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Actes Sud
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Dans ce texte poétique sensuel et fervent, Lilith la scandaleuse devient la porte-parole de toutes les femmes libres d'être et d'aimer.
Par l'auteur de J'ai tué Schéhérazade. «Je suis Lilith la femme destin. Aucun mâle n'échappe à mon sort, et aucun mâle ne voudrait m'échapper, Je suis la vierge Lilith, visage invisible de la libertine, la mère amante et la femme homme. La nuit car je suis le jour, le côté droit car je suis le côté gauche, et le Sud car je suis le Nord. Je suis la femme festin et les convives. On m'a surnommée sorcière ailée de la nuit, déesse de la séduction et du désir, reine des plaisirs solitaires.
On m'a délivrée du carcan de procréatrice pour que je sois le destin immortel. Je suis Lilith aux seins blancs. Irrésistible est mon charme car mes cheveux sont noirs et longs, et de miel sont mes yeux.» Lilith, c'est la première femme, compagne d'Adam qui a fui le paradis car elle refusait de se soumettre à l'homme dont elle se considérait l'égale ; la menaçante, la tentatrice, que la Bible ne mentionne qu'à contrecoeur et la plupart du temps sans la nommer, sur laquelle la tradition hébraïque est plus prolixe mais pas moins accablante.
Elle est l'incarnation de la féminité primale, celle que le mâle redoute car elle est capable de se libérer de son emprise, voire de prendre le pouvoir par la ruse. Elle se trouve donc associée aux sorcières, aux serpents, aux sirènes, aux goules. en un mot aux créatures démoniaques capables d'asservir l'homme. Mais elle est aussi et pour les mêmes raisons une figure de la féminité glorieuse, puissante et libre, revendiquée par les féministes depuis les années 1970.
Rien d'étonnant donc à voir l'auteure de J'ai tué Schéhérazade s'emparer de ce personnage biblique dans un texte incandescent, pour évoquer la féminité dans son plein épanouissement, la femme égale de l'homme dans le désir et dans l'accomplissement. Ce long poème en prose sensuel et fervent s'inscrit dans la même tradition que certains quatrains d'Omar Khayyâm ou les poèmes d'Abû-Nuwâs, avec lesquels il partage un érotisme joyeux indissociable de la vraie liberté d'être et d'aimer.
«De la flûte des deux cuisses monte mon chant, Et de ma luxure s'ouvrent les fleuves. Comment pourrait-il ne pas y avoir de déluge, A chaque fois qu'entre mes lèvres verticales brille un sourire ?»
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Amjad Nasser est le pseudonyme de Yehia Awwad al-Nu'aymi, célèbre poète, romancier et chroniqueur jordanien né en 1955 et unanimement considéré comme un maître du poème en prose. Son dernier recueil, «Le Royaume d'Adam», qui vient de paraître alors qu'il se trouve entre la vie et la mort, rongé par un cancer du cerveau, est salué comme un chef d'oeuvre, grâce notamment à son souffle épique en résonance avec «La Divine Comédie.» C'est l'occasion de publier, enfin, en français une anthologie substantielle et plusieurs fois retardée de son oeuvre poétique.
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L'eclat qui reste et autres poemes
Boulus/Saadeh
- Actes Sud
- La Petite Bibliotheque De Sindbad
- 12 Février 2014
- 9782330025113
Sargon Boulus est l'un des poètes qui ont fait passer la poésie arabe d'une période à une autre : de celle où la modernité avait été fondée et théorisée à celle où elle est devenue écriture et conception. Il savait transformer le moindre détail de la vie quotidienne en figure poétique incandescente. Habitée par une angoisse existentielle, nourrie d'une riche expérience spirituelle, sa poésie semble construite à la manière d'un rempart.
Poète de nulle part, il a traversé de nombreux pays sans jamais dévier de son cheminement "vertical" à l'intérieur de lui-même. La langue était sa seule patrie, qu'il a creusée inlassablement tout en se demandant s'il existait finalement une patrie pour les poètes, même dans la langue.
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Dans un village maronite irréductible du Nord-Liban replié sur lui-même, sur ses traditions ancestrales et son identité propre - qu'il brandit fièrement contre les "autres", tous les autres, y compris les villages avoisinants qui partagent pourtant la même foi religieuse -, un homme meurt un jour dans une tempête de neige et il est dévoré par les hyènes. Son frère s'empare de ses biens au détriment de ses enfants, Salma et Tannous. Le roman suit pas à pas la lutte acharnée qu'ils vont devoir mener, chacun à leur manière, pour assurer leur survie et celle de leurs proches dans un monde hostile, et qui plus est, en pleine mutation.
De l'époque du Mandat français à 1975, quand éclate la guerre civile, Hoda Barakat restitue près de soixante-dix ans d'histoire locale, multipliant les angles d'approche, reproduisant les incantations religieuses, les chants guerriers et le franc-parler des habitants, scrutant à travers les destins croisés de ses personnages les métamorphoses du lieu sous l'effet d'une "modernité" à la fois désirée et redoutée. L'émigration bouleverse les structures familiales traditionnelles, le tourisme modifie le paysage de fond en comble, introduit de nouveaux modes de vie et de nouvelles valeurs. Reste pourtant, ici comme ailleurs, le souvenir lancinant d'une solitude que rien, ni dans la guerre ni dans la paix, ne semble pouvoir dissiper.