Never Let Me Go, c'est une chanson d'une chanteuse imaginaire, mélange de Julie London et Dee Dee Bridgewater, une torch song qu'une petite fille anglaise écoute sans rien y comprendre en serrant son oreiller contre elle dans l'école où elle est pensionnaire. Une femme française passe dans le couloir, l'aperçoit et fond en larmes.
Les livres de Kazuo Ishiguro n'ont pas l'habitude de laisser indifférent, et le plus récent ne fait pas exception. Son écriture semble être le meilleur exemple actuel d'un idéal artistique d'élégance définie comme le rapport outils/effet le plus élevé possible. Un vocabulaire très restreint, des phrases simples, un style banal, neutre, sans cachet "littéraire", mimant la parole, pour un résultat bouleversant. Non pas qu'il n'y ait pas de métier chez Ishiguro, bien au contraire. Comme souvent, son livre se présente comme une énigme à résoudre, une énigme mise en place de main de maître.
Une jeune femme, la narratrice, raconte son quotidien et sa jeunesse dans un pensionnat. Rien de plus ordinaire, rien de moins titillant, et pourtant il s'en dégage immédiatement une atmosphère énigmatique difficile à expliquer et qui pousse le lecteur à dévorer ce livre. Puis on met le doigt sur ce qui crée cette impression : en fait l'énigme est moins créée par ce qui est écrit que par ce qui ne l'est pas. Il n'est jamais question de famille, il n'est jamais question du monde extérieur à l'école de Katherine mais uniquement d'école, de camarades et de professeurs. La curiosité n'est pas satisfaite pour autant. La narratrice n'a jamais recours à de gros effets de suspense : elle annonce parfois la révélation d'un élément essentiel de son histoire, mais elle ne la retarde jamais. Et pourtant on n'a toujours pas l'impression de ne pas comprendre cette histoire, alors même qu'il n'y a rien d'étrange dedans.
Quelle est cette école, qui sont ces élèves et ces adultes ? On finira par le savoir, mais je préfère ne rien dévoiler de plus, si ce n'est que l'émotion ne retombe jamais, alors qu'il n'y a aucun coup de théâtre et que la narratrice ne se départit jamais d'un ton factuel, presque détaché. Au contraire, ce ton ne fait qu'exacerber la tension. En effet, les personnages ne se révoltant jamais contre le sort qui leur a été assigné, le lecteur n'en est que plus révolté. Ishiguro le met face ainsi à sa responsabilité de se révolter si la situation décrite devenait un jour réelle. C'est que ce roman a une dimension philosophique évidente. Il nous pose maintes questions, dont celle-ci n'est pas la moindre : vaut-il mieux avoir conscience de sa mortalité plutôt que de vivre dans l'illusion, ou bien vivre sa vie ne suppose-t-il pas d'ignorer la mort ?
Axl et Beatrice vivent un amour constant qui a résisté aux années. Ils décident de faire un voyage pour rejoindre leur fils, parti depuis longtemps. De nombreux obstacles se dressent sur leur chemin, parfois étranges, parfois terrifiants, et mettent leur amour à l'épreuve. Leur parcours est une métaphore de nos vies à tous.
Dix ans après Auprès de moi toujours, Kazuo Ishiguro revisite, dans Le Géant enfoui, les thèmes shakespeariens qui traversent son oeuvre : la mémoire et l'oubli, la confiance et la haine, la vengeance et la justice. L'histoire d'Axl et Beatrice, une allégorie du monde moderne, est d'ores et déjà un monument de la littérature.
Des piazzas italiennes aux collines de Malvern, dun appartement londonien à létage feutré dun hôtel sélect de Hollywood, ce cycle sublime de nouvelles explore lamour, la musique et le temps qui passe. Les personnages décrits sont des musiciens de rue, des stars déchues et des rêveurs, chacun en quête intime, chacun dans un moment de vérité. Comme le rythme de la musique quil évoque, imprégné de thèmes obsédants, le quintette résonne de questions spirituelles et éternelles : le combat humain pour séloigner du désenchantement, et pour préserver intact le charme de la vie, même quand les relations sembourbent et que les espoirs de jeunesse sémoussent.
Née sur l'île écossaise de Skye, la mère d'Alexandra Fuller, mieux connue sous le nom de "Nicola Fuller d'Afrique centrale", a grandi au Kenya dans les années cinquante, avant d'épouser un Anglais fringant.
Ils s'installent dans leur propre ferme, d'abord au Kenya puis en Rhodésie - l'actuel Zimbabwe - où l'auteur, Bobo, et sa soeur ont grandi, avant d'atterrir en Zambie. Nicola, à la fois drôle, originale et spontanée, reste inébranlable dans le maintien de ses valeurs familiales, la fierté de son sang écossais, et sa passion pour la terre et les animaux. Le parcours de la famille Fuller, déterminée à rester en Afrique malgré la guerre civile, est fait de survie, de folie, de loyauté et de pardon.
Elle trouvera la sérénité sous son "arbre de l'oubli".
De la Zambie au Wyoming, de la ferme africaine de ses parents aux paysages de l'Ouest américain, Alexandra Fuller revient sur ses vingt années de mariage, alors qu'elles touchent à leur fin. Elle décrit, avec poésie et humour, son déracinement et sa quête d'identité. Elle médite sur la place de l'écriture, qui lui a permis de tenir au fil des tragédies, et de chasser la solitude. Elle trouve refuge auprès de son père, un homme indépendant et courageux. Vivant sans regrets, il se contente toujours du minimum, même après avoir perdu plus que quiconque. Grâce à ses conseils, qui parsèment le livre, l'auteur trouve la force de se reconstruire et de « partir avant les pluies ».
En entreprenant ses recherches documentaires sur l'exploitation des ressources naturelles des hauts plateaux du Wyoming Alexandra Fuller s'attend à voir des violentes tempêtes, des cieux immenses et des industriels affairés - mais certainement pas à rencontrer un cow-boy en chair et en os.
Surtout pas Cotton, un garçon aux yeux d'azur, qui aime avant tout son mustang, ses amis, sa jeune femme et tout ce qu'offre son Ouest natal : la chasse, les rodéos, les pick-up et le camping. Pourtant, comme son père et son grand-père. Cotton décide de rejoindre une équipe de roughnecks sur les champs de gaz naturel. Dans cette tragédie moderne, le boom pétrolier et l'avidité qu'il suscite se heurtent aux vraies valeurs humaines : la générosité, le courage, l'amitié et l'optimisme à toute épreuve.
Petite fille, Bobo a appris à manier le fusil, à cuisiner un impala, à conduire un tracteur et à se garder des morsures de serpents.
En 1972, elle s'installe avec sa famille en Rhodésie - l'actuel Zimbabwe - pays ravagé par la guerre civile, mais aussi terre de saveurs, de parfums et de sons qu'elle reconnaît intuitivement comme la sienne. Son enfance, ponctuée de déménagements successifs en Afrique australe, oscille au gré de tragédies historiques et intimes. Ce récit est un chant d'amour à une famille adorée, chaotique, souvent drôle, et à l'Afrique, terre des premiers émois, de l'initiation et de la découverte naturelle de l'autre.
Alexandra Fuller ouvre ainsi une page d'histoire et sa malle aux souvenirs souvent tendres, parfois durs, et toujours poignants.
Kate Jennings, écrivain irascible et cynique avouée, déclare qu'elle ne succombe pas à la sensiblerie : elle refuse de lire Les Quatre Filles du docteur March, elle ne pleure pas au cinéma et elle ne supporte ni les Américains au coeur tendre qui résident à New York, sa ville d'adoption, ni leurs caniches choyés.
Dans ce récit plein d'esprit, bouleversée par la mort de son époux et par les attentats du 11 septembre, elle affronte son chagrin et se pose des questions fondamentales. Une femme raisonnable est la chronique lucide et ironique d'un voyage personnel : un déménagement éprouvant, un séjour à Bali, et un mélange improbable d'amis, de border terriers fougueux et de macaques à queue de cochon qui entrent dans sa vie et l'aident à surmonter sa peine.
Pris dans une tempête de neige, Andrew perd ses forces et la mémoire du paysage familier qui l'environne. Jérôme, jeune artiste venu s'isoler sur cette île lointaine, trouve le cadavre de l'homme emprisonné dans la glace. Un an après la découverte du corps, Sylvia décide d'en savoir davantage sur la disparition de son amant. Elle part pour Toronto à la recherche de Jérôme. Ensemble, ils reconstituent les secrets de leurs passés et l'histoire prodigieuse de la famille d'Andrew. Au coeur du roman apparaît l'ancêtre, magnat de l'exploitation forestière et constructeur naval que ses ambitions ont conduit, au début du XIXe siècle, sur la rive nord du lac Ontario. A travers ces images obsédantes, et cette prose lumineuse, Les Rescapés du Styx explore l'amour, la perte et la nature éphémère des lieux.