La honte est une souffrance sociale et psychique douloureuse. Elle conduit, le plus souvent, à une mise à distance, à un refus d'entendre ce qui dérange. Cet ouvrage veut favoriser une meilleure compréhension des multiples facettes de la honte et développer des capacités à écouter la souffrance qu'elle provoque.
Et si les pratiques étaient en avance sur les théories ? En effet, sur le terrain il existe de multiples liens entre mouvements sociaux et économie solidaire, or le dialogue entre spécialistes de ces deux domaines reste trop rare. Cette ignorance mutuelle n'est plus tenable. Comme les acteurs les chercheurs en matière d'économie sociale et solidaire ont beaucoup à apprendre de ceux qui se dédient aux mouvements sociaux et réciproquement.
Il s'agit donc d'amorcer une réflexion dans ce sens. Elle est alimentée par de nombreux exemples, d'Amérique du Sud et du Nord, d'Asie et d'Europe (Appel des appels, Attac, commerce équitable, insertion par l'activité économique, mouvements écologiques et féministes...). Trente-deux auteurs de ces divers continents analysent avec précision les acquis et limites de ces réalisations. C'est bien une sociologie globale qui est visée puisque la perspective internationale ne se limite pas à une comparaison de données, elle permet de formuler une conceptualisation originale de ces eux champs comme de leurs rapports.
Souvent, la foule est criminelle, émeutière, redoutée pour sa force indomptable. Elle inquiète par la fièvre qui l'anime et la violence éruptive qui s'en dégage. On oublie qu'il est des foules paisibles et inoffensives, qu'elles sont des cibles faciles pour les terroristes et que le coeur de nos villes peut devenir le lieu de crimes de masse.Malgré le choc qui l'étourdit, cette foule innocente se relève. Elle se recompose et se dresse sur nos places publiques. Là où la panique menace, on voit monter la solidarité ; là où on craint la haine, la dignité s'impose. La foule citoyenne s'avance en marches silencieuses pour résister devant l'épreuve. Elle s'individualise peu à peu : son anonymat s'efface, son bruit se fait voix.De cette âme collective surgissent des gestes, des noms, des visages. La singularité des vies et des liens apparaît. Un grand récit émerge du désastre initial. Il s'ancre dans un collectif reconstitué, des formes du deuil réinventées, une forte attente de justice. La foule des victimes du hasard devient une communauté de destin. De son parcours, ce livre veut témoigner.
Denis Salas est magistrat et essayiste. Il dirige la revue Les Cahiers de la Justice et préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Dernières publications : Le Courage de juger (2014) et Erreurs judiciaires (2015).
Les signaux d'alerte se multiplient sur les catastrophes écologiques. La valeur de ces signaux n'est pas régie par le critère de la vraie ou de la fausse alerte, ni par le principe du bon ou du mauvais gouvernement, mais par l'attractivité du signal, c'est-à-dire sa capacité à susciter l'attention et l'intérêt de ceux qui le reçoivent.
En s'appuyant sur une étude des sentinelles des pandémies dans les sociétés asiatiques, Frédéric Keck montre que les territoires qui émettent des signaux d'alerte, comme Hong Kong, Taïwan ou Singapour, ont entre eux des relations de compétition et de collaboration analogues à celles des oiseaux qui concourent pour alerter sur la présence d'un prédateur. Dans cette émulation, où les pays échangent des informations pour prendre les mesures les plus rapides, se joue une nouvelle forme de solidarité globale et de justice sociale.
Pour prendre la mesure de ce phénomène, l'auteur propose une lecture de quelques penseurs des signaux d'alerte (Claude Lévi-Strauss, Amotz Zahavi, Anna Tsing) ; puis une histoire des grandes crises sanitaires depuis vingt ans ; enfin, une approche de certaines oeuvres d'art (romans, films, expositions), qui nous préparent aux prochaines crises en faisant travailler notre imaginaire.
Les deux concepts de Souveraineté et d'Absolutisme ont été forgés sur la même enclume. Ils doivent être ensemble mis au rebut , affirmait notamment Jacques Maritain. Intellectuel phare du Renouveau catholique de la première moitié du XXe siècle, converti qui va rompre avec éclat avec l'Action française en prenant le parti de Rome, Jacques Maritain (1882-1973) est aussi une grande figure de la philosophie politique. L'Homme et l'Etat, publié pour la première fois en 1953, est le texte développé de six conférences prononcées à l'université de Chicago en décembre 1949. Il apparaît comme l'ouvrage de référence pour comprendre la réflexion du philosophe dans ce domaine, une pensée qui contribuera beaucoup à nourrir l'idée démocrate chrétienne. En fin de volume est repris un texte fort et peu connu de Jacques Maritain, écrit en 1937 et intitulé : Exister avec le peuple, qui illustre bien l'attention au peuple que souligne ici le jésuite et philosophe Paul Valadier, dans la préface qu'il a consacrée à cet ouvrage.
1980. Un jour d'automne lumineux près de Rambouillet. Comme tous les élèves de ma classe, j'attendais avec impatience la fin de semaine et les retrouvailles avec ma famille. La grosse Mercedes qui pénétrait dans la cour de l'école écrasait les graviers avec une indolence majestueuse. Je n'étais ni le fils d'un émir du Koweït ni celui d'un riche Texan, et c'était la Sécurité sociale qui la payait. Dans son coffre trônait un fauteuil roulant. C'était le mien : j'avais le droit de m'asseoir dessus lorsque j'étais fatigué. Depuis quatre ans, ma démarche était en effet très maladroite et les chutes de plus en plus fréquentes.
Mais lorsque je tombai ce jour-là, je sus immédiatement que l'instant avait une dimension irréversible : je ne pourrais plus marcher. Les toutes dernières forces de mes jambes m'avaient trahies. Foudroyante sentence, à dix ans. Je ne pouvais plus, je ne pourrais plus, je ne serais plus...
Après plus d'une vingtaine d'années de travail en gérontologie, Renée Sebag-Lanoé a voulu approfondir et affiner sa compréhension du vieillir, vérifier ses impressions et ses intuitions sur la vieillesse, en rencontrant - entre 1993 et 1998 - une cinquantaine d'hommes et de femmes âgées ou très âgées (plus de 80 ans), de niveau socioculturel et éducatif très différent, volontaires et jouissant de toutes leurs facultés intellectuelles. Deuil, veuvage, déclin du corps, dépendance, relations familiales et amicales, intergénérationnelles, rôle social, pauvreté de moyens en services de gériatrie, peur de la souffrance, des conditions plus que de la mort, développement des soins palliatifs, importance de la prévention gérontologique... Explorant le champ de vieillesse, l'auteur a pris en compte, au-delà des conditions de fin de vie, des soins proprement dits et des possibilités de prévention des maladies liées au vieillissement, le vécu subjectif de la grande vieillesse, en favorisant une authentique parole des vieux, qui seront de plus en plus nombreux dans le futur. Par cette écoute, elle a lutté contre les représentations souvent exclusivement négatives de la vieillesse pour mettre en lumière toute la richesse, la sagesse et le courage qu'elle a pu dégager de ces entretiens, et l'extrême hétérogénéité des classes d'âges élevées. Renée Sebag-Lanoé rappelle que le bien vieillir se prépare tout au long de la vie et dépend aussi bien de facteurs physiques que de valeurs spirituelles. Et considérant le vieillissement démographique, elle redit combien il concerne aussi bien la société que la politique dans son ensemble.
Aujourd'hui, sous couvert de «bonne gouvernance» ou de «créativité personnelle», le capitalisme déploie de nouvelles formes de sujétions au travail, porteuses de toute une série de pathologies inédites (stress, dépression, burn-out...). Les précaires et les travailleurs pauvres ont remplacé les prolétaires sur l'échelle des inégalités sociales, et c'est à eux que l'imaginaire managérial contemporain fait porter la responsabilité de leur exclusion.
Ils ne seraient jamais assez flexibles, assez employables, assez leaders de leurs propres vies. Contre cet imaginaire, et alors même que d'aucuns la croyaient enterrée avec la «fin des idéologies» proclamée dans les années 1980, la théorie critique est remise au goût du jour. Le présent volume entend bien contribuer à cette relance. L'enjeu singulier qu'il s'est fixé est de tenir compte des traditions allemande, française et américaine sans jamais se départir de leur élan marxiste initial s'attaquant à toutes les formes de domination.
Cependant, tout se passe comme si ces traditions avaient longtemps travaillé à partir d'un seul schème de pensée : les individus reproduisent inconsciemment les structures sociales du capitalisme qui pourtant les aliènent. Ils ne cherchent plus à se rebeller contre un système qui appauvrit pourtant leur travail, leur culture, leur âme elle-même. Pire, ils assurent la reproduction dudit système en glorifiant les valeurs dominantes.
Les textes rassemblés ici montrent que cette vision n'est plus suffisante car elle s'avère incapable de rendre compte des résistances. Ils font prendre à la théorie critique le tournant qui lui permettra à l'avenir d'appréhender le potentiel d'émancipation propre à l'homme existant ici et maintenant, souvent lucide à l'égard de l'idéologie néolibérale et de son prétendu pragmatisme. Le sujet objet exclusivement aliéné et manipulé par la société de consommation est derrière nous.
Face à l'exploitation contemporaine, place aux résistances citoyennes, des Femen aux Anonymous, en passant par les Indignés, les antipubs ou l'économie solidaire. Place à la nouvelle théorie critique.
Quelque chose de destructeur semble à l'oeuvre dans le monde du travail. Le mal-être au travail est désormais une réalité qui touche tout le monde et partout, tant dans le secteur privé que dans le public. Suicides, dépression, burn out, harcèlement, pressions de tous ordres, on ne compte plus les signes d'un phénomène lourd et inquiétant. Doit-on s'y résigner comme si c'était une fatalité dans nos sociétés postindustrielles ? Non, répondent ensemble Vincent de Gaulejac et Antoine Mercier. Dans ce manifeste qui résonne comme un cri d'alarme, le sociologue clinicien et le journaliste invitent à réagir, à analyser les causes du malaise qui ne sont pas réductibles aux seules variables psychologiques. Ils proposent de mieux comprendre les sources du mal-être pour se donner les moyens d'en sortir au niveau individuel, collectif et politique. Comment changer un système chaotique et paradoxal qui engendre une crise permanente, banalise l'exigence du toujours plus et préconise la lutte des places comme moteur de la performance.
Avec les bandes, nous pénétrons au coeur de l'univers adolescent.
Bandes de copains, bandes de coquins, les bandes sillonnent l'histoire : il y a toujours eu, il y aura toujours des bandes. les groupes et bandes d'adolescents réalisent en effet des besoins essentiels à cet âge de la vie, et d'abord le plaisir de l'entre soi. en dépit de ce qu'on entend trop souvent, les bandes ne sont pas réductibles à la seule violence. bandes - banlieues - bandits, voici bien un cliché que l'auteur entend ici dépasser.
Il y a tant et tant de manières et de raisons d'être en bande qu'une étude globale s'imposait. un livre de référence entièrement revu et complété.
Il paraît bien démodé aujourd'hui de parler d'utopie, d'espérance, voire d'engagement au service de la justice ! Comme si nos contemporains étaient de plus en plus blasés, résignés ou uniquement focalisés sur leur bonheur individuel. Pourtant, comment se projeter vers l'avenir si l'on n'a pas des raisons d'espérer ? Au croisement de l'économie et de la société, Bernard Perret invite à refuser cette vision désabusée. Observateur engagé, il cherche à sa manière un équilibre entre l'analyse et l'implication personnelle, en analysant les changements qui affectent actuellement nos sociétés dans de nombreux domaines : réalités socio-économiques, moeurs, religions... Comment secouer la torpeur qui marque beaucoup d'entre nous ? Comment inciter les lecteurs à faire preuve d'imagination et de générosité, pour mieux trouver leur place dans notre vie collective ?
Les jeunes issus des milieux populaires, du monde du travail , se retrouvent aujourd'hui... sans travail. La culture et les organisations du monde ouvrier sont en crise, et ce sont les itinéraires d'insertion économique et de participation politique des jeunes qui disparaissent. Saïd Bouamama analyse les mécanismes de cette exclusion, présente l'histoire de la citoyenneté, ses différentes traditions, et propose des pistes nouvelles pour la participation et l'implication des jeunes dans les choix de la cité.
Vivons-nous seuls ? Sans être reliés ? Quelle est la voix de l'âme qui frémit au plus profond de chacun de nous ? Comment mieux l'entendre malgré nos certitudes, nos peurs et les multiples bruits du monde ? L'Intime nous prononce sans cesse avec amour. L'Intime nous dit un Tu qui nous fait exister. Etre avec lui, c'est choisir de lui répondre un Tu accueillant plutôt que de défendre les remparts de notre Je enfermé.
L'auteur restitue l'existence d'une culture wallonne authentique en distinguant la culture intellectuelle ou artistique d'une culture sociétale issue des traditions et des valeurs. Il constate qu'elle est souvent sous-estimée en raison d'une émergence politique récente, le partage de la partie Sud de la Belgique entre de nombreux comtés n'ayant pas favorisé cette unification culturelle.
Le numérique bouleverse nos sociétés de façon extrêmement rapide. Sommes nous enfin en train de vivre la mutation attendue vers un monde meilleur, une civilisation de la culture et des loisirs où les robots assureront les travaux pénibles ? Rien n'est moins sur.
L'homme semble hypnotisé par les nouvelles technologies, à portée de main via les écrans, les smartphones, les objets connectés de plus en plus sophistiqués... qui sont censés lui faciliter la vie, professionnelle ou privée. Pourtant, entre les promesses et les réalités, entre les mirages que véhicule la Silicon Valley et les pratiques sociales qui se mettent effectivement en place, les écarts se creusent.
Un monde meilleur ? nous invite à vivre une aventure de science-fiction dans les méandres de ce nouvel environnement culturel qui constitue notre réalité quotidienne. Sans, bien évidemment, rejeter en bloc ces nouvelles technologies, il est temps en revanche d'observer attentivement les pièges que tend la société technico-financière digitalisée à chaque citoyen comme à chaque organisation. L'homo numericus doit ouvrir les yeux sur la portée de ses inventions.
C'est tout l'objet de ce livre, qui observe dans sa globalité l'écosystème de travail numérisé et met au jour les liaisons dangereuses qui existent entre les TIC et la pandémie du stress au travail. Infobésité, manque de temps chronique, dictature des chiffres, dissolution des relations humaines... : jamais l'influence directe de cette « laisse électronique » n'était aussi clairement apparue.
Patrons, salariés, parents, enfants, pédagogues, dirigeants politiques... nous sommes tous concernés. Et c'est en déchiffrant notre environnement que nous acquerrons les moyens d'agir, d'infléchir et d'orienter nos choix, en refusant de laisser les algorithmes décider pour nous.
Docteur en sociologie, Thierry Venin a un parcours atypique : musicien de rue (avant la MAO), instituteur (avant les MOOC), aide-conducteur de train (avant la VACMA), chauffeur-livreur (avant le GPS) et homme-sandwich (avant Google AdSense), il dirige aujourd'hui une agence d'ingénierie informatique et il est chercheur associé au laboratoire SET (CNRS-UPPA).
Un livre d'opinion d'un psychologue-expert, sur des faits d'actualité qui ont hantés la décennie 80. L'auteur dit tout ce qui ne peut pas toujours être dit, sur la violence et le crime de sang. Que se passe-t-il chez le sujet non fou, dont le crime particulièrement spectaculaire, reste pourtant sans raison ? Il interroge aussi les autres faits de violence : les prises d'otages (Kauffmann, Empain...) ou les stades de la violence (Sheffield, Heysel...). En regardant du côté de Freud, Lacan, Bergeret, il en conclut que les faits de violence sont inhérents à l'homme. Serge Raymond propose un modèle d'analyse, dans lequel est présente la préhistoire des individus ; aussi il s'attache plus précisément au surgissement des revenants , dont ces histoires paraissent habitées, parfois sur plusieurs générations.
La problématique centrale de cet essai est de jeter des ponts entre deux champs séparés - voire opposés - l'éducation laïque contemporaine et les grandes traditions spirituelles d'Occident et d'Orient.
Car comme le formule avec lucidité René Barbier, un des rares chercheurs en éducation qui prend en compte en particulier les spiritualités orientales, « la vie intérieure est la grande absente de l'éducation contemporaine ». IC'est précisément cette absence, cette « tache aveugle de l'entendement » comme écrit Georges Bataille dans La part maudite, qui est à l'origine même de la raison d'être de ce travail. Cette posture de recherche qui se confronte avec ce vide médian, comme disent les chinois, est intellectuellement inconfortable, dans la mesure où elle échappe aux cloisonnements des disciplines universitaires reconnues et aux habitudes rassurantes de pensée, mais nous faisons l'hypothèse qu'elle « en vaut la peine ». Cette approche dialogique à la croisée de l'éducation (qui déborde du sens scolaire) et du spirituel (qui déborde du sens religieux) comporte sans doute des risques, qu'il faut mesurer et discerner, mais peut porter aussi ses fruits.
Philippe Filliot est professeur d'arts plastiques.