Le pangolin est un fourmilier mammifère qui contredit toutes les catégories animales. Il est ambigu : il a des écailles comme les poissons, mais il grimpe sur les arbres ; la femelle ressemble à une lézarde pondeuse d'oeufs, mais elle allaite ses petits. Considéré comme anomalie, il est normalement dangereux et impropre à la consommation et on risque la mort en s'en approchant, à moins d'être initié.
Il en est de même des personnes qui sont insituables (situées dans les « régions inarticulées », les « limites confuses » ou à la « fluctuation des frontières »), des personnes au statut indéfinissable, non clairement identifiable ; figures d'infraction à la règle qui veut que telles choses soient réunies et d'autres séparées, elles menacent l'ordre des choses. Telle est la situation de l'auteur, chercheuse dans le domaine du handicap et personnellement impliquée dans une situation de handicap. Sa position singulière redéfinit les clivages classiques encore opérants dans les sciences humaines qui prônent la séparation entre l'expert et le profane, le sujet observant et le sujet observé.
L'analyse de cette situation de « l'entre-deux » vs « double appartenance » amène l'auteur à proposer une réflexion sur les postures de distanciation et d'immersion, d'objectivité et de subjectivité dans l'activité de recherche et à poser la question de la neutralité, du rapport entre l'implication du chercheur et l'engagement militant.