des lieux du bonheur, autour de quelques toponymes de l'espace cordouan.