Depuis les années 1990, des associations, comme Allegro Fortissimo et plus récemment Gras politique, ainsi que des militantes et autrices comme Gabrielle Deydier, ont imposé un nouveau terme pour parler des discriminations liées au poids: la grossophobie. La tendance « body positive », résultat de ces mobilisations contre les normes esthétiques et pondérales dominantes, a renouvelé les problématiques propres aux mouvements féministes et queer, mettant à nouveau la question du corps au coeur des revendication des militantes dans le monde entier.Pourtant, les réseaux sociaux demeurent saturés d'« humour » grossophobe et la tyrannie de la minceur continue de sévir, générant mal-être, troubles du comportement alimentaire ou encore pratiques d'autocensure. Plus grave encore, les études chiffrées sur la grossophobie montrent qu'au-delà d'un certain poids les discriminations se systématisent. Elles ont lieu à l'embauche, au travail, mais aussi sur les applications de rencontre, dans les salles de sport, chez le médecin et même dans l'intimité, avec la famille.Avec cet ouvrage, Solenne Carof, signe une des premières études sociologiques sur la grossophobie en France. Que vivent les personnes très corpulentes dans une société comme la nôtre? Que révèle le stigmate de gros ou de grosse des normes qui pèsent différemment sur les hommes et sur les femmes? Quelles conséquences cette stigmatisation a-t-elle sur les personnes concernées? Au fil de son enquête, l'autrice dévoile les rapports de pouvoir qui se nichent dans la question du poids et structurent les hiérarchies propres à notre société.Une étude décisive pour mettre en évidence l'importance d'une discrimination encore peu condamnée, tant socialement que juridiquement.
La sociologie de l'alimentation, sans doute parce qu'elle a été longtemps structurée autour des questions de goût, de territoire, de patrimoine et qu'elle explore la question de la commensalité, a privilégié dans sa problématisation de l'acte alimentaire la ligne directrice de la continuité. Aussi, en proposant dans cet ouvrage collectif de soumettre l'alimentation au cadre d'analyse de la promesse, nous souhaitions opérer un pas de côté problématique susceptible de mieux rendre compte de l'articulation entre le temps long de l'histoire de l'alimentation, sa dimension anthropologique et les effets de rupture engendrés par certaines promesses. L'objectif était double: d'une part interroger le caractère novateur des promesses alimentaires et donc de saisir leurs conditions d'émergence, de circulation et de transformation; d'autre part, comprendre ce que les mangeurs en font concrètement au quotidien: les adoptent-ils? les rejettent-ils? les bricolent-ils? Ont ainsi été rassemblées neuf contributions issues d'enquêtes de sciences sociales et d'histoire, à dominante ethnographique, richement illustrées et réalisées sur trois continents. Les promesses décryptées ici s'arriment à des produits (pain, probiotiques, compléments alimentaires), à des pratiques (les régimes 'sans', le mouvement 'zéro déchet') et à des enjeux (l'autonomie alimentaire des villes, l'alimentation en fin de vie, la malnutrition infantile et l'aide alimentaire). En cela, l'ouvrage s'adresse aux étudiants, enseignants, chercheurs et autres professionnels intéressés par l'alimentation contemporaine et ses dimensions sociale, politique, nutritionnelle et écologique.
Ce livre collectif interroge la fécondité heuristique de la démarche wébérienne pour les sciences sociales d'aujourd'hui, alors même que celles-ci s'interrogent à nouveau sur leur fondement et sur leur objet. Il entend contribuer à une meilleure compréhension de l'oeuvre de Max Weber à un moment où les références à celle-ci sont devenues plus nombreuses mais le plus souvent convenues, quand elles ne sont pas de l'ordre de la seule incantation ou qu'elles ne se réduisent pas à des stéréotypes rebattus.
Alors que l'oeuvre wébérienne articule en permanence analyse empirique, construction théorique et réflexion méthodologique, sa réception française a été et reste davantage cantonnée dans l'approche théorique et exégétique. Autour de quatre thématiques, le droit, la bureaucratie, la démagification du monde et l'art et la technique et en faisant appel, au-delà des spécialistes de Weber, à des chercheurs d'horizons divers qui « travaillent avec Max Weber », cet ouvrage veut rompre avec l'opposition stérile et inappropriée entre un Weber empiriste et un Weber théoricien et il ouvre le champ à des usages pluriels de l'oeuvre wébérienne, sortant ainsi du seul domaine des « études wébériennes » , sans renoncer pour autant à la rigueur théorique et à la vigilance critique dont Weber reste un modèle.
À quoi rime l'engouement de nos contemporains pour les matchs et les clubs de football? Que cherchent à mettre en forme les passionnés qui se regroupent, semaine après semaine, sur les gradins des stades ? Une longue enquête ethnologique, auprès des spectateurs ordinaires comme parmi les supporters les plus démonstratifs de trois métropoles singulières, éclaire d'un jour nouveau les significations de cette ferveur.
Récits de vie et paroles quotidiennes des partisans, histoires de matchs - des préparatifs aux commentaires du lendemain -, composition et répartition du public dans le stade, fonctionnement des associations de supporters, chants, slogans, emblèmes utilisés pour encourager les siens et discréditer les autres. sont ici analysés au plus près pour cerner les ressorts et les modulations de cette effervescence.
Saisi dans tous ses états et dans toutes ses résonances, le match de football apparaît comme le support d'une gamme extraordinairement variée d'identifications, comme un langage universel sur lequel chaque collectivité imprime sa marque propre et, plus encore, comme la mise en forme dramatique des valeurs cardinales qui façonnent le monde contemporain. Quant au stade, il s'offre comme un des rares espaces où une société urbaine, dans sa moitié masculine au moins, se donne en spectacle à elle-même et où s'expriment émotions et symboles proscrits dans le quotidien.
Ces propriétés, jointes à l'exaltation du sentiment communautaire et aux pratiques ferventes des supporters les plus ardents, invitent à esquisser un parallèle entre le match de football et un rituel religieux. En quoi cette analogie nous aide-t-elle à mieux comprendre ce qui se joue sur le terrain et dans les gradins ?.
Les rapports sociaux de sexe ou de genre, la division sexuelle des tâches, la définition de l'individu et de la personne, de la parenté et de la famille - mais également de la normalité, de l'anormalité et de la différence - sont des questions sociales et politiques omniprésentes dans les sociétés occidentales. Si les sociologues, anthropologues, philosophes, juristes et historiens se penchent sur ces débats, leur intérêt est la traduction, dans le domaine « savant », des mobilisations sociales par des personnes souvent traitées comme des « tiers ». Ces personnes sont rejetées aux marges de la société, parfois sujettes à des interventions médicales et juridiques afin de les « normaliser », ou même à des internements dans les prisons.
Les mouvements des intersexués, LGTB et queer s'intéressent aux pratiques des sociétés autochtones telles que décrites dans les travaux classiques des anthropologues, avec travestissement rituels et parfois pratiques homosexuelles ; mais ils ont tendance à les instrumentaliser de façon le plus souvent décontextualisée et romancée.
Ce dossier invite à des réflexions critiques qui prennent en compte les obstacles auxquels sont trop souvent confrontés les tiers exclus et met en lumière également la présence innovante dans l'histoire, la jurisprudence, la recherche scientifique, les arts ou la littérature du « troisième sexe social », concept développé par Bernard Saladin d'Anglure, à partir la conception inuit des relations de sexe, de genre, de la famille et de l'identité fondée non pas sur le binarisme occidental et sa logique du tiers exclu, mais sur celle du tiers inclus (ibid.), tout en situant le débat bien plus sur le plan du sexe social que sur celui de l'orientation sexuelle.
Préparé par Michel Wieviorka, le dossier contient un débat, le premier jamais publié, entre Dany Cohn-Bendit et Alain Geismar, des analyses sur quelques expériences étrangères de Karol Modzelevski (Pologne), Sergio Zermeno (Mexique), etc., les interventions d'Alain Touraine, d'Elizabeth Roudinesco, d'Edgar Morin, etc. L'ensemble revient sur l'importance qu'a revêtue le mouvement de mai, à chaud, mais aussi au fil des 50 années qui viennent de s'écouler, dans une perspective largement internationale et, ce qui n'est pas la même chose, globale.
Lire les sciences sociales propose, depuis une vingtaine d'années, une sélection raisonnée de livres récents en sciences sociales. De façon générale, la présentation publique par des pairs est faite en présence des auteurs. Les livres retenus le sont, sans esprit de chapelle, en fonction de plusieurs critères (publication récente, en langue française, relevant des sciences sociales au sens large) et d'une conception de ce que sont des sciences sociales "intéressantes ou, en tout cas, qui valent la peine qu'on en débatte" : la confrontation d'une problématique à une enquête empirique et la production de schèmes d'interprétation transposables.
Ce qui conduit à exclure les ouvrages purement empiriques ou relevant au contraire de la théorie la plus désincarnée. Refus de l'académisme et de l'essayisme, des frontières disciplinaires, des hiérarchies d'objets, des modes intellectuelles : Lire les sciences sociales esquisse, ce faisant, un modèle de critique scientifique autonome.
L'argument de la filiation est souvent invoqué par les anthropologues à l'appui des débats qui les opposent, au coeur de leur discipline, sur ce qui est donné, commun à l'ensemble des sociétés humaines, et ce qui est construit dans des contextes culturels particuliers. Quoi de plus "naturel", de plus "universel" en effet que cette relation filiative qui répond aux nécessités de la reproduction sexuée de l'espèce, invariant qui relève des mêmes évidences que la distinction des sexes ? Le présent ouvrage, présenté sous la forme d'un recueil de textes, réunit des spécialistes de différentes disciplines - anthropologues, historiens, juristes - qui explorent la manière, relativement convergente, dont la filiation est établie dans des sociétés, anciennes et modernes, situées autour de la Méditerranée. Ces sociétés, polythéistes ou relevant des trois grandes religions monothéistes nées dans cette aire, donnent à voir des agencements qui lient la filiation, et plus largement la parenté, à la constitution de l'ordre social et cosmique. Des pratiques d'alliance de mariage dans la proximité consanguine brouillent le calcul de la filiation, la distinction des lignées paternelle et maternelle, celle de l'ascendance et de la descendance... Les récits d'origine aussi bien que la manière de dire le droit expriment les débats qui s'ouvrent ainsi et sous-tendent la définition des règles de prohibition de l'inceste. Ces débats sont renouvelés dans le contexte contemporain de développement des techniques de procréation assistée. Ils montrent que la définition et le calcul de la filiation n'interviennent pas seulement dans le champ particulier de la parenté, mais déterminent aussi la transmission intergénérationnelle des biens matériels et symboliques, ainsi que les identités et les statuts, éventuellement les titres politiques ; ils relèvent simultanément de la codification du droit.
Comme les précédents, ce volume de Lire les sciences sociales présente une sélection raisonnée de recherches récentes. On y trouvera abordés des sujets très divers : ignorant les barrières entre disciplines, écoles et domaines d'investigation, indifférents aux hiérarchies académiques et mondaines, nous avons présenté « des grands objets » et « des petits terrains », des historiens, des sociologues, des ethnologues et des philosophes, des auteurs consacrés, des « classiques » et des travaux de jeunes chercheurs. C'est ainsi que Lire les sciences sociales a pu devenir en une quinzaine d'années une institution critique, interne au champ des sciences sociales, indépendante par rapport aux autorités de toutes sortes, privilégiant l'originalité du point de vue, la nouveauté de la démarche ou l'invention d'objets inédits.
Ce dossier regroupe des articles d'auteurs ayant mené des travaux de sociolinguistique à partir de différents terrains, illustrant pour tous ici des parlers ordinaires de locuteurs ordinaires. Les divers terrains et les données qui en ont été tirées permettent aux auteurs de se demander comment, compte tenu de leurs observations, ils ont été amenés à formuler des questions théoriques.La plupart des exemples de terrains illustrés dans ce numéro portent sur le français (en France et en Belgique), et la plupart aussi concernent les parlers jeunes. Tous les auteurs cherchent à montrer l'importance qu'il y a, pour une démarche sociolinguistique, à tenir les deux bouts de la chaîne: présence exigeante sur un terrain, et prise en compte de préoccupations théoriques et épistémologiques. Entre l'établissement des données et la théorisation, entre terrain et théorie, le cheminement n'est pas à sens unique, mais tient plutôt du va-et-vient, ou de l'aller-retour.
Le numéro double fête les 40 ans de la revue! Au programme de nombreux articles sur les langues, les langages et les discours en sociétés.
Zygmunt Bauman (1925-2017) est l'un des plus grands sociologues du XXe siècle qui sait ce qu'est l'histoire pour l'avoir vécue.
Le dossier de Socio revient sur cette haute figure récemment disparue, met en valeur l'apport de ce grand sociologue et en même temps, d'une certaine façon, invite les lecteurs à s'interroger sur la place des sciences humaines et sociales, leur évolution et leur capacité à penser le monde et l'histoire.
Engagés dans une course à la modernité visant à restructurer et à requalifier le paysage urbain de Marseille, les pouvoirs publics locaux et nationaux, aidés en cela par des entreprises et des financements privés, ont impulsé depuis plusieurs décennies une série d'actions urbanistiques et architecturales qui tendent à évincer les anciens occupants du centre-ville au profit de nouvelles populations plus nanties. C'est ce processus de recomposition sociodémographique - connu sous le terme de "gentrification" - que ce dossier de Langage & Société a choisi pour fil directeur.
Les études réunies décrivent sous l'angle sociolinguistique et discursif quelques-unes des dynamiques identitaires induites par ces transformations ainsi que certaines formes de ségrégation et de résistances au processus de gentrification dont les pratiques langagières sont porteuses. Ce dossier pourra intéresser les chercheurs en sciences du langage, mais aussi, plus largement, tous ceux qui cherchent à comprendre une ville en pleine mutation.
Comment est-il possible de réparer une représentation négative de sa personne dès lors qu'elle a été mise en circulation ? De quels moyens discursifs et argumentatifs le locuteur dispose-t-il dans une situation de discours et un contexte socio-historique donnés, pour redorer son blason et offrir à l'auditoire un ethos crédible ? La question se pose tout particulièrement au cours des campagnes électorales, où les candidats se trouvent sous les feux de la rampe et sont pris à parti par leurs concurrents.
Ce dossier propose d'éclairer le fonctionnement discursif et argumentatif de la réparation d'image en croisant les méthodes issues des sciences du langage avec celle des sciences de la communication, de la sociologie ou de la science politique. Il fait place à différentes approches du discours, de la théorie communicationnelle de restauration d'image (Benoit) à l'analyse du discours quantitative (Mayaffre), tout en insistant sur l'intérêt d'une analyse socio-discursive ancrée dans les sciences du langage et nourrie d'argumentation rhétorique.
Divers pays et cultures permettront de dégager des constantes aussi bien que des différences de culture politique (ou de culture tout court) dans la gestion de la réparation d'image, tout en se limitant à des exemples de pays démocratiques (en l'occurrence, la France, les États-Unis, l'Italie, Israël).
La citoyenneté opère un retour en force dans le domaine environnemental, comme le monte l'actuelle Convention citoyenne pour le climat.Entre Poitou-Charente et Ardèche, ce livre aborde deux cas dans lesquels la démocratie prend des formes nouvelles. D'un côté, il explore une conférence de citoyens sur la gestion de l'eau, soit un dispositif de participation destiné à inclure l'ensemble des citoyens dans les prises de décision; de l'autre, nous découvrons une mobilisation contestataire contre le gaz de schiste, c'est-à-dire un mouvement de contestation, voire de résistance à des projets d'aménagement ou d'usages de l'espace.Ces deux expériences participatives constituent pour ceux qui y prennent part - citoyens, acteurs associatifs, élus, professionnels des politiques publiques - de véritables lieux d'apprentissages politiques. En analysant le point de vue de tous les acteurs de ces expériences démocratiques et citoyennes (participants comme animateurs), cet ouvrage identifie à la fois ce qu'ils apprennent, et comment ils apprennent. L'enquête ethnographique et le recours aux sciences de l'éducation font l'originalité de cette recherche qui propose de décrire et d'analyser finement des expériences d'apprentissages politiques, d'éducation au conflit et de participation.
Par tradition, la sociolinguistique s'est désintéressée de la communication animale, laissant le soin de son étude à l'éthologie ou aux sciences du comportement. Le présent dossier a l'ambition de montrer qu'il est possible, pour la linguistique interactionnelle, d'appréhender rigoureusement les phénomènes communicatifs à l'oeuvre dans des interactions impliquant des animaux. L'ensemble des contributions entend aussi mener une réflexion sur la manière dont les outils analytiques et méthodologiques de la sociolinguistique et de la linguistique interactionnelle peuvent se voir retravaillés par cet objet singulier: les notions de participation, d'analyse séquentielle et de « tour de parole », centrales en analyse conversationnelle, seront ré-examinées. En s'intéressant à des interactions impliquant chiens, perroquets, chevaux, vaches, macaques, ou babouins, les contributions à ce dossier analysent la manière dont les animaux initient des actions communicatives ou répondent à des tours de parole humains (Mondémé), mais aussi la manière dont leurs contributions sont traitées comme des tours de parole pertinents (Harjunpää), ou ressaisies comme des actions intentionnelles (Camus), par des participants humains. Une réflexion méthodologique de fond interroge les défis de la prise en compte des actions animales dans le cadre de l'analyse séquentielle (Mondada). Enfin, le dossier se clôt par une traduction inédite d'un texte des sociologues des sciences Eileen Crist et Michael Lynch, qui, il a trente ans déjà, à l'occasion d'une conférence de l'American Sociological Association, s'interrogeaient sur la possibilité d'analyser l'interaction interespèce avec les outils de l'analyse séquentielle.
La race est actuellement une catégorie aussi cruciale que discutée en sciences humaines et sociales, tant en France que dans le monde anglophone. Ce dossier a donc pour objectif d'intégrer la notion comme paramètre du travail de recherche dans les linguistiques sociales françaises. L'approche choisie est épistémologique et théorique et vise à explorer la race comme réalité sociolangagière et discursive aussi bien en sociolinguistique qu'en analyse du discours.
Pour ce faire, nous proposons de considérer la race comme un signe, motivant une « sémiotique raciale » et justifiant la conaturalisation du langage, du corps et de la race, mais également sa déconstruction à partir de l'exemple de la blackness (Telep). La race est également inscrite en langue et en discours sous des formes implicites qui puisent dans les stéréotypes comme par exemple dans certains noms décrivant les couleurs de la chair (Paveau). Elle peut aussi se retrouver renforcée et essentialisée comme le montrent certains discours de revitalisation linguistique (Boitel).
Les sociologues classiques français n'ont jamais ignoré les questions relatives aux jeux, aux sports et à l'éducation physique.
Au cours des années 1890-1914, un clivage assez net se précise. Des sociologues appartenant à l'Institut international de Sociologie fondé par René Worms proposent des analyses qui méritent l'attention. Les sociologues liés à Durkheim et à la publication de L'Année sociologique examinent la place des jeux, de type rituel pour l'essentiel, et des techniques du corps telles qu'elles sont traitées par les anthropologues.
Pendant les années 1920-1930, l'enracinement de diverses approches dans une conception philosophique du « jeu », visiblement inspirée par une lecture quelque peu réductrice du criticisme kantien, a pour effet de contraindre certaines approches alors que très tôt le « sociologue » Jean-Marie Guyau et un peu plus tard Ch. Lalo avaient ébauché des méthodes pour étudier les jeux et les sports. Toutefois, des universitaires proposent une analyse des jeux récréatifs, des sports et des loisirs qui s'accorde mieux avec le changement culturel observable durant l'entre-deux-guerres. Tout en assumant l'héritage durkheimien, Maurice Halbwachs ouvre des perspectives novatrices. À la même époque, Richard, Duprat, mais aussi René Maunier, René Hubert et Henri Gouhier, voire même Émile Lasbax ou Oscar Auriac abordent les pratiques physiques et sportives sous l'angle de la science sociale. Toutes ces publications méritaient d'être tirées de l'oubli.
Ce manifeste s'inscrit dans le cadre épistémologique de la globalisation et de l'individualisme, que les auteurs entendent prendre en compte pour définir les nouveaux enjeux qui se présentent pour la pratique des sciences sociales, à travers des champs comme la transformation des mouvements sociaux ou le rapport à la démocratie.
En Corse dans les années 1970, une société villageoise s'accroche à la montagne.
Elle y maintient, avec le concours de la diaspora, un modèle d'existence en commun largement hérité de son passé proche mais dont les évolutions en cours sur le littoral semblent préparer à terme la disparition. Ce serait alors la fin d'une longue histoire sur laquelle cette société avait gravé sa signature, à défaut d'y exercer sa mainmise. La Corse est, en effet, l'abri d'une civilisation dont le creuset est villageois.
Les textes rassemblés dans ce volume dressent le portrait de certaines des institutions portant la marque de cette civilisation et en reconstituent les valeurs. Un idéal en organise le jeu ; il est cultivé dans chaque vallée, dans chaque communauté de village, dans chaque maisonnée : l'idéal de souveraineté. La Corse d'hier était un archipel dont chaque île, façonnée à l'identique sur le principe du quant-à-soi, proclamait avec force le refus de la vassalité.
L'idée d'État était donc étrangère à cette société en mosaïque, mais tout autant celle d'une cause commune, quand bien même s'agissait-il de s'opposer aux institutions de l'État.