Une foule peut-elle raisonner? Comment la comprendre et la séduire? La masse nous transforme-t-elle en automates privés de libre arbitre?Dans ce livre paru en 1895, Gustave Le Bon (1841-1931) pose les fondements de l'étude scientifique des comportements collectifs et élabore l'un des premiers modèles d'analyse de la manipulation des masses. Succès retentissant dès l'origine, traduit et lu dans le monde entier, il s'est rapidement imposé comme un classique. Devenu plus tard source d'inspiration de la propagande totalitaire, il a joué un rôle déterminant dans l'histoire du XX? siècle.À l'heure où réapparaissent dans l'espace public des phénomènes de foules, des Gilets jaunes en France à l'insurrection du Capitole à Washington, alors que les réseaux sociaux ont permis l'avènement d'une «ère des foules numériques» où l'illusion et la manipulation prospèrent, lire Gustave Le Bon, c'est reprendre conscience de la puissance des masses et jeter une nouvelle lumière sur les risques qui menacent nos démocraties.
Salué comme un événement à sa parution en 1999, ce livre s'est vite imposé comme un classique de la discussion à l'échelle internationale. Il introduisait une rupture dans l'analyse de la formation des identités et des politiques minoritaires. «Au commencement, il y a l'injure». La première phrase de l'ouvrage constitue le point de départ d'un ensemble de réflexions qui renouvellent l'approche de l'assujettissement et de la domination. Il s'agit d'insister sur la force du langage et de la stigmatisation. Mais aussi de réinscrire la violence des mots qui blessent dans une théorie générale de l'ordre social et des mécanismes de sa reproduction. Trois grandes parties se succèdent alors. D'abord, une «anthropologie sociale» de l'expérience vécue. Ensuite une analyse historique de la dissidence littéraire et intellectuelle et de la prise de parole «homosexuelle», des hellénistes d'Oxford au milieu du XIXe siècle jusqu'à André Gide, en passant par Oscar Wilde et Marcel Proust. Enfin, une passionnante réinterprétation des évolutions de Michel Foucault dans sa pensée du pouvoir et de la résistance Ce livre majeur, entièrement revu pour cette nouvelle édition, fournit plus que jamais des instruments à tous ceux qui veulent penser la différence et l'émancipation.
Trente ans après L'Amour en plus, il se livre une véritable guerre idéologique souterraine, dont on ne mesure pas encore pleinement les conséquences pour les femmes. Le retour en force du naturalisme - qui remet à l'honneur le concept bien usé d'instinct maternel - constitue le pire danger pour leur émancipation et l'égalité des sexes. À force d'entendre répéter qu'une mère doit tout à son enfant, son lait, son temps et son énergie, il est inévitable que de plus en plus de femmes reculent devant l'obstacle. Certaines trouvent leur plein épanouissement dans la maternité, mais la majorité d'entre elles feront un jour le calcul des plaisirs et des peines : d'un côté, une expérience irremplaçable, l'amour donné et rendu et l'importance de la transmission ; de l'autre, les frustrations et le stress quotidien, les inévitables conflits et parfois le sentiment de l'échec.
Si plus d'un quart des Allemandes restent sans enfant, cela signifie qu'elles trouvent à se réaliser ailleurs que dans la maternité telle qu'on la leur impose. Pour l'heure, les Françaises ont échappé à ce dilemme du tout ou rien. Tiendront-elles tête aux injonctions des « maternalistes » soutenus par les plus respectables institutions ? Jusqu'à quand sauront-elles imposer leurs désirs et leur volonté contre le discours rampant de la culpabilité ?
E.B.
Entre 1959 et 1975, Nicolas Abraham (1919-1975) et Maria Torok (1925-1998) ont transformé la pratique de l'écoute en psychanalyse. Portés par le seul désir d'éclairer, coûte que coûte, les zones d'ombre de la souffrance humaine et d'étendre par là les limites de l'accueil de l'autre, les auteurs rejettent toute notion de conflit-type d'ordre universel, portant leur intérêt vers les catastrophes, les hontes singulières - personnelles, familiales ou sociales - qui entravent le travail d'ouverture psychique. Seront ainsi inaugurés les concepts de secret de famille transgénérationnel, de deuil impossible, d'enterrement d'un vécu inavouable, d'incorporation secrète d'un autre, notions ayant toutes pour objectif de dessiner une clinique de la reconstruction de soi.
Autant prévenir le lecteur tout de suite : ce livre n'est ni un cours de mathématiques, ni un manuel pour faire fortune dans les casinos de la côte ouest.
Il s'agit d'une introduction générale à ce qu'il est convenu de nommer la théorie des jeux, domaine situé à l'intersection de l'économie et des mathématiques appliquées. Ou y découvrira deux ou trois choses utiles: qu'un général d'armée ferait mieux de s'en remettre au jet d'une pièce de monnaie avant de prendre une décision ; que la crise des subprimes était inévitable ; qu'un système fiscal optimal devrait avoir un taux marginal d'imposition supérieur à 50 % ; qu'on ne gagne pas forcément à être mieux informé lorsqu'on boursicote sur Internet ; que les vertus économiques ou politiques du " laisser-faire " sont quelque peu suspectes ; qu'un " aléa moral " n'a pas grand-chose à voir avec l'éthique...
Le propos de la théorie des jeux dépasse ainsi très largement le cadre des jeux de société - qui ont constitué son premier objet d'étude. Du paradoxe de Sen au dilemme des prisonniers joué par des automates, des jeux évolutionuaires aux réseaux stratégiques en passant par les modèles de principal-agent, se dessine un champ de recherches qui, depuis vingt ans, n'a cessé de se développer jusqu'à toucher l'ensemble des sciences sociales.
Essai sur l'oeuvre de l'écrivain Jean Genet. Ce dernier, tout au long de ses livres, analyse ce que signifie être un minoritaire. Il inventorie les mille et une manières qu'a imaginé l'ordre social pour imprimer la honte dans le coeur des gens qui ne sont pas comme les autres, et invite paradoxalement les déviants à revendiquer ce sentiment.
Y a-t-il une logique de la passion amoureuse ? Comment rendre intelligibles les états passionnels a priori irrationnels ? Comment expliquer leur genèse alors qu'ils ne témoignent que d'une seule chose : l'aveu d'une souffrance ? Riche de scènes et de cas cliniques, ce livre doit son inspiration à l'observation du quotidien autant qu'à la pratique de la psychanalyse. Se plaçant au coeur du phénomène passionnel, Roland Gori nous entraîne dans une réflexion inédite, décrivant la passion comme un état produit par la poétique du langage, par une sorte de maladie de la langue qui s'impose à la faveur d'une implacable séduction entre deux êtres. Qui a vécu l'état passionnel retrouvera ici ses trois figures originaires : l'amour, la haine, l'ignorance. L'étude de l'état passionnel par la psychanalyse permet de saisir l'essence de l'amour fou ou le sens des déchirures que s'infligent les amants, ou encore la détresse de l'homme éconduit. Dans le sillage des travaux de Clérambault, elle éclaire aussi le fétichisme particulier lié à la relation passionnelle.
Tout, comme on dit, nous sépare - à l'exception d'un point, fondamental : nous sommes l'un comme l'autre des individus assez méprisables. J'ai eu un père mélancolique et puissant, silencieux et guerrier, joueur d'échecs, insondable, lucide et incrédule, solitaire et souverain. Un grand dirigeant d'entreprise, le souvenir que j'en ai, est celui qui sait dire "Salade pour tout le monde !" au bon moment. Il n'est pas impossible que vous ayez déjà mis de votre côté les rieurs, les sourieurs, les qui ont de l'humour alors que, moi, c'est bien connu, je n'en ai aucun. Il est possible au fond que le fait de ne pas avoir eu de mère vous renforce, mais alors c'est d'une manière qu'on ne souhaiterait à personne. Je revois Aragon, poussant la porte du bar, haute silhouette, chapeau à larges bords, cape marocaine sur un costume de lin gris, très élégant, qui lui donnait, huit ans après la mort d'Elsa, le même air de deuil inconsolé. A certaines personnes, peut-être, il est arrivé de faire l'amour dans un état de pleine lucidité ; je ne les envie pas. Tout ce que je suis, moi, arrivé à faire dans un état de pleine lucidité, ce sont mes comptes ; ou ma valise. Je peux faire toutes les mises au point possibles et imaginables : je ne ferai qu'aggraver mon cas de salaud de bourgeois qui ne connaît rien à la question sociale et qui ne s'intéresse aux damnés de la terre que pour mieux faire sa publicité.
«Pour qui sait les lire, les émotions constituent autant de petits cailloux sur le chemin de la compréhension du monde. Et plus le monde est complexe, plus ces clés de lectures additionnelles et subjectives sont nécessaires.» Au lendemain des attentats survenus à Paris en janvier 2015, qui ont vu la France et le monde entier submergés par des émotions parfois contradictoires, ce livre est plus d'actualité que jamais. À partir d'un vaste travail d'observation nourri de mille exemples, d'une connaissance approfondie de multiples pays et cultures, il décrit l'ordre du monde selon les émotions qui le traversent et souvent le dirigent. Car la cartographie des émotions du monde a évolué de manière très significative au cours des dernières années. La peur s'est approfondie, étendue et diversifiée. Elle n'est plus seulement l'émotion dominante du monde occidental : on la retrouve désormais sur tous les continents. Comment y faire face ? Comment penser les émotions pour les transcender, ou plus simplement pour les comprendre, comprendre l'Autre et, ce faisant, réparer le monde dans lequel nous vivons ?
La finalité de toute structure vivante est de maintenir cette structure : un groupe social représente une structure vivante d'un certain niveau de complexité. Henri Laborit démontre que la ville est l'un des moyens utilisés par tout groupe social pour maintenir sa structure. En effet, l'Homme qui, jusqu'à une époque récente, n'a découvert que la physique et l'a utilisée pour accroître sa puissance technique permettant la domination de certains individus ou de certains groupes humains sur d'autres (le plus souvent par l'intermédiaire du profit) a utilisé la ville dans ce même but. Tout y est fait pour assurer la défense de la propriété des objets, des êtres, des moyens de production, des niveaux hiérarchiques. La destruction progressive de l'environnement et la disparition de l'espèce humaine auxquelles peut aboutir ce type de comportement de puissance fonderont peut-être la grande crainte qui conduira l'homme à transformer par cela même la finalité des groupes sociaux au seul « profit » de l'espèce humaine. La participation de la ville à l'ensemble de cette évolution montre que l'urbanisme n'est pas seulement un problème de spécialiste : c'est le problème de la vie humaine dans son ensemble qui est posé.
Dès les années 60, se développe, au sein même de la Gauche, une culture de masse (dite « culture jeune ») et des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui en sont le présupposé matériel immédiat. Et ce, au nom de l'idée, banalisée par les médias et validée par la sociologie dominante, que toute critique radicale du spectacle et de l'industrie culturelle ne pourrait procéder que de l'esprit conservateur ou de l'élitisme bourgeois.
Christopher Lasch ne se contente pas de soumettre ces pauvres clichés à une réfutation en règle. Il en dévoile les deux postulats cachés : la réduction de la liberté humaine à celle du consommateur, et l'idée que toute posture modernisatrice ou provocatrice constituerait par définition un geste « rebelle » et anticapitaliste.
Tous les indices concordent: nous entrons dans le siècle de l'information." Parue sous la plume du journaliste Auguste de Chambure en 1914, la formule a des allures de prophétie tant l'omniprésence des médias frappe, un siècle plus tard, l'observateur le moins averti.
Quelle a été la genèse du " paysage médiatique " dans lequel nous baignons? Quels bouleversements techniques, économiques, mais aussi sociaux et culturels, ont contribué à le façonner? Prenant en considération tous les médias - la presse, la radio, la télévision bien sûr, mais aussi le cinéma, les affiches, Internet Fabrice d'Almeida et Christian Delporte en retracent l'histoire. S'interrogeant sur la notion de culture médiatique, ils offrent des clés précieuses pour comprendre l'évolution qui a conduit, en quelques décennies, du Petit Journal à Twitter et de la TSF à "Qui veut gagner des millions?".
" Bienvenue dans le désert du Réel "... C'est ainsi que Morpheus, dans le film Matrix, introduisait un Néo stupéfié à la " vraie réalité " d'un monde dévasté : un ground zero planétaire. Slavoj Ziiek se propose d'analyser les investissements pulsionnels et idéologiques qui ont façonné notre nouvel ordre mondial depuis l'effondrement des tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001 à New York. La tâche critique consiste aujourd'hui à replacer l'" événement " dans le contexte des antagonismes du capitalisme mondial. Le vrai choc des civilisations pourrait, dans cette perspective, se révéler n'être qu'un choc à l'intérieur de chaque civilisation. L'alternative idéologique opposant l'univers libéral, démocratique et digitalisé, à une radicalité prétendument " islamiste " ne serait en définitive qu'une fausse opposition, masquant notre incapacité à percevoir les vrais enjeux politiques contemporains. Le seul moyen de nous extraire de l'impasse nihiliste à laquelle nous réduit cette fausse alternative est une sortie de la démocratie libérale, de son idéologie multiculturaliste, tolérante et postpolitique.
Hindouisme et bouddhisme s'inscrit dans la série des grandes études de sociologie des religions que Max Weber consacra successivement au protestantisme, au confucianisme et au taoïsme, et au judaïsme. Paru en 1916-1917, ce texte constitue une oeuvre majeure du point de vue de la connaissance des religions, de la sociologie et de l'anthropologie de l'Inde. Cent ans après sa publication, il révèle une puissance de synthèse et une pertinence de vues que l'évolution de la recherche n'a souvent fait que confirmer. Hindouisme et bouddhisme décrit une société dominée par les savants et les religieux, et analyse les relations qu'ils entretiennent avec les puissances temporelles et économiques. Une présentation et une annotation précises viennent soutenir la lecture de ce texte essentiel pour la connaissance de l'Inde et des pays d'Asie, mais aussi, plus largement, pour celle de la fonction sociale des intellectuels.
La Ville est la retraduction, à partir de la nouvelle édition allemande, de l'un des textes les plus célèbres du fondateur de la sociologie allemande. Weber y défend une thèse forte : au même titre que le capitalisme et l'État moderne, la ville, ou plus exactement la « ville-commune » (la ville lieu de production artisanale, industrielle et marchande, mais aussi la ville autogouvernée par ses « bourgeois-citoyens ») constitue la troisième grande contribution fondamentale de l'Occident à l'histoire mondiale.
Vingt siècles de christianisme ont fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique.
A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme. un mythe nommé Jésus a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas. ne mange pas, ne rit pas. n'a pas de sexualité - autrement dit un anticorps. La névrose de Paul de Tarse. impuissant sexuel qui souhaite élargir son destin funeste à l'humanité tout entière. débouche sur la proposition d'un second modèle à imiter : celui du corps du Christ.
à savoir un cadavre. Sur le principe de cette double imitation. un anticorps angélique auquel on parvient en faisant mourir son corps au monde. les Pères de l'Eglise. dont saint Augustin. développent une théologie de l'éros chrétien : un nihilisme de la chair. Le modèle de jouissance devient le martyr qui jouit de souffrir et de mourir pour gagner son paradis. Une seconde théologie de l'éros chrétien passe par Sade et Bataille.
Deux défenseurs de l'éros nocturne chrétien : identité de la souffrance et de la jouissance. mépris des femmes. haine de la chair, dégoût des corps. volupté dans la mort. L'antidote à ce nihilisme de la chair se trouve dans le Kâma-sûtra, un antidote violent à La Cité de Dieu d'Augustin. Sous le soleil de l'Inde. l'érotisme solaire suppose une spiritualité amoureuse de la vie. l'égalité entre les hommes et les femmes.
Les techniques du corps amoureux. la construction d'un corps complice avec la nature. la promotion de belles individualités, masculines et féminines. afin de construire un corps radieux pour une existence jubilatoire. Le Souci des plaisirs raconte l'obscurcissement chrétien de la chair, et propose une philosophie des Lumières sensuelles.
Le Roman du monde, c'est l'aventure même des hommes. Il se compose d'images et de symboles, de personnages mythiques et d'exemples familiers, d'allégories et de métaphores désormais proverbiales : le feu de Prométhée, la tour de Babel, le nez de Cléopâtre, les ailes de l'âme, la chouette de Minerve, Oedipe aveugle, la peau de chagrin, le roseau pensant, Thalès tombant dans un puits... Autant de légendes fortes dans lesquelles la pensée trouve son incarnation sensible. Tirées des mythologies et des religions, de la littérature et de la philosophie, elles composent ici le récit de l'humanité aux prises avec les tourments de l'action et le spectacle des choses. Dans cet itinéraire où se raconte la culture, un peu de notre imaginaire ouvre tout droit le chemin à l'émotion de la pensée.
De quelle façon les notions de «race», de «groupe ethnique», de «correction génétique» sont-elles utilisées, sous couvert de légitimité scientifique, à des fins politiques ? Cet ouvrage retrace l'histoire des conceptions biologiques de la société et de leurs applications racistes et eugénistes depuis la fin du XIXesiècle jusqu'à nos jours. André Pichot y analyse les relations qu'entretiennent science, politique et idéologie, et s'appuie sur des exemples précis : celui du nazisme, mais aussi celui des programmes de recherches eugénistes, lancés ou subventionnés par d'éminentes organisations scientifiques, dès le début du XXesiècle. Et, aujourd'hui, alors que la génétique moléculaire domine la biologie, il met en garde contre d'autres avatars du rêve d'une société «pure».
Pourquoi n'y a-t-il pas de ministère de la Culture aux États-Unis ? Comment peut-on reprocher à la fois aux Américains leur impérialisme culturel et leur absence de culture ? Pour comprendre ces paradoxes, Frédéric Martel a entrepris une grande enquête, sans précédent. À partir des archives inédites et de sept cents entretiens dans trente-cinq États, il reconstitue la politique culturelle américaine, de John F.Kennedy à Barack Obama. Ce faisant, il décrypte aussi le fonctionnement de la philanthropie, des fondations, du mécénat et met au jour le rôle central du gouvernement, la mission artistique des universités et la diversité culturelle américaine. Un système global et complexe apparaît alors, particulièrement efficace et totalement méconnu : si le ministère de la Culture n'est nulle part, la vie culturelle est partout. Ce tableau, riche en nuances, ébranle nos certitudes ; il reflète, en miroir, les contradictions, entre mythes et réalités, de notre propre système culturel. Depuis sa parution, De la culture en Amérique est devenu un ouvrage de référence sur les politiques culturelles en général et sur les États-Unis en particulier. Il a été traduit et discuté dans de nombreux pays.
Justice, genre et famille Le droit, les moeurs et les pratiques sociales tendent à représenter la famille comme un domaine séparé, exclusif de toutes considérations s'exprimant en termes de justice et d'égalité - lesquelles sont conçues comme relevant du domaine « public ». Considérant que « le mariage et la famille, tels qu'ils sont pratiqués dans notre société, sont des institutions injustes », Susan Moller Okin refuse toutefois de se contenter de montrer en quoi ils favorisent l'inégalité entre les hommes et les femmes. Car il faut aussi et surtout, à ses yeux, défendre la nécessité d'étendre la réflexion sur la justice à la sphère familiale. Justice, genre et famille fut ainsi conçu comme un complément indispensable à la Théorie de la justice de John Rawls, parce que cette oeuvre qu'elle admirait tant n'avait pas répondu à la question que, pour sa part, elle résolut de faire sienne : « Dans quelle mesure est-il possible de faire co-exister la justice et le genre ? ». Dix-huit ans après la Théorie de la justice, le majestueux effort critique entrepris par Okin consista donc avant tout à s'efforcer de réintroduire dans la pensée toute une dimension du problème de la justice que Rawls, tout en le posant si bien, avait sur ce point manqué.
Ils sont sociologues, historiens, anthropologues, linguistes, économistes... Les uns sont des compagnons de route, les autres ont été proches de Bourdieu, à un moment ou à un autre. Tous témoignent d'une expérience de travail avec lui au double sens du terme: travail en commun et théorie en acte qui continue de réengendrer approches et pratiques scientifiques. De là, la diversité des contributions mais aussi la singularité du ton de cet ouvrage, inclassable selon les règles académiques en vigueur: du récit d'un fragment de vie, en passant par le trait anecdotique, à l'analyse des apports théoriques et méthodologiques, tous les registres se croisent, attestant que le travail avec Bourdieu n'a pas calibré la pensée ni les manières de faire.
Ces différentes positions et objets révèlent des facettes et des lectures inédites de Bourdieu, qui portent tant sur la réflexivité, les logiques de la pratique, les classements que sur l'économie des biens symboliques et les formes de domination.
Dans nombre de contributions sourd également, par touches pudiques, l'émotion du souvenir, sorte de rappel des conditions sensibles de production de la science, souvent passées sous silence et qui font pourtant le quotidien du métier de chercheur.
S'il fallait parler d'hommage, c'est un hommage anti-académique que les auteurs de ce livre ont voulu rendre à l'auteur d'Homo academicus.
Couverture: Atelier Michel-Bouvet
La seule vraie révolution de ces 50 dernières années est celle de la communication. Plus de messages, plus de diffuseurs, plus de récepteurs. Plus vite, plus loin... Nous sommes les acteurs de ce bouleversement. La communication est omniprésente et de plus en plus inséparable des techniques. Surpuissante communication ? Pas si sûr... Hier, alors que les techniques étaient encore balbutiantes, la communication brillait du même éclat que la liberté, l'égalité ou la fraternité au fronton des valeurs démocratiques. Aujourd'hui triomphante, elle s'est banalisée, et hésite entre une idéologie faussement consensuelle et une caricature féroce de la modernité. Pourtant, personne ne peut s'en passer. Il faut sortir la communication du leurre de la surpuissance. Rappeler, modestement et obstinément, sa dimension humaniste. L'avenir de la communication n'est pas dans le triomphe des techniques et des marchés, mais dans le risque de la rencontre et de l'incompréhension. Communiquer, c'est accepter la cohabitation avec l'autre, le pari de l'échange, l'épreuve de l'incommunication. Pour éviter que le village global devienne une immense tour de Babel, il faut apprendre à cohabiter. Et sauver la communication, cet idéal humaniste qui est aussi l'un des grands enjeux de la paix ou de la guerre au XXIesiècle.
«La patronne voudrait que ses enfants comptent plus que ma chair. Mais ça ment. C'est juste le travail.» Nounou noire et bébé blanc : une situation romanesque s'il en est, que l'on songe à Autant en emporte le vent ou à La Couleur des sentiments. C'est aussi devenu un tableau ordinaire des squares de nos villes et de nos foyers. Car, si l'engagement professionnel des femmes s'est accompagné du développement d'un véritable marché de la garde à domicile, à qui les couples de bobos hyperactifs confient-ils le plus souvent leurs enfants et leur appartement ? La réponse est la même à Paris qu'à Londres ou à New York : des femmes migrantes, originaires du monde pauvre, laissent leurs propres enfants au pays pour venir prendre soin de ceux de la bourgeoisie occidentale. S'appuyant sur une enquête de terrain menée auprès de nounous africaines et de couples d'employeurs, Caroline Ibos analyse la relation dissymétrique entre ces deux femmes que tout oppose hors le souci de l'enfant : la mère et la nounou. Comment confier son enfant à une personne dont on ne sait rien ? Qu'attendent les parents d'une «bonne nounou» et quels préjugés trahit leur façon de la recruter ? Quelle est réellement la condition de la nounou, indispensable à l'harmonie de la famille mais sommée de passer sans laisser de traces ? La réussite sociale des femmes aisées et éduquées serait-elle possible si d'autres femmes, précaires, vulnérables, déchirées entre ICI et ailleurs, ne travaillaient pas pour elles ? Au fil des entretiens et des confidences, ce livre dense et engagé nous montre le domicile familial, lieu supposé de l'harmonie et de la paix, comme le théâtre d'une expérience politique où se jouent des conflits de sexe, de «race», de classe ; où s'opère une interaction cruciale entre microcosme et macrocosme, entre la sphère de l'intime et la logique de la mondialisation.
On n'est pas encore dans l'indifférence des sexes mais on est en train de chausser des bottes de sept lieues pour y parvenir.